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DE L'EVANGILE.

Jean le confeffa, & il ne le défavona pas; il confeffa qu'il n'étoit point le Chrift. S. Jean. chap. I.

Néprouve l'or & l'argent par le feu dit le Sage, & l'homme eft éprouvé par la bouche de celui qui le loue: terrible & dangereufe épreuve! Il n'eft point de tentation qui nous trouve moins prêts à résister que celle de l'eftime & des louanges: mais épreuve fûre qui nous découvre toute la vanité de notre orgueil, & la rareté d'une humilité fincére & folidement affermie. Amoureux de notre propre excellence, pleins de l'idée que nous nous en formons, nous nous laiffons prendre à tout ce qui la groffit à nos yeux, & notre fol entêtement va fouvent jufqu'à nous rendre moins fenfibles au plaifir d'être loués de ce que nous fommes, qu'à la joie de paffer pour ce que nous ne fommes pas. Ceux qui penfent trop bien de nous, ne font pref que jamais défabusés: leur erreur nous plaît nous n'avons pas le courage de la diffiper & l'amour de cette fauffe eftime a tant de pouvoir, qu'il force le vice même à se revêtir des apparences de la vertu : c'eft lui qui fufpend nos penchans en certaines occafions, qui nous oblige à nous contrefaire, à nous déguiser, & à nous contraindre: en un mot, c'eft lui qui fait les hypocrites, & qui eft-ce

de nous qui ne l'eft pas jufqu'à quelque dégré? Qui eft-ce qui n'aime pas plus la louan

gc du bien que le bien même ? Si la crainte de paroître trop vains nous oblige quelquefois à nous défendre d'une louange exceffive ou fauffe, le défaveu public eft bien-tôt démenti par la préfomption fecrette, & notre cœur fe dédommage au moins de la modeftie. des difcours par la vanité des fentimens.

Que chacun confulte le fien de bonne foi, qu'il en démêle bien les difpofitions, il avouera qu'il fe trouve plus eftimable à proportion qu'il fe voit plus eftimé ; qu'il croit toujours qu'en le louant même avec excès on lui rend une efpéce de juftice; que s'il rejette un éloge dont il n'eft pas digne, il feroit bien fâché d'avoir perfuadé qu'il n'en mérite point du tout; qu'au fond, il fe glorifie du mépris même qu'il fait de la vaine gloire; & qu'enfin il arrive, je ne fai comment, qu'il eft plus enflé d'une humilité feinte, que d'un véritable orgueil. Quel trouble donc, quelles frayeurs intérieures doivent nous caufer tous fes vains éloges que nous recevons avec tant d'avidité, & que nous favons même nous ménager avec tant d'artifice! Que d'attention ils doivent infpirer! Quel foin de nous retrancher dans notre néant pour nous défendre de la flatterie qui nous attribue ce que nous n'avons pas, ou de l'er reur qui nous loue de ce qui ne mérite pas,

d'être loué! Ne nous le diffimulons pas, lans ces précautions, il n'eft point de vaines opinions de nous-mêmes dont nous ne foyions prêts à nous laiffer perfuader.

J

PRIERE.

E vais donc vous le confeffer, Seigneur, & je ne la défavouerai point; je vais, disje, vous confeffer toutes mes foiblesses, afin que vous en ayiez pitié. Je connois l'aveuglement des hommes, je fais quelle eft l'incertitude & la fauffeté de leurs jugemens ; je fais combien l'ignorance, l'intérêt & la flatterie font entrer de diffimulation ou de fauffeté dans leurs difcours : je fais tout cela, & je ne puis être indifférent à leur eftime, je me repais de cette chimére, & j'oublie que je ne fuis rien que ce que je fuis à vos yeux. Rappellez-moi donc fans ceffe à votre jugement, afin que quelque bien qu'on penfe ou qu'on dife de moi, je ne me reconnoiffe jamais dans un portrait qui ne me repréfentera pas tel que vous me voyez. Que je ne fouhaite point, mon Dieu, d'être loué des hommes, tandis que ma confcience m'accufe devant vous, & que je me dife fouvent à moi-même que ces faux jugemens ne me fauveront point de la févérité du vôtre.

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POUR LE MARDI. .

DE L'EPITRE.

Que votre modeftie foit connue de tous les hommes. S. Paul. Philip. chap. 4.

'Eft ici une grande leçon pour nous, fi

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nous favons bien l'entendre. Les vices & les vertus réfident dans la partie la plus fecrette de nous-mêmes, il eft vrai: mais leur empire s'étend fur l'homme entier. Le défaut de modeftie, le défordre & la diffipation des fens, les démarches déréglées, peu graves & peu férieufes, les manieres & les geftes peu mefurés, les tons de voix élevés, & bien d'autres défauts, ne peuvent être pour l'ordinaire que l'effet du trouble & des agitations de l'ame Quand les paffions font bien foumifes, quand la raifon & la religion dominent, le calme du dedans fe répand jufques dans les dehors: ce n'eft point ici cette retenue de la politeffe humaine, qui n'eft pas égale avec toute forte de perfonnes, qui fe trahit souvent elle-même, & qui s'échape en mille occafions: ce n'eft pas non plus cette affectation de l'hypocrifie, qui n'eft jamais fans contrainte c'eft un air naturel, des manieres ; aifées & modeftes, qui ne font propres qu'à la vraie piété : c'eft par-là qu'elle s'annonce d'elle-même, qu'elle fe fait fentir à ceux qui

l'approchent, & refpecter de ceux mêmes qui ne l'aiment pas. Telle étoit l'impreffion de la fainteté des premiers fidéles: la feule vûe d'un Chrétien infpiroit de l'eftime, & fouvent de l'amour pour une religion qui rendoit les hommes fi aimables eux-mêmes. Leur douceur, leur affabilité, leur candeur, leur air fage & toujours égal à lui-même, faifoit honneur au Dieu qu'ils fervoient.

C'eft cette modération des mœurs que l'Apôtre nous recommande : il veut que toute notre conduite foit fi mefurée, que le monde n'apperçoive rien en nous, qui ne puiffe l'inftruire, l'édifier, le toucher: mais pour y réuffir, il faut commencer par le cœur. Quand on eft véritablement vertueux, il est aifé de le paroître ; & les attentions de l'extérieur ne coûtent guéres, quand les fentimens font réglés. Jamais, du moins, on ne doit négliger ces attentions, ni oublier qu'elles obligent doublement certaines perfonnes par leur état. On s'en fait quelquefois un principe très-faux on croit pouvoir dépouiller la vertu de fes dehors modeftement compofés: on affecte avec le monde toute la liberté du monde; on en veut du moins garder certaines apparences: on veut le gagner, diton, mais on le fcandalife; on fe trompé foimême ; on étouffe des difpofitions qu'on ne croit que déguifer; & on n'eft alors rien moins que ce qu'on fe flatte d'être. Ce feroit

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