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Que libre de l'envie, il eftime en autrui, Quel que foit fon talent, ce qu'on estime en lui; Si fon bras de Fleurus eut part à la victoire, Qu'à d'autres bras encore il en donne la gloire: S'il eft Auteur, qu'il fçache eftimer des Auteurs, Et s'il prêche, écouter d'autres Prédicateurs. Sans chagrin, sans effort rendant à tous justice, Qu'à fes propres rivaux lui-même il applaudiffe. Mais veut-on de fon choix ne se point repentir ? D'Amis dignes de vous fçachez vous affortir. On doit fe reconnoître en celui que l'on aime; On doit dans un Ami fe retrouver foi-même : Cherchez-y votre goût, votre efprit, & vos moeurs, Par là s'affortiront differentes humeurs.

< Par le choix de vos coeurs, marquez-en la noblesse, Craignez de reffembler à ceux dont la pareffe Deshonorant la place où le Ciel les a mis, Ne choififfent jamais que d'indignes Amis.

Le Ciel qui, comme il veut, regle notre naissance, A mis en chaque rang certaine bienféance, Qui dans un rang plus bas défend de s'abaisser, Et jamais l'Amitié ne doit nous déplacer.

La Charité doit seule, au pauvre, au miserable, En quélque rang qu'il foit, tendre un bras fecourable:

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Elle doit faire aimer tout le monde fans choix:
Mais l'exacte Amitié doit fuivre d'autres loix:

A tous la Charité fe donne fans réserve 3:
A des Amis choifis l'Amitié fe conferve;
Fidéle à ces deux loix le cœur fe croit permis,
Et d'aimer tout le monde, & d'avoir peu d'Amis.
Que toujours l'Amitié commence par l'eftime,
Et ne fuivez jamais cette baffe maxime,
Qui du rang, du mérite apprend à fe gêner,
Et cherchant des Amis qu'on puiffe dominer,
Ne fait trouver de goût qu'à d'indignes hommages,
Et traite les Amis comme des gens à gages.

Sans aucune vertu, fans naissance, & fans nom, Pour être Ami d'Agis tout homme paroît bon,

Pourvu que toujours libre avec les gens qu'il hante,
Nul ne contraigne en lui fa baffeffe indolente.
Jamais fon goût Bourgeois ne lui fit eftimer,
Ni choifir des Amis que l'on puisse nommer;
Le mérite, l'efprit, la qualité l'étonne,
Mais avec les Valets, il rit, il poliffonne,

A table comme au jeu c'est un homme divin,
Quand il a pour feconds Picard ou* Poitevin.

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*

Il eft plus d'un Agis, on en compteroit mille

Dans la Province un jour, n'importe en quelle Ville,

Noms de Valets.

A

Je

Je crus à l'Intendant devoir faire ma Cour.

Ah! vous avez, dit-il, fort bien pris votre jour
Vous venez à propos, j'ai bonne compagnie;
Vous en ferez, allons, & fans cérémonie.

Je reste, on fert, chacun prend fa place, & je vois
Se placer avec moi dix femmes de Bourgeois,
Qui chacune à l'envi galamment familiere,
Lui porterent d'abord une fanté groffiere.
C'est à vous, Monfeigneur, de Monseigneur traité,
Il ne m'en parut pas pourtant plus refpecté :
Vous voyez, me dit-il, comme on vit en Province,
Il faut, quand on s'y trouve, en ufer en bon Prince.
Mais en Province, moi, répondois-je tout bas,
J'ai vu des Intendans, illuftres Magiftrats,

Qui graves, fans hauteur, familiers fans baffeffe, Sçavoient faire chez eux regner la politeffe,r') N'avoir que des Amis qui leur faifoient honneur,LÏ Quoi qu'aucun ne fe fit appeller Monfeigneur.

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Dans le choix des Amis, gardez la bienféance. As
Mais lorsque la vertu remplace la naissance,
Quand à tous les devoirs un cœur fidéle & prompt, >
Du fort par fon mérite a réparé l'affront,

Cherchez fon Amitié fans fcrupule & fans honte,
Vous connoiffez Artus, & tout ce qu'on en contes

G

C'eft un fat qui, dit-on, de nobleffe entêté,
Pour aimer la vertu la veut de qualité.
Choififfant des Amis, on dit qu'il les oblige
De fournir les quartiers que pour Malte on exige
Et que quand parmi ceux dont il a fait le choix,
Il s'en trouve quelqu'un qu'il soupçonne Bourgeois,
Du rang de fes Amis d'abord il le dégrade,
Sans qualité pour lui tant le mérite eft fade.
On croiroit ce portrait à plaisir inventé,

Si l'on ne fçavoit trop, que d'autres ont porté
Plus loin, plus loin encor, leur goût pour la noblesse;
Jufque dans le Baptême un nom Bourgeois les blesse,
Ils voudroient que pour eux on eut banni des Fonts,
Des Apôtres groffiers les trop vulgaires noms;
Et que d'eux, les nommant Céfar, Pompée, Auguste,
On donnât une idée & plus noble & plus justę.
Du moins, un Orateur, homme de qualité,
Refufa de loüer, en étant invité,

Un Saint canonifé depuis trois mois à Rome,
Un Saint qui par malheur n'étoit pas Gentilhomme,
Ce feroit, difoit-il, més-allier ma voix;

Ce Saint est un grand Saint, mais il étoit Bourgeois.
Un autre qui, dit-on, prêchoit en Allemagne,
N'ofoit, en inftruifant le peuple à la Campagne,

Avouer, en Adam, l'alliance d'autrui,

A moins que l'on ne fût auffi noble que lui,
Et croyoit ne pouvoir, fans dégrader fes Peres,
A d'ignobles Chrétiens donner le nom de freres?
D'hommes fi finguliers ce ridicule outré,

Dans le choix des Amis s'eft mille fois montré:
Les Amis dont les noms font toujours à la bouche,
Dont on fe fait honneur, dont l'Amitié nous touche
Sont ceux qui n'ont fouvent que de la qualité.
Un Ami vertueux, à peine eft-il compté,

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On le nomme avec peine, avec peine on le loüe,
C'est beaucoup, pour Ami que fans honte on l'a--
voue!

Dromo, jadis Bourgeois, petit fils d'un Mercier,
Aujourd'hui Gentilhomme,& fils d'un. Officier,
Entêté du crédit que fon argent lui donne, 77-7
Dans la foule jamais ne regarde perfonne;
C'eft-là, dit-il, d'un ron arrogant & moqueur
Ce qui s'appelle avoir & du goût,& du cœur. Lang zil
Du gofit? Quoi, c'est par goût, par grandeur de

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Qu'il fronce le fourcil, qu'il bouffit le vifage,

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Qu'il marche fierement, & qu'un air inhumain. I Gourmande en lui tous ceux qu'il trouve en fon chemin

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