ÆäÀÌÁö À̹ÌÁö
PDF
ePub

qu'on eut 1 du nouvel auteur qui paroissoit, il se forma une nouvelle troupe de comédiens.

Je ne doute pas que ceci ne surprenne la plupart des gens qui trouvent les six où sept premières pièces de Corneille sr indignes de lui, qu'ils les voudroient retranches de son recueil, et les faire oublier à jamak. Пl ́est certain que ces pièces ne sont pas belles; mais, outre qu'elles servent à l'histoire du théâtre, elles servent beaucoup aussi à la gloire.2 de Corneille.

1 Comme on a promis des notes grammaticales, il est juste d'observer que la confiance du nouvel auteur est une faute de langue. On a de la confiance en quelqu'un, dans le mérite et les talents de quelqu'un, mais non pas DU mérite et DES talents. On a de la défiance rr, et de la confiance EN. Cette remarque est pour les étrangers; ils pourraient être induits en erreur par cette inadvertance de M. de Fontenelle, qui écrivait d'ailleurs avec autant de pureté que de grace et de finesse.

2 Ce qu'on ne peut lire ne peut guère servir à la gloire de l'auteur. La gloire est le concert des louanges constantes du public. Deux ou trois littérateurs qui diront d'un ouvrage mauvais en soi, Cet ouvrage était bon pour son temps, ne procureront à l'auteur aucune gloire. Corneille n'est point un grand homme pour avoir fait ̧ de mauvaises comédies, bieu moins mauvaises que celles de son temps, mais pour avoir fait des tragédies infiniment supérieures à celles de son temps, et dans lesquelles il y a des morceaux supérieurs à tous ceux du théâtre d'Athènes.

Il y a une grande différence entre la beauté de l'ouvrage et le mérite de l'auteur. Tel ouvrage qui est fort médiocre n'a pu partir que d'un génie su: blime; et tel autre ouvrage qui est assez beau a pu partir d'un génie assez médiocre. Chaque siècle a un certain degré de lumière qui lui est propre; les esprits médiocres demeurent au-dessous de ce degré; les bons esprits y atteignent; les excellents le passent, si on le peut passer. Un homme né avec des talents est naturellement porté par son siècle au point de perfection où ce siècle est arrivé; l'éducation qu'il a reçue, les exemples qu'il a devant les yeux, tout le conduit jusque-là. Mais s'il va plus loin, il n'a plus rien d'étranger qui le soutienne, il ne s'appuie que sur ses propres forces, il devient supérieur aux secours dont il s'est servi. Ainsi deux auteurs, dont l'un surpasse extrêmement l'autre la beauté de ses ouvrages, sont néanmoins égaux en mérite, s'ils se sont également élevés chacun au-dessus de son siècle. Il est vrai que l'un a été bien plus haut que l'autre ; mais ce n'est pas qu'il ait eu plus de force, c'est seulement qu'il a pris son vol d'un lieu plus élevé. Par la même raison, de deux auteurs dont les ouvrages sont d'une égale beauté, l'un peut être un homme fort médiocre, et l'autre un génie sublime.

par

Pour juger de la beauté d'un ouvrage, il suffit donc de le considérer en lui-même; mais pour juger du mérite de l'auteur, il faut le comparer à son siècle. Les premières pièces de Corneille,

comme nous avons déjà dit, ne sont pas belles: mais tout autre qu'un génie extraordinaire ne les cût pas faites. Mélite est divine, si vons la lisez après les pièces de Hardy, qui l'ont immédiatement précédée. Le théâtre y est, sans comparaison, mieux entendu, le dialogue mieux tourné, les mouvements mieux conduits, les scènes plus agréables; surtout, et c'est ce que Hardy n'avoit jamais attrapé, il y règne un air assez noble, et la conversation des honnêtes gens n'y est pas mal repré sentée. Jusque-là on n'avoit guère connu que le comique le plus bas, ou un tragique assez plat; on fut étonné d'entendre une nouvelle langue.

Le jugement que l'on porta de Mélite fut que cette pièce étoit trop simple, et avoit trop peu d'évènements. Corneille, piqué de cette critique; sit Clitandre, et y sema les incidents et les aventures avec une très vicieuse profusion, plus pour censurer le goût du public, que pour s'y accommoder. Il paroît qu'après cela il lui fut permis de revenir à son naturel. La Galerie du Palais, la Veuve, la Suivante, la Place royale, sont plus raisonnables.

Nous voici dans le temps où le théâtre devint florissant par la faveur 1 du cardinal de Richelieu. Les princes et les ministres n'ont qu'à commander

1 Malgré le cardinal de Richelieu, qui, voulant être poëte, voulut humilier Corneille, et élever les mauvais

auteurs.

qu'il se forme des poëtes, des peintres, tout ce qu'ils voudront, et il s'en forme. Il y a une infinité de génies de différentes espèces, qui n'attendent, pour se déclarer, que leurs ordres, ou plutôt leurs graces. La nature est toujours prête à servir leurs goûts.

On recommença alors à étudier le théâtre des anciens, et à soupçonner qu'il pouvoit y avoir des iègles. Celle des vingt-quatre heures fut une des premières dont on s'avisa : mais on n'en faisoit pas encore trop grand cas; témoin la manière dont Corneille lui-même en parle dans la préface de Clitandre, imprimée en 1632 2: « Que si j'ai renfermé cette pièce, dit-il, dans la règle d'un jour, ce n'est pas que je me repente de n'y avoir point

I C'est de quoi je doute beaucoup. Notre meilleur peintre, Le Poussin, fut persécuté; et les bienfaits prodigués aux académies ont fait tout au plus un ou deux bons peintres, qui avaient déjà donné leurs chefs-d'œuvre avant d'être récompensés. Rameau avait fait tous ses bons ouvrages de musique au milieu des plus grandes traverses; et Corneille lui-même fut très peu encouragé. Homère vécut errant et pauvre. Le Tasse fut le plus malheureux des hommes de son temps. Camoëns et Milton furent plus malheureux encore. Chapelain fut récompensé; et je ne connais aucun homme de génie qui n'ait été persécuté.

2 Les tragédies italiennes du seizième siècle étaient dans la règle des trois unités, règle admirable d'Aristote. La Sophonisbe de Mairet fut la première pièce de théâtre

a.

mis Mélite, ou que je me sois résolu à m'y attacher dorénavant. Aujourd'hui quelques uns adorent cette règle, beaucoup la méprisent; pour moi, j'ai voulu seulement montrer que, si je m'cn éloigne, ce n'est pas faute de la connoître. »

Ne nous imaginons pas que le vrai soit victorieux dès qu'il se montre; il l'est à la fin, mais il lui faut du temps pour soumettre les esprits. Les règles du poëme dramatique, inconnues d'abord ou méprisées, quelque temps après combattues, ensuite reçues à demi, et sous des conditiors, demeurent enfin maîtresses du théâtre. Mais l'époque de l'établissement de leur empire n'est proprement qu'au temps de Cinna.

Une des plus grandes obligations que l'on ait à Corneille est d'avoir purifié le théâtre. Il fut d'abord entraîné par l'usage établi, mais il y résista aussitôt après; et depuis Clitandre, sa seconde pièce, on ne trouve plus rien de licencieux dans ses ouvrages.

Corneille, après avoir fait un essai de ses forces dans ses six premières pièces, où il s'éleva déjà au-dessus de son siècle, prit tout-à-coup l'essor dans Médée, et monta jusqu'au tragique le plus sublime: A la vérité il fut secouru par Sénèque;

en France dans laquelle cette loi fut suivie. Elle est de 1633.

En Angleterre, en Espagne, on ne s'est assujetti que depuis peu à cette règle, et encore très rarement.

« ÀÌÀü°è¼Ó »