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aux veaux *, l'humeur vile de cet auteur et la bassesse de son ame, etc. »

On voit, par cet échantillon de plus de cent brochures faites contre Corneille, qu'il y avait, comme aujourd'hui, un certain nombre d'hommes que le mérite d'autrui rend si furieux, qu'ils ne connaissent plus ni raison ni bienséance: c'est une espèce de rage qui attaque les petits auteurs, et surtout ceux qui n'ont point eu d'éducation. Dans une pièce de vers contre lui on fit parler ainsi Guilain de Castro:

Donc, fier de mon plumage, en corneille d'Horace,
Ne prétends plus voler plus haut que le Parnasse.
Ingrat, rends-moi mon Cid jusques au dernier mot :
Après tu connoîtras, corneille déplumée,

Que l'esprit le plus vain est souvent le plus sot,
Et qu'enfin tu me dois toute ta renommée.

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Mairet, l'auteur de la Sophonisbe, qui avait au moins la gloire d'avoir fait la première pièce régulière que nous eussions en France, sembla perdre 'cette gloire en écrivant contre Corneille des personnalités odieuses. Il faut avouer que Corneille répondit très aigrement à tous ses ennemis. La querelle même alla si loin entre lui et Mairet, que

⭑ Il est vrai que ces comédies de Corneille sont très mauwaises; mais il n'est pas moins vrai qu'elles valaient mieux que toutes celles qu'on avait faites jusqu'alors en France.

P. Corneille. I.

d

le cardinal de Richelieu interposa entre eux son autorité. Voici ce qu'il fit écrire à Mairet par l'abbé de Boisrobert.

A Charonne, 5 octobre 1637.

« Vous lirez le reste de ma lettre comme un ordre que je vous envoie par le commandement de son éminence. Je ne vous colerai pas qu'elle s'est fait lire avec un plaisir extrême tout ce qui s'est fait sur le sujet du Cid; et particulièrement une lettre qu'elle a vue de vous lui a plu jusqu'à un tel point, qu'elle lui a fait naître l'envie de voir tout le reste. Tant qu'elle n'a connu dans les écrits des uns et des autres que des contestatious d'esprit agréables et des railleries innocentes, je vous avoue qu'elle a pris bonne part au divertissement; mais quand elle a reconnu que dans ces contestations naissoient enfin des injures, des outrages, et des menaces, elle a pris aussitôt la résolution d'en arrêter le cours. Pour cet effet, quoiqu'elle n'ait point vụ le libelle que vous attribuez à M. Corneille, présupposant, par votre réponse que je lui lus hier au soir, qu'il devoit être l'agresseur, elle m'a commandé de lui remontrer le tort qu'il se faisoit, et de lui défendre de sa part de ne plus faire de répouse, s'il ne vouloit lui déplaire; mais, d'ailleurs, craignant que, des tacites menaces que vous lui faites, vous ou quelqu'un de vos amis n'en viennent aux effets, qui tireroient des suites ruineuses à l'un et à l'autre, elle m'a commandé de vous écrire que, si vous voulez avoir la continuation de ses bonncs graces, vous mettiez toutes vos injures sous le pied, et ne vous souveniez plus que de votre ancienne amitié, que j'ai charge de renouveler

sur la table de ma chambre, à Paris, quand vous serez tous rassemblés. Jusqu'ici j'ai parlé par la bouche de son éminence; mais, pour vous dire ingénument ce que je pense de toutes vos procédures, j'estime que vous avez suffisamment puni le pauvre M. Corneille de ses vanités, et que ses foibles défenses ne demandoient pas des armes si fortes et si pénétrantes que les vôtres : vous verrez un de ces jours son Cid assez mal-mené par les sentiments de l'Académie. »

L'Académie trompa les espérances de Boisrobert. On voit évidemment, par cette lettre, que le cardinal de Richelieu voulait humilier Corneille, mais qu'en qualité de premier ministre il ne voulait pas qu'une dispute littéraire dégénérât en querelle personnelle.

Pour laver la France du reproche que les étran gers pourraient lui faire que le Cid n'attira à son auteur que des injures et des dégoûts, je joindrai ici une partie de la lettre que le célèbre Balzac écrivait à Scudéri, en réponse à la critique du Cid que Scudéri lui avait envoyée.

« Considérez néanmoins, monsieur, que toute la France entre en cause avec lui, et que peut-être il n'y a pas un des juges dont vous êtes convenus ensemble qui n'ait loué ce que vous désirez qu'il condamne : de sorte que, quand vos arguments seroient invincibles, et que votre adversaire y acquiesceroit, il auroit toujours de quoi se consoler glorieusement de la perte de son procès, et vous dire que c'est quelque chose de plus d'avoir satis fait tout un royaume que d'avoir fait une pièce régulière.

Il n'y a point d'architecte d'Italie qui ne trouve des défants à la structure de Fontainebleau, et qui ne l'appelle un monstre de pierre ce monstre néanmoins est la belle demeure des rois, et la cour y loge commodément. Il y a des beautés parfaites qui sont effacées par d'autres beautés qui ont plus d'agrément et moins de perfection ; et parceque l'acquis n'est pas si noble que le naturel, ni le travail des hommes que les dons du ciel, on vous pourroit encore dire que savoir l'art de plaire ne vaut pas tant que savoir plaire sans art. Aristote blâme la Fleur d'Agathon, quoiqu'il die qu'elle fut agréable; et l'OEdipe peut-être n'agréoit pas, quoiqu'Aristote l'approuve. Or, s'il est vrai que la satisfaction des spectateurs soit la fin que se proposent les spectacles, et que les maîtres mêmes du métier aient quelquefois appelé de César au peuple, le Cid du poëte françois ayant plu aussi-bien que la Fleur du poëte grec, ne seroit-il point vrai qu'il a obtenu la fin de la représentation, et qu'il est arrivé à son but, encore que ce ne soit pas par le chemin d'Aristote, ni par les adresses de sa poétique? Mais vous dites, monsieur, qu'il a ébloui les yeux du monde, et vous l'accusez de charme et d'enchantement: je connois beaucoup de gens qui feroient vanité d'une telle accusation; et vous me confesserez vous-même que si la magie étoit une chose permise, ce seroit une chose excellente ce seroit, à vrai dire, une belle chose de pouvoir faire des prodiges innocemment, de faire voir le soleil quand il est nuit, d'apprêter des festins sans viandes ni officiers, de changer en pistoles les feuilles de chêne, et le verre en diamants. C'est ce que vous reprochez à l'auteur du Cid, qui, vous avouant qu'il a violé les règles de l'art, vous oblige de lui avouer qu'il a un secret, qu'il a mieux réussi que

l'art même ; et ne vous niant pas qu'il a trompé toute la cour et tout le peuple, ne vous laisse conclure de là, sinon qu'il est plus fin que toute la cour et tout le peuple, et que la tromperie qui s'étend à un si grand nombre de personnes est moins une fraude qu'une conquête. Cela étant, monsieur, je ne doute point que messieurs de l'Académie ne se trouvent bien empêchés dans le jugement de votre procès, et que d'un côté vos raisons ne les ébranlent, et de l'autre l'approbation publique ne les retienne. Je serois en la même peine si j'étois en la même délibération, et si de bonne fortune je ne venois de trouver votre arrêt dans les registres de l'antiquité. Il a été prononcé, il y a plus de quinze cents ans, par un philosophe de la famille stoïque, mais un philosophe dont la dureté n'étoit pas impénétrable à la joie, de qui il nous reste des jeux et des tragédies, qui vivoit sous le règne d'un empereur poëte et comédien, au siècle des vers et de la musique. Voici les termes de cet authentique arrêt, et je vous les laisse interpréter à vos dames, pour lesquelles vous avez bien entrepris une plus longue et plus difficile traduction : Illud multum est primo aspectu oculos occupasse, etiamsi contemplatio diligens inventura est quod arguat. Si me interrogas, major ille est qui judicium abstulit quàm qui meruit. Votre adversaire y trouve son compté par ce favorable mot de MAJOR EST; et vous avez aussi ce que vous pouvez désirer, ne désirant rien, à mon avis, que de prouver que JUDICIUM ABSTULIT. Ainsi vous l'emportez dans le cabinet, et il a gagné au théâtre. Si le Cid est coupable, c'est d'un crime qui a eu récompense; s'il est puni, ce scra après avoir triomphé; s'il faut que Platon le bannisse de sa république, il faut qu'il le couronne de fleurs en le

d.

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