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rende vous-même fenfible à mon coeur, que je ne vive que comme devant vous & pour vous, que je n'aime rien, que je ne m'attache à rien dans le monde, que je fente au contraire au milieu de ses plus grands biens, que tout me manque tandis que je ne vous pofféde pas; que je méprife donc pour vous tout le refte, que je ne travaille que pour vous, & que tous mes defirs demeurent comme fufpendus par l'attente de ce que vous me pro

mettez.

DE L'EVANGILE.

Non, n'arrachez point l'yvraie, de peur que vous ne déraciniez auffi le bon grain. S. Matth. chap. 13.

IM

L y a moins d'inconvéniens à tolérer les méchans dans la fociété, qu'à vouloir les en bannir: leur nombre eft communément fi grand, que toute l'autorité publique ne fuffiroit pas pour les forcer à fe retirer. D'ailleurs l'autorité même fe trouve fouvent entre les mains des méchans qui ne s'en ferviroient pas fans doute contre eux-mêmes ; mais la grande raifon de ne pas entreprendre cette féparation, c'eft l'intérêt même des bons. L'yvraie croît parmi le plus pur froment; leurs racines font fi étroitement entremêlées, qu'on ne peut arracher l'une fans nuire à l'autre : il faudroit rompre tous les liens du fang, tous les engagemens les plus facrés & les plus indiffolu

bles. Ce n'est par tout qu'inégalités à certains égards dans les fociétés, qu'oppofition de mœurs jufqu'à un certain point entre ceux qui font les plus étroitement liés. Les époux religieux ont des femmes impies ; les femmes prudentes ont des maris infenfés ; les peres chéris du peuple ont des enfans odieux; les enfans foumis & obéiffans ont des peres emportés: & comment en venir à des feparations, fans ébranler les plus affermis dans la. piété.

On eft lié à ceux mêmes dont on détefte les vices, & on tient à eux par des nœuds quelquefois auffi chers qu'ils font innocens. Quelles violences & quelle fource de tentations, s'il falloit s'arracher abfolument à ce qu'on peut retenir fans crime; s'il falloit renoncer aux reffources qu'on trouve dans fa famille, dans fa fociété, dans des emplois légitimes! Les foibles ne feroient pas capables de ces facrifices & de mille autres peut-être encore plus fenfibles. Enfin, excepté pour chaque particulier l'occafion prochaine de perdre fon ame; telle eft la deftinée du champ de Dieu, que jufqu'au temps de la maturité, l'yvraie peut fe changer en froment, & le froment en yvraie. On croiroit donc immoler une victime de l'enfer, & ce feroit un enfant de Dieu qu'on facrifieroit à fon impatience: n'en ayons point tant pour ceux dont les vices nous font maintenant infupportables ;, ne

cherchons point à éloigner de nous pour quel ques chagrins d'un moment, ceux qui doi vent un jour nous être le plus étroitement unis dans la fociété des Saints. Ne regardons point les hommes comme des réprouvés ou comme des Elûs, jufqu'à ce que la malice ou la vertn confommée puiffe en affûrer le difcernement. Supportons les méchans dans l'efpérance de les voir devenir bons, & dans la vue d'y contribuer par nos exemples comme par nos prieres. Nous avons été plus imparfaits & plus malades peut-être que ceux dont nous nous plaignons ; & dans l'œconomie de la grace, nous devons notre changement aux prieres & à la douceur des bons qui nous ont fupportés par la charité de l'Eglife, plus qu'à nos propres efforts. Effayons de la même conduite à leur égard, & gagnons-les par la condefcendance; attendons du moins les momens de Dieu qui peut faire pour eux ce qu'il a fait pour nous, & fouvenons-nous que nous n'avons pas épuifé les trésors de fa mifericorde.

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PRIER E.

On, fans doute, Seigneur, & dans cette pensée je ne vous prierai plus de me délivrer des méchans ; je ne les éloignerai point de moi contre vos ordres, je ne chercherai point à me feparer d'eux, mais je vous prierai fans ceffe, je vous conjurerai de les rendre bons & moi avec eux, afin qu'eux & moi nous foyions trouvés dignes d'être tranf

portés dans vos greniers comme un froment pur qui ne fera plus fujet au mélange de l'yvraie.

POUR LE SAMEDI.

DE L'EPITRE.

Notre prédication ne s'eft point terminée pour vous à des paroles, mais à des effets réels. S. Paul, 1. Ep. aux Theff. ch. 1.

Imer la parole de Dieu & la doctrine

A de l'Evangile de Jefus Chrift, c'eft un

des plus heureux préjugés du falut de l'homme; mais ce n'eft pas de cet amour de fimple curiofité qui trouve la vérité belle, qui fe plaît à la découvrir, qui fe réjouit à fa lumiere ; il n'eft que trop commun de l'aimer quand elle ne fait qu'éclairer l'efprit, & de la haïr quand elle condamne les paffions du cœur ; & cette difpofition fi commune n'eft qu'un préjugé de réprobation. C'eft la vérité qui doit nous délivrer de la fervitude du péché ; c'est elle qui doit rompre tous les liens qui nous attachent à la créature, en nous découvrant fans ménagement l'injuftice & la folie de nos affections; c'est elle qui doit nous apprendre à ne defirer que les vrais biens, à ne craindre ici-bas que les vrais maux ; qui doit corriger nos erreurs, diffiper les illufions de l'amour propre, nous défabufer des maximes humai

nes, fixer nos doutes, nous éclairer enfin fur nos devoirs & fur nos imperfections, nous montrer fans déguisement ce que nous fommes & ce que nous devons être.

Nous ne commençons donc à donner dé nous les espérances de falut, que quand nous commençons d'aimer la vérité de cet amour, d'intérêt qui nous la fait regarder comme la régle de nos mœurs & notre guide vers la perfection. Quand on s'accoutume à le voir tel qu'elle nous repréfente à nous-mêmes, à fe comparer fincérement avec elle, à ne juger de fes pensées, de fes mouvemens, de fes actions, que fur les vûes qu'elle donne, à n'approuver que ce qu'elle approuve, à condamner tout ce qu'elle condamne, à s'affliger de n'être pas fidéle à la fuivre en tout, on n'eft pas loin de porter des fruits de juftice. Avec cet amour de goût & de docilité, la lecture ou la prédication de l'Evangile n'en demeure pas à des paroles stériles. Heureux ceux qui peuvent fe rendre ce témoignage! c'eft pour eux un grand fond de confiance: les défauts mêmes & les imperfections qui leur reftent ne doivent point les décourager, tandis qu'ils n'haïront point la vérité qui les leur reproche.

PRIERE.

Ais moi, mon Dieu, que n'ai-je pas

Mà craindre pour ce fond d'oppofition

que je me fens à vos faintes loix? Je les ap

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