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ELVIRE.

Gardez, pour vous punir de cet orgueil étrange,
Que le ciel à la fin ne souffre qu'on vous venge.
Quei! vous voulez encor refuser le bonheur
De pouvoir maintenant vous taire avec honneur?
Que prétend ce devoir, et qu'est-ce qu'îì espère ?
La mort de votre amant vous rendra-t-elle un père?
Est-ce trop peu pour vous que d'un coup de malheur?
Faut-il perte sur perte, et douleur sur douleur?
Allez, dans le caprice où votre humeur s'obstine,
Vous ne méritez pas l'amant qu'on vous destine;
Et nous verrons du ciel l'équitable courroux
Vous laisser, par sa mort, don Sanche pour époux.
CHIMÈNE.

Elvire, c'est assez des peines que j'endure,
Ne les redouble point par ce funeste augure.
Je veux,
si je le puis, les éviter tous deux;
Sinon, en ce combat Rodrigue a tous mes voeux:
Non qu'une folle ardeur de son côté ne penche;
Mais, s'il étoit vaincu, je serois à don Sanche:
Cette appréhension fait naître mon souhait....
Que vois-je, malheureuse! Elvire, c'en est fait.

SCENE V I.'

D. SANCHE, CHIMENE, ELVIRE.

D. SANCHE.

MADAME, à vos genoux j'apporte cette épée....

CHIMÈNE.

Quoi! du sang de Rodrigue encor toute trempée!

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-Perfide, öses-tu bien te montrer à mes yeux,
Après m'avoir ôté ce que j'aimois le mieux ?
Éclate, mon amour, tu n'as plus rien à craindre;
Mon père est satisfait, cesse de te contraindre;
Un méme coup a mis ma gloire en sûreté,
Mon ame au désespoir, ma flamme en liberté.

D. SANCHE

D'un esprit plus rassis....

CHIMÈNE.

Tu me parles encorë,

Execrable assassin d'un héros que j'adore!
Va, tu l'as pris en traître; un guerrier si vaillant
N'eût jamais succombé sous un tel assaillant.
N'espère rien de moi, tu ne m'as point servie;
Et, croyant me venger, tu m'as ôté la vie.

D. SANCHE.

Étrange impression qui, loin de m'écouter....

CHIMÈNE.

Veux-tu que de sa mort je t'écoute vanter,

Que j'entende à loisir avec quelle insolence
Tu peindras son malheur, mon crime, et ta vaillance?

SCÈNE VII.

LE ROI, D. DIÈGUE, D. ARIAS, D. SANCHE, D. ALONSE, CHIMÈNE, ELVIRE.

CHIMÈNE.

SIRE, il n'est plus besoin de vous dissimuler

Ce que tous mes efforts ne vous ont

pu

celer.

J'aimois, vous l'avez su; mais, pour venger mon père,
J'ai bien voulu proscrire une tête si chère:
Votre majesté, sire, elle-même a pu voir
Comme j'ai fait céder mon amour au devoir.
Enfin Rodrigue est mort, et sa mort m'a changée
D'implacable ennemie en amante affligée.

J'ai dû cette vengeance à qui m'a mise au jour,
Et je dois maintenant ces pleurs à mon amour.
Don Sanche m'a perdue en prenant ma défense;
Et du bras qui me perd je suis la récompense!
Sire, si la pitié peut émouvoir un roi,

De grace, révoquez une si dure loi;

Pour prix d'une victoire où je perds ce que j'aime,
Je lui laisse mon bien; qu'il me laisse à moi-même;
Qu'en un cloître sacré je pleure incessamment,
Jusqu'au dernier soupir, mon père et mon amant.
D. DIÈGUE.

Enfin elle aime, sire, et ne croit plus un crime
D'avouer par sa bouche un amour légitime.

LE ROI.

Chimène, sors d'erreur, ton amant n'est pas mort; Et don Sanche vaincu t'a fait un faux rapport.

D. SANCHE.

Sire, un peu trop d'ardeur malgré moi l'a déçue :
Je venois du combat lui raconter l'issue.

Ce généreux guerrier dont son cœur est charmé,
« Ne crains rien, m'a-t-il dit quand il m'a désarmé,

Je laisserois plutôt la victoire incertaine

Que de répandre un sang hasardé pour Chimène ; Mais puisque mon devoir m'appelle auprès du roi, A Va de notre combat l'entretenir pour moi,

De la part du vainqueur lui porter ton épée. »
Sire, j'y suis venu : cet objet l'a trompée;
Elle m'a cru vainqueur, me voyant de retour;
Et soudain sa colère a trahi son amour

Avec tant de transport et tant d'impatience,
Que je n'ai pu gagner un moment d'audience.
Pour moi, bien que vaincu, je me répute heureux;
Et, malgré l'intérêt de mon cœur amoureux,
Perdant infiniment, j'aime encor ma défaite,
Qui fait le beau succès d'une amour si parfaite.

LE ROI.

'Ma fille, il ne faut point rougir d'un si beau feu,
Ni chercher les moyens d'en faire un désaveu:
Une louable honte en vain t'en sollicite;

Ta gloire est dégagée et ton devoir est quitte;
Ton père est satisfait, et c'étoit le venger

Que mettre tant de fois ton Rodrigue en danger.

Tu vois comme le ciel autrement en dispose.

Ayant tant fait pour lui, fais pour toi quelque chose;
Et ne sois point rebelle à mon commandement,

Qui te donne un époux aimé si chèrement.

SCÈNE VIII.

LE ROI, D. DIÈGUE, D. ARIAS, D. RODRIGUE, D. ALONSE, D. SANCHE, L'INFANTE, CHIMÈNE, LÉONOR, ELVIRE.

L'INFANTE.

SÈCHE tes pleurs, Chimène, et reçois sans tristesse
Ce généreux vainqueur des mains de ta princesse.

D. RODRIGUE.

Ne vous offensez point, sire, si, devant vous,
Un respect amoureux me jette à ses genoux.

Je ne viens point ici demander ma conquête;
Je viens tout de nouveau vous apporter ma tête,
Madame; mon amour n'emploîra point pour moi,
Ni la loi du combat, ni le vouloir du roi.

Si tout ce qui s'est fait est trop peu pour un père,
Dites par quels moyens il vous faut satisfaire.
Faut-il combattre encor mille et mille rivaux,
Aux deux bouts de la terre étendre mes travaux,
Forcer moi seul un camp, mettre en fuite une armée,
Des héros fabuleux passer la renommée ?

Si mon crime par là se peut enfin laver,
J'ose tout entreprendre, et puis tout achever?
Mais si ce fier honneur, toujours inexorable,
Ne se peut apaiser sans la mort du coupable,
N'armez plus contre moi le pouvoir des humains;
Ma tête est à vos pieds, vengez-vous par vos mains;
Vos mains seules ont droit de vaincre un invincible;
Prenez une vengeance à tout autre impossible.
Mais du moins que ma mort suffise à me punir:
Ne me bannissez point de votre souvenir;
Et, puisque mon trépas conserve votre gloire,
Pour vous en revancher conservez ma méinoire, 2
Et dites quelquefois, en songeant à mon sort:
S'il ne m'avoit aimée, il ne seroit pas mort.

CHIMÈNE.

Relève-toi, Rodrigue. Il faut l'avouer, sire,
Mon amour a paru, je ne m'en puis dédire.

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