페이지 이미지
PDF
ePub

OCTAVE DE L'EPIPHANIE.

Douze Janvier.

DE L'EPITRE.

Tous ceux de Saba viendront vous apporter de l'or & de l'encens, & rendre gloire au Seigneur. Ifaïe. chap. 60.

Sto

I les Juifs euffent eu le privilége d'être tous riches, c'eût été le motif le plus puiffant pour attirer à leur religion tous les peuples idolâtres: un Dieu qu'on eût pû nommer le Dieu des richeffes, & reconnu feul pour le Dieu véritable, auroit été fûr des hommages de tous les hommes : le penchant qu'ils ont à divifer toutes leurs paffions, leur avoit fait imaginer en effet un Dieu de ce caractere; mais ce Dieu n'étoit qu'une Idule: & c'est très-justement que l'Apôtre appelle l'avarice une vraie idolatrie. Quand on demande de l'or à Dieu, c'eft l'or & non Dieu que l'on invoque : il eft vrai que Jefus-Chrift nous apprend à lui demander notre pain de chaque jour; mais dans l'ordre des demandes qu'il nous enfeigne, celle-ci ne vient qu'après celle de pouvoir accomplir fa volonté fur la terre ainfi qu'elle eft pleinement accomplie dans le Ciel; & tel eft l'ordre que nous devons mettre dans nos defirs: nous devons être contens en cette vie quand nous y trouvons

le néceffaire; nous ne faifons qu'y paffer, & rien de tout ce qui fe paffe avec nous ne doit être l'objet des attachemens d'une ame immortelle qui fe fent faite pour une vie meilleure.

Quel défordre donc & quelle furprise pour une foi qui réfléchit, de voir régner un tout autre efprit parmi le monde même qui fe dit Chrétien ! On s'y dispute l'avantage de faire entrer beaucoup d'or & d'argent dans les Etats; on y fait des apologies publiques du luxe que cette abondance de fuperfluités procure: on le regarde comme un des moyens les plus propres à faire fleurir cette efpéce de commerce; & il femble que le bonheur des peuples foit de multiplier leurs vices ou de les furcharger de befoins nouveaux. Le luxe plus ou moins marqué, devient une tyrannie d'ufage, dont perfonne ne veut & ne croit plus devoir fecouer le joug. Tout fuccombe à la vanité de l'exemple. Ce goût dominant des chofes fuperflues l'emporte fur les foins du néceffaire; & ce qui fuffifoit à tout ne fuffit plus fouvent aux feules inutilités. Que font devenues avec cela les maximes même de Jesus-Chrift & de fes Apôtres fur la modestie chrétienne, fur la frugalité, fur la tempérance? Qu'eft devenue même cette fimplicité de la nature qui ne veut rien d'inutile & qui fe contente de peu? Nos mœurs font un énigme où la raison se perd ; & il faut avouer que

c'en vertige, une fureur, un vrai fanatifme de moeurs. Que croit-on en effet, quand on reffemble fi fort à ceux qui vivent fans Dieu dans le monde? à ceux dont le cœur fe dit en fecret, que Dieu n'eft point, ou qu'il ne voit point, parce qu'il diffimule?

PRIERE.

Ui, Seigneur, ils n'eft que trop vrai

O que

que je vis au milieu d'une nation corrompue, qui n'a plus votre crainte devant les yeux; mais je n'ofe vous prorefter que je ne prens point de part à fes déréglemens. Que vous dirai-je donc ici, ô mon Dieu! Délivrezmoi de mes néceffités,de ces néceffités fauffes, funeftes & trompeuses, qui vont à me perfuader que ce que vous condamnez m'eft permis, parce que le monde me condamneroit fi j'étois affez fidéle pour me l'interdire: donnezmoi ce courage chrétien, & que je n'adore jamais les Veaux de Samarie, fuffé-je le seul à me retirer de la fociété de ceux qui les ido lâtrent.

DE L'EVANGILE

Les Mages avertis en fonge de ne pas aller trouver Hérode, s'en retournerent en leur pays par un autre chemin. S. Matth. chap. 2.

'Eft l'avis qu'on donne aux pécheurs nou

C'elle avis, convertis : avis fage, fondé

fur la connoiffance des fragilités humaines & fur la force des anciennes habitudes: avis dont

de

la négligence & la caufe la plus ordinaire de la rareté des converfions durables. La grace en effet, n'ôte pas la fenfibilité aux diffé→ rens objets des paffions, lors même que grands motifs forcent à les quitter: c'eft cette fenfibilité malheureuse, c'eft le germe fecret de cette attache qui doit faire craindre fagement les retours; c'eft ce qui doit perfuader que la fuite alors eft l'unique moyen du falut : mais c'eft auffi cet amour du danger qui le fait paroître moins réel ou moins grand. On fe met avec foi-même en contradiction pour excufer fes fautes ou pour en diminuer l'énor mité. Ecoutez le pécheur quand il s'agit de fes chûtes paffées; il exagére la violence des tentations qui le firent tomber, la féduction des objets, & les dangereufes circonftances qui concoururent à lui faire violer fon devoir: il fuccomba, dit-il, prefque fans le vouloir; il fe fentit entraîner, il n'eut pas pas le temps de réfléchir, il se trouva trop foible pour réfifter: mais quand on l'exhorte à ne plus fe retrouver dans ces malheureufes occafions & à ne plus s'expofer, il ceffe d'être foible, ou croit ne le plus être; le péril difparoît à fes yeux, ou n'eft plus le même pour lui, fi on veut l'entendre.

Illufion funefte, prétexte démenti par fa propre expérience! Il y a du danger pour l'innocence même par tout où les différens objets du plaifir & de l'intérêt peuvent exci

fer & tenter la cupidité ; par tout où la va nité peut éblouir par fon faux éclat, par tout où les mauvais confeils peuvent féduire, où les promeffes & les follicitations peuvent gagner, où l'exemple peut enhardir & raffurer contre l'horreur du mal : ce font là les nuages qui viennent obfcurcir les lumieres de la conf cience & les principes d'une bonne éducation; ce font les écueils où la pudeur fait naufrage, où la droiture, l'honneur & la probité viennent échouer. Tout change dans les occafions qu'on n'a pas évitées : les faintes penfées, les bons defirs, les plus fortes réfolutions s'évanouiffent, l'homme fe trouve accablé de toutes fes fragilités & mérite de l'être. Que ceux qui fe croyent affez rafermis dans le bien pour n'en plus rien craindre, remontent jufqu'à la fource de leurs premieres fautes, ils trouveront que prefque toutes com mencerent par des efpeces de furprife: cer taines impreffions inconnues qu'ils reffentirent, certaines vûes confufes qui vinrent occu➡ per la furface de leur efprit, certaines velléités informes qui ne faifoient qu'effleurer leur cœur, & qui ne reffembloient point en core à des defirs: il fembloit que rien ne leur étoit plus aifé que de fe défendre, & cependant ils ne fe défendirent point; la tentation, fans être apperçue, fit des progrès, & les conduifit jufqu'à oublier totalement leur devoir, & à fe faire des plaies mortelles. C'eft

« 이전계속 »