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facilité les connoissances, puisque nous n'avons plus besoin d'autre étude pour les acquérir que d'attacher nos yeux sur votre éminence quand elle honore de sa présence et de son attention le récit de nos poëmes. C'est là que, lisant sur son visage ce qui lui plait et ce qui ne lui plaît pas, nous nous instruisons avec certitude de ce qui est bon et de ce qui est mauvais, et tirons des règles infail-, libles de ce qu'il faut suivre et de ce qu'il faut éviter c'est là que j'ai souvent appris en deux heures ce que mes livres n'eussent pu m'apprendre en dix ans : c'est là que j'ai puisé ce qui m'a valu l'applaudissement du public: et c'est là qu'avec votre faveur j'espère puiser assez pour être un jour une œuvre digne de vos mains. Ne trouvez donc pas mauvais, MONSEIGNEUR, que pour vous remercier de ce que j'ai de réputation, dont je vous suis entièrement redevable, j'emprunte quatre vers d'un autre Horace que celui que je vous présente, et que je vous exprime par eux les plus véritables sentiments de mon ame

Totum muneris hoc tui est,

Quòd monstror digito prætereuntium

SCENE NON LEVIS ARTIFEX:

Quòd spiro et placeo, si placco, tuum est

Je n'ajouterai qu'une vérité à celle-ci, en vous suppliant de croire que je suis et serai toute ma vie très passionnément *,

MONSEIGNEUR,

de votre éminence

le très humble, très obéissant, et très fidèle serviteur,

P. CORNEILLE.

* Cette expression PASSIONNÉMENT montre combien tout dépend des usages. JE SUIS PASSIONNÉMENT est aujourd'hui la formule dont les supérieurs se servent avec les inférieurs. Les Romains ni les Grecs ne connurent jamais ce protocole de la vanité : il a toujours changé parmi nous. Celui qui fait cette remarque est le premier qui ait supprimé les formules dans les épîtres dédicatoires de ce genre; et on commence à s'en abstenir. Ces épîtres, en effet, étant souvent des ouvrages raisonnés, ne doivent point finir comme une lettre ordinaire.

PERSONNAGES.

TULLE, roi de Rome.

LE VIEIL HORACE, chevalier romain.
HORACE, son fils.

CURIACE, gentilhomme d'Albe, amant de Camille.
VALÈRE, chevalier romain, amoureux de Camille.
SABINE, femme d'Horace, et sœur de Curiace,
CAMILLE, amante de Curiace, et sœur d'Horace
JULIE, dame romaine, confidente de Sabine et
de Camille.'

FLAVIAN, soldat de l'armée d'Albe.
PROCULE, soldat de l'armée de Rome.

La scène est à Rome, dans une salle de la maison d'Horace

TRAGÉDIE.

ACTE PREMIER.

SCÈNE I.'

SABINE, JULIE.

SABINE.

A

PPROUVEZ ma foiblesse, et souffrez ma douleur;
Elle n'est que trop juste en un si grand malheur:
Si près de voir sur soi fondre de tels orages, 2
L'ébranlement sied bien aux plus fermes courages;
Et l'esprit le plus mâle et le moins abattu
Ne sauroit sans désordre exercer sa vertu.

Quoique le mien s'étonne à ces rudes alarmes,

Le trouble de mon cœur ne peut rien sur mes larmes,
Et, parmi les soupirs qu'il pousse vers les cieux,
Ma constance du moins règne encor sur mes yeux:
Quand on arrête là les déplaisirs d'une ame, 4

Si l'on fait moins qu'un homme, on fait plus qu'une femme; 5
Commander à ses pleurs en cette extrémité,

C'est montrer, pour le sexe,

assez de fermeté.

P. Corneille. I.

9

JULIE.

C'en est peut-être assez pour une ame commune,
Qui du moindre péril se fait une infortune:
Mais de cette foiblesse un grand cœur est honteux;
Il ose espérer tout dans un succès douteux.

Les deux camps sont rangés au pied de nos murailles;
Mais Rome ignore encor comme on perd des batailles.
Loin de trembler pour elle, il lui faut applaudir :
Puisqu'elle va combattre, elle va s'agrandir.
Bannissez, bannissez une frayeur si vaine,
Et concevez des vœux dignes d'une Romaine.

SALINE.

Je suis Romaine, hélas ! puisqu'Horace est Romain;
J'en ai reçu le titre en recevant sa main:

Mais ce nœud me tiendroit en esclave enchaînée,
S'il m'empêchoit de voir en quels lieux je suis née.
Albe, où j'ai commencé de respirer le jour,
Albe, mon cher pays, et mon premier amour, 7
Lorsqu'entre nous et toi je vois la guerre ouverte,
Je crains notre victoire autant que notre perte.
Rome, si tu te plains que c'est là te trahir,
Fais-toi des ennemis que je puisse haïr: 8

Quand je vois de tes murs leur armée et la nôtre,
Mes trois frères dans l'une, et mon mari dans l'autre,
Puis-je former des voeux et sans impiété

Importuner le ciel pour ta félicité?

Je sais que ton état, encore en sa naissance,

Ne sauroit, sans la guerre, affermir sa puissance;

Je sais qu'il doit s'accroître, et que tes grands destins
Ne le borneront pas chez les peuples latins;
Que les dieux t'ont promis l'empire de la terre,
Et que tu n'en peux voir l'effet que par la guerre:

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