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portion de l'Empire d'Occident dont il s'agit, il avoit exigé de lui qu'il n'employeroit que des Romains dans le gouvernement civil, qu'il ne confieroit qu'à eux tous les Emplois fubordonnés à la Prefecture du Prétoire d'Italie, & qu'il ne confereroit à fes Oftrogots que les Emplois qui étoient originairement fubordonnés au Maître de l'une & de l'autre Milice dans le département ⚫ de cette Préfecture. Il y aura eu dans le Traité d'Anastase & de

Theodoric quelque ftipulation de même nature, que celle que

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nous avons conjecturé avoir été faite la premiere ou la feconde année du regne de Clovis entre ce Prince & les Provinces Romaines qui le reconnurent dès-lors comme Maître de la Milice. En quelle année fut conclu l'accord de Theodoric avec Anaftafé? Je ne puis le dire precifément. Il paroît feulement que cet accommodement fut fait avant l'année cinq cens. On trouve dans les Fastes de Caffiodore fur cette année-là. » (a) Sous le Confu» lat de Patritius & d'Hypatius le Roi Theodoric notre Prince » fit fon entrée à Rome, où fa prefence étoit ardemment fouhaitée par tout le monde. Il y traita avec beaucoup d'affabilité »>fon Senat, & il y fit au Peuple les largeffes accoutumées. Il affigna même une fomme confiderable à prendre chaque an» née fur fes revenus, pour être employée à la réparation des » murs de la Ville. « Ce paffage donne à croire deux choses: la premiere eft, que jufques à l'année cinq cens, Theodoric, quoiqu'il fut depuis quatre ans le maître par la force en Italie, n'avoit pas laiffé d'avoir des raifons pour ne point aller à Rome. La feconde, c'eft que ces raifons cefferent en l'année cinq cens ou dans l'année precedente. Ces raifons me paroiffent avoir été la guerre que lui faifoit Anastase. Si tandis qu'elle duroit encore, Theodoric fût venu à Rome, le Senat s'y feroit prêté peu volontiers à la démarche de le reconnoître pour Souverain. Il auroit fallu ou que le Roi des Oftrogots, eût fouffert que plufieurs de fes nouveaux Sujets lui défobéiffent, ou qu'il eût employé la violence pour fe faire obéir. Enfin les Princes qui fçavent regner, étudient le tems favorable lorsqu'ils veulent donner des ordres d'une extrême importance, autant que leurs courtisans habiles étudient le moment favorable pour demander les graces qu'ils veulent obtenir. La prudence de Theodoric eft connue de tous

(a) Patritio & Hypatio Confulibus, Dominus nofter Theodoricus cunctorum votis expetitus Romam advenit & Senatum fuum mira affabilitate tractans Romana Plebi doTome II.

navit annonas...

... Mænibus deputata per annos fingulos pecuniæ quantitate fubvenit.

Caffiod. Faft. ad ann. 500.

R

ceux qui fçavent l'Hiftoire. D'ailleurs on voit dans tout ce qui fe paffa à Rome lorfqu'il y fit fon entrée l'année cinq cens, un Roi qui fait un ufage de fes finances, en Prince qui jouit de la paix. Je crois donc que fon Traité avec l'Empereur Anaftafe fut conclu ou cette année-là, ou qu'il l'avoit été l'année précedente.

Il peut bien auffi fe faire encore que ce foit en vertu de quelque condition inferée dans le Traité d'Anaftafe &.de Theodoric que le Roi des Oftrogots s'abftint de fe faire appeller Empereur, quoiqu'il fût le maître dans Rome & qu'il y exerçât, ou peu s'en falloit, l'autorité Impériale dans toute, fon étendue. C'eft l'idée que les Auteurs du tems & Procope nous donnent du Gouvernement du Roi des Oftrogots. » Theodoric (a), » dit le dernier, après avoir mis dans fon parti tous les Barba» res venus en Italie fous les enfeignes d'Odoacer, foumit en»tierement ce Pays fur lequel il regna paifiblement gouvernant » les Romains & les Oftrogots en Prince à qui aucune des »lités qui font un bon Empereur, ne manquoit. Il ne prit pas »neanmoins le titre d'Empereur, & il ne porta jamais les mar»ques de cette Dignité, mais il fe contenta toujours du nom de » Roi, qui eft celui que les Peuples Barbares ont coutume de » donner à leur Chef fuprême.

qua

On voit par une lettre de Sigifmond fils du Roi Gondebaud & écrite à l'Empereur Anaftafe, que cet Empereur n'avoit cedé à Theodoric que la portion du Partage d'Occident, dont Theodoric étoit déja Souverain de fait, quand cette ceffion fut convenue. Nous avons dit en quoi confiftoit cette portion. Les autres Provinces du Partage d'Occident, & fur tout les Gaules, n'avoient point été comprises dans ce délaiffement. En effet Sigifmond qui n'écrivit la lettre dont il eft question, que longtems après l'année cinq cens, n'y traite Theodoric que de Recteur, (b) ou de Gouverneur de l'Italic. Sigifmond auroit qualifié autrement Theodoric, du moins en écrivant à l'Empereur, fi ce Prince eût attribué à Theodoric quelque fuperiorité fur les Gau

(a) Exin Barbaris hoftibus quicumque fupererant Theodoricus ad fe pellectis in fua ditione Gothos atque Italos habuit. Ac licet Imperatoris Romani nec nomen nec infignia ufurparet, fed vixerit contentus Regis appellatione qua Barbari fupremos fuos Principes donare confueverunt, tamen fubditis fuis ita præfuit ut nihil ipfi defuetit eoruin quæ funt Auguftorum moribus confen

tanea. Procop. de Bello Goth. lib. pr. cap. 1.

(b) Venerandi Comitatus veftri auribus offerebant fpecialius fecuritate concepta, quod Rector Italiæ de pace veftra fecurus redditam fibi Orientis gratiam coloraret. Avit. Epift. 84.

Nota. Sirmondi pag. 56. ad hac verba ReEtor Italia. Theodoricus qui pacem ab Anaş ftalio expetiit.

les, où étoit l'établissement de Sigifmond. Nous rapporterons cette lettre de Sigifmond quand nous en ferons aux tems où elle fut écrite.

Theodoric en fuivant fes nobles inclinatons fongea dès qu'il vit fon pouvoir affermi, à faire des conquêtes à la fois avantageufes à la réputation & profitables à l'Italic, où il vouloit être aimé. Il eft vrai que celle de l'Afrique, dont les Pirates faccageoient continuellement les côtes de l'Italie, & ofoient même faire des descentes fur la plage Romaine, étoit la plus utile des conquêtes que Theodoric put entreprendre. Mais les Ostrogots n'entendoient encore rien à la guerre navale, & les ports d'Italie devoient être dénués de vaiffeaux depuis que les Vandales d'Afrique croifoient fans ceffe dans la Mediterranée. Ainfi Theodoric tourna fes vûës du côté des Gaules. Si l'on excepte la conquête de l'Afrique, rien ne pouvoit donner plus de fatisfaction aux Romains d'Italie où étoit, pour parler ainfi, le cœur du Corps d'Etat qui compofoit l'Empire, que de voir une Province de la Gaule réduite fous l'obeiffance de leur Prince, & l'autorité du Capitole rétablie au de-là des Alpes. En même tems rien n'étoit plus utile aux interêts de Theodoric qu'une telle acquifition, qui le mettroit en état de communiquer de plain pied avec les Vifigots, Peuple originairement de la même Nation que fes Oftrogots & Ariens comme eux. Il convenoit aux uns & aux autres de refferrer les anciens liens, en s'uniffant auffi étroitement qu'ils l'euffent jamais été, & Theodoric en étoit fi perfuadé, qu'il donna dans ce tems-là fa fille Theodegote en mariage au Roi des Vifigots Alaric second.

Il auroit mieux valu pour Theodoric de s'agrandir feul & fans donner en même-tems à d'autres Princes le moyen de s'agrandir auffi, mais il ne pouvoit point réuffir dans fon projet fans avoir les Francs pour Alliés. Les Bourguignons unis étroitement àl'Empereur d'Orient étoient en poffeffion de la partie des Gaules qui confine avec l'Italie, & par laquelle Theodoric devoit commencer fes conquêtes; leur Nation étoit nombreuse & aguerrie. D'ailleurs elle étoit maîtreffe des paffages des Alpes les plus importans qui font bien plus faciles à défendre contre les armées qui viennent d'Italie dans les Gaules, que contre celles qui defcendent des Gaules en Italic. Ainfi Theodoric ne pouvoit pas réuffir dans fon projet à moins que d'avoir un Allié qui fît une puiffante diverfion dans les Gaules. D'un autre côté il est appazent que la guerre entre Theodoric & Gondebaud durant la

quelle Saint Epiphane fit la rédemption des captifs dont nous avons parlé ci-deffus, duroit encore, & il paroît même que Gondebaud la faifoit avec avantage. En effet, dès que Theodoric étoit obligé de racheter à prix d'argent fes Sujets que les Bourguignons avoient faits prifonniers de guerre, il faut que Theodoric cût pris un nombre des Sujets de Gondebaud moindre que le nombre des Sujets de Theodoric que Gondebaud avoit pris. Si le nombre des uns & des autres avoit été égal, Theodoric eût propofé un échange, & non point un rachat.

Theodoric avoit donc befoin, s'il vouloit réuffir dans fes nouvcaux projets, d'avoir un Allié qui portât la guerre dans le centre de celles des Provinces de la Gaule qui étoient occupées par les Bourguignons, & qui fît ainfi une diverfion capable de les obliger à dégarnir leur frontiere du côté de l'Italie, ce qui devoit faciliter aux Oftrogots le moyen de la franchir. Propofer aux Vifigots de fe charger de faire cette diverfion fans les affurer en même-tems que Clovis feroit de la partie, c'étoit faire une démarche inutile. Les efprits des Romains des Gaules étant aufli mal difpofés en faveur des Ariens qu'ils l'étoient,les Vifigots devoient craindre que Clovis ne les attaquât dès qu'il les verroit embaraffés dans une guerre contre Gondebaud. Nous avons vû quelle étoit la jaloufie des Vifigots contre le Roi des Francs, dont les Etats touchoient aux leurs, ou n'en étoient féparés que par la Loire, le plus guayable de tous les Fleuves. Le Roi des Oftrogots prit donc le parti de s'allier avec Clovis dont il avoit déja comme nous l'avons dit, époufé la fœur Audéflede ou Angoflede (4) Quant aux motifs qui auront fait entrer le Roi des Francs dans cette ligue, & peut-être la propofer le premier, il eft facile de les deviner. L'envie de s'agrandir, & de faire quelque chofe d'agreable à la Reine Clotilde, qui, comme le dit Hift. lib. 3. Gregoire de Tours, gardoit un vif reffentiment du traitement inhumain fait à fes Parens par Gondebaud. D'un autre côté Clovis n'avoit rien à craindre des Vifigots tant qu'il feroit l'Allié de Theodoric. Voyons ce que dit Procope de ce Traité de ligue offenfive contre les Bourguignons, & quelles furent les conjonctures qui donnerent lieu à fa conclufion.

cap. 6.

Cet Hiftorien contemporain, après avoir raconté tout ce qu'on a lû ci-deffus concernant la ceffion des Gaules faite aux Vifigots par Odoacer, parle de l'agrandiffement des Turin

(a) Poftea vero accepit uxorem de Francis nomine Angofledam.

Excerp. in Amm. Mar. H. Valefii, paga 481.

giens de la Germanie qui s'emparerent de l'ancienne France, & s'étendirent jufques au Moein dans le même tems que Theodoric s'établiffoit en Italie. Il écrit enfuite que dès-lors, c'est-àdire, vers l'année quatre cens quatre-vingt-dix-huit, les Vifigots craignoient déja le pouvoir des Francs qui étoient la Nation la plus guerriere, comme la plus inquiéte, & qu'elle leur étoit d'autant plus fufpecte qu'elle venoit d'augmenter confidérablement fes forces. En effet elle venoit de s'unir avec les Armoriques & d'attacher à fon fervice, comme nous l'avons vû, ce qui reftoit de troupes Romaines dans les Gaules. Procope ajoute que les Turingiens & les Vifigots à qui la puiffance des Francs étoit également fufpecte, firent propofer à Theodoric de fe liguer avec eux contre cette Nation entreprenante, mais que Theodoric fe fit alors une loi de ne point figner aucune ligue particuliere avec aucune Nation. Il fe contenta, fuivant Procope, de nouer avec elles des liaisons generales de bonne correfpondance, & à tout évenement, de fortifier ces liaisons par des mariages. Voilà ce qui lui fit donner dans ce tems-là fa fille Theodegote au Roi Alaric fecond, & ce qui lui fit donner encore Amalberge fille de fa four Amalafride, à Hermanfroy Roi des Turingiens. Ces Alliances obligerent donc Clovis à laiffer en paix les Vifigots & les Turingiens, & le réduifirent à chercher l'occafion d'employer fes forces contre quelqu'autre Nation. Voilà ce qui fut caufe enfin que le Roi des Francs tira l'épée contre les Bourguignons.

Le Traité de ligue qui fut fait avant la guerre entre Clovis & Theodoric contre Gondebaud, portoit: (4) Que les Al» liés entreroient dans le même tems en campagne pour atta» quer chacun de fon côté les Bourguignons: Que fi l'un des

Alliés manquoit à fe mettre en campagne au jour convenu, » de maniere que faute de la diverfion qu'il auroit dû operer, » l'autre Allié eût affaire à toutes les forces des Bourguignons, » alors celui des deux Alliés qui n'auroit pas rempli fon enga"gement, feroit tenu de compter à l'autre qui auroit combattu >> feul contre l'ennemi commun, une certaine fomme. Que » l'Allié qui devroit ce dédommagement en deniers, ne pour»roit pas jouir du Benefice du Traité avant que d'avoir fatis

(a) Deinde Francos inter & Gothos initur focietas in Burgundionum pernitiem pactoque convenit ut gentem debellent & ditionis illius terras obtineant. Qui vicerint à fo

ciis non adjuti, ubi mulctæ nomine certan auri fummam ab illis acceperint, participes faciant bello captæ regionis.

Procop. de Bell. Goth. lib. pr. cap. 12.

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