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Voilà donc cómment Gondebaud aura été rétabli dans fon Royaume & comment il s'y fera maintenu en paix. Ce qu'il fera arrivé de plus, c'eft que ceux des Romains fes Sujets qui s'étoient déclarés en l'année cinq cens, les Chefs du Parti formé en faveur des Francs, ou qui étoient notés pour avoir fait de ces dé marches que les Souverains ne pardonnent point & qui font toujours exceptées dans les amnifties génerales, fe feront bannis de leur Patrie pour chercher un azile dans les Pays de l'obéiffance de Clovis. Suivant les apparences Theodore, Proculus & Dinifius trois Romains qui après avoir été chaffés de leurs Evêchés dont le Siege étoit dans les limites de la Bourgogne, fe réfugierent dans les Etats de Clovis, étoient tous trois de ce nombre. L'Hiftorien Ecclefiaftique des Francs (4) en parlant de la vocation de ces Prélats à l'Evêché de Tours où ils furent promus les deux premiers vers l'année cinq cens dix-neuf, & le dernier vers l'année cinq cens vingt & un, dit qu'ils étoient fort âgés dans le tems de leur élection, qu'ils avoient auparavant eu des Evêchés dans le Pays poffedé par les Bourguignons, mais qu'ayant été expulfés de leurs Sieges en haine de la en haine de la guerre, ils s'étoient réfugiés auprès de la Reine Clotilde, qui par un motif de reconnoiffance contribua beaucoup à les faire choifir. Com. me les Francs n'ont point eu la guerre avec les Bourguignons depuis la paix d'Avignon faite en cinq cens, jufqu'en l'année cinq cens vingt-trois, il faut que ces trois Evêques inftallés fur le Siege de Tours en cinq cens dix-neuf & en cinq cens vingt-un, & qui avoient été précedemment chaffés de leurs Diocèses en haine de la guerre, en euffent été chaffés à l'occafion de la guerre commencée & terminée dans le cours de l'année cinq cens. Que Sainte Clotilde ait procuré par un motif de reconnoiffance, l'élevation de nos trois Prélats fur le Siege Epifcopal de Tours, c'est une nouvelle preuve de tout ce que nous avons avancé. Nous avons déja parlé des juftes fujets que cette Princesse avoit de vouloir la perte de Gondebaud, & nous verrons dans le Livre fuivant que ce fut elle qui porta en cinq cens vingt-trois les Rois fes enfans à faire la guerre aux Bourguignons. Ainfi l'on doit penfer qu'ayant la confiance de Clovis, elle contribua beaucoup à lui faire entreprendre de déthroner Gondebaud en l'an

(a) Decimo loco Theodorus & Proculus jubente beata Chrotechilde Regina fubrogantur eo quod de Burgundia Epifcopi ordinati, ipfam fecuti fuiffent & ab hoftilitate de urbibus fuis expulfi fuerant. Erant autem

| ambo fenes valde, rexeruntque Ecclefiam

Turonicam fimul annis duobus. Undecimus Dinifius Epifcopus & ipfe à Burgundia veniens qui, &c.

Gr. Tur. Hift. libfo decimo in calcs.

née cinq cens, & qu'elle eut alors beaucoup de part aux progrès des Francs par l'ufage qu'elle aura fçû faire de fon crédit fur l'efprit des Romains Sujets du Roi des Bourguignons. Suivant toutes les apparences, nos trois Evêques auront été de ceux que Clotilde avoit pour lors engagés dans le Parti des Francs, & ils fe feront déclarés fi violemment, qu'après la révolution qui remit Gondebaud fur le Thrône, ils n'auront ofé refter dans fes Etats.

On peut conjecturer encore qu'Eptadius, Prêtre de l'Eglife d'Autun, étoit auffi un des Romains, Sujets de Gondebaud, qui furent après fon rétabliffement réduits à s'exiler de fes Etats , parce qu'ils s'étoient déclarés avec trop de chaleur pour les Francs, & qu'ils avoient commis contre leur Souverain naturel de ces attentats, dont les coupables font toujours exceptés des amnifties generales que les Princes accordent à la fin des guerres, qui font à la fois guerre civile & guerre étrangere. On Ann. Eccl. peut voir dans le Pere le Cointe que lorsqu'il fut question d'élire Franc. tom. 1. cet Eptadius Evêque d'Auxerre, dont le Diocèle qui appartenoit aux Francs confinoit avec le Pays des Bourguignons, & fe trouvoit par conféquent expofé à leurs infultes, Clovis qui les ménageoit dans ce tems-là, ne voulut point confentir à l'élection propofée, avant que d'avoir fait trouver bon à Gondebaud qu'on y procedât.

P. 210.

Enfin pour confirmer nos conjectures fur les causes des deux révolutions qui arriverent en cinq cens dans le Royaume de Bourgogne, nous rapporterons le contenu d'une Lettre d'Avitus à Aurelien, Perfonnage illuftre. On a vû que ce Miniftre de Clovis avoit fait plufieurs voyages en Bourgogne pour y négocier le mariage de fon maître avec Clotilde. Or la Lettre d'Avitus paroît être la réponse à une Lettre qu'Aurelien qui ne fçavoit point encore tout ce qu'Avitus fçavoit déja, lui avoit écrite pendant le fiege d'Avignon, & dans le tems que Gondebaud paroiffoit terraffé de maniere qu'on ne devoit pas croire à moins que d'être du fecret, que ce Prince dût fi-tôt le relever.

"(4) C'est un heureux préfage que nos amis profitent de la »férenité paffagere qui nous luit, pour nous donner de leurs

(a) Aureliano viro illuftri. Indicium quidem quantulæcumque profperitatis efle manifeftum eft, quod amicorum affatu tantifper interlucente tempeftate vifitamur verumtamen æftus ille..... Nec fic te aut profperitas erigat aut frangat adverfitas ut in ani

|

mis tuis tam amicorum mutetur causa quam
temporum. Mementote femper propofitæ
caritatis. Si licet fcribere. Sin alias, quod
prohiberi non poteft amate, &c,
Aviti Ep. trigefima quarta,

» nouvelles

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nouvelles. Néanmoins les flots excités par la tempête que vous » comparez fi bien avec les orages ordinaires, ne font pas en» tierement calmés. Il ne faut point prendre la bonace où nous fommes pour une preuve que le vent foit entierement » tombé, mais plûtôt comme une marque qui montre qu'il veut » varier. Que le calme, s'il continue, que le vent s'il vous de» vient contraire, n'alterent point votre amitié, & que vos fen» timens pour nous ne dépendent jamais des tems que vous » aurez. Aimez toujours vos amis: fi les conjonctures le per» mettent donnez-leur de vos nouvelles; fi cela ne fe peut point >> confervez-leur au moins votre amitié, rien ne fçauroit l'empêcher. Nous fommes dans un fiecle où vous devez efperer que le vaiffeau après avoir paffé fur le bord des abîmes que » vous décrivez fi bien dans votre Lettre, entrera enfin dans » un port où il n'aura plus à craindre le naufrage.

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Toutes les phrases de cette Lettre dans laquelle Avitus affecte de s'expliquer en langage figuré, parce que leftyle métaphorique épargne à celui qui s'en fert, la néceffité de nommer par leur nom & les chofes & les perfonnes dont il entend parler, conviennent bien aux ménagemens que l'Evêque de Vienne devoit garder, pendant qu'on ajuftoit & qu'on fe difpofoit à faire jouer tous les refforts de la révolution qui remît le Roi Gondebaud en poffeffion de fes Etats. On y apperçoit l'embarras d'un homme qui fe doit du refpect à lui-même, & qui dans la fituation où il fe trouve, ne fçait ce qu'il convient d'écrire à d'anciens amis, dont il veut en tous évenemens conferver l'affection, & dont il va quitter le parti. Si d'un côté il n'ofe dire clairement les faits dont les nouveaux amis lui ont fait confidence, parce qu'il ne veut point les trahir, d'un autre côté il est bien aife de faire deux choses. La premiere, pour s'expliquer ainfi, c'eft de prendre date en mandant à fes anciens amis des chofes telles, qu'il puiffe en les expliquant un jour, fe faire auprès d'eux le mérite de leur avoir du moins donné avant l'évenement, des lumieres fur tout ce qui alloit arriver. La feconde eft de preparer fes anciens amis à n'imputer fa conduite, lorfqu'ils le verront changer de parti, qu'à la destinée qui s'eft plû à le mettre dans une fituation telle, qu'il ne pouvoit s'empêcher de fe laiffer entraîner au torrent. On voit enfin dans la dépêche d'Avitus, que quoiqu'il arrive, il veut toujours conferver des liaifons particulieres avec une perfonne en grand crédit dans le parti qu'il eft prêt d'abandonner, & même, s'il eft poffible, entretenir avec elle une correfpondance reglée..

Tome II.

X

Pour reprendre le fil de l'Hiftoire, je conclurai de tout ce qui vient d'être expofé, que Clovis défefperant de faire des conquêtes fur Gondebaud nouvellement réconcilié avec fes Sujets Romains, aura fait la paix avec lui, à condition que chacun demeureroit en poffeffion des Pays qu'il tenoit avant la rupture. Quant à Theodoric, ce Prince le voyant abandonné de Clovis, aura fait auffi fa paix avec Gondebaud, à condition que ce dernier lui cederoit la Cité de Marseille & quelques Cités adjacentes. Il feroit inutile de rechercher quelles étoient ces Cités par une raison; c'eft que Theodoric qui affectionnoit beaucoup la Province qu'il avoit acquife dans les Gaules, travailla fans ceffe à l'agrandir, & qu'en effet dans les tems posterieurs à l'année cinq cens, il l'agrandit à plufieurs reprises. Ainfi l'on ne sçauroit fçavoir pofitivement tout ce qu'il acquit cette année-là. Le mariage d'Oftrogothe, l'une des filles de Theodoric avec Sigifmond fils de Gondebaud, aura été une des conditions du Traité dont nous venons de parler, ou du moins il en fut une fuite. Voilà donc la tranquillité rétablie dans les Gaules pour quelque tems.

CHAPITRE XI I I.

Theodoric s'érige en Pacificateur des Nations Barbares établies dans les Gaules. Ses négociations pour empêcher une rupture entre les Francs & les Vifigots. Entrevue de Clovis & d'A laric fous les murs d'Amboife.

D

E's que Theodoric se vit maître d'une espece d'Etat dans les Gaules, il ne négligea rien pour maintenir la paix dans cette grande Province. Il avoit deux raisons de tenir cette conduite. En premier lieu, la confervation de la paix étoit le moyen le plus affuré d'empêcher les Francs, la Nation que les autres Barbares craignoient davantage à caufe de fa valeur & de fon inquiétude, d'augmenter fon territoire par de nouvelles conquêtes. En fecond lieu, Theodoric ne pouvoit faire valoir qu'en tems de paix, l'autorité qu'il croyoit lui appartenir fur tous les Romains, Sujets de l'Empire d'Occident, parce qu'il étoit maître de la Capitale de ce Partage, où fon pouvoir étoit reconnu par le Senat & par le Peuple. En effet, on croit volontiers, en lifant les Lettres de Caffiodore & les Edits du Roi des

Oftrogots, qu'il n'étoit pas fans efperance que les Romains les Provinces tenues par les Vifigots, par les Bourguignons & par les Francs, s'accoûtumaffent infenfiblement à recourir aux Confuls & aux Préfets du Prétoire, comme aux autres Officiers de l'Empire, que ce Prince inftituoit. Mais il ne falloit point pour cela qu'il y eût aucune guerre dans les Gaules, parce que Theodoric ne pouvant plus fe difpenfer de prendre part à celles qui s'y allumeroient à l'avenir, ceux des Barbares dont il fe déclareroit ennemi, ne manqueroient pas de défendre à leurs Sujets Romains toute forte de relation avec fes Officiers. Les alliances de famille que Theodoric avoit faites en époufant la fœur de Clovis, & en donnant fes filles en mariage, l'une au Roi des Vifigots, & l'autre au fils aîné du Roi des Bourguignons, favorifoient encore le projet de s'acquerir une grande confidération dans les Gaules. On peut dire la même chofe d'un autre mariage qu'il avoit fait, en donnant Amalberge la fille de fa fœur Amalafréde à Hermanfroy, (a) un des Rois des Turingiens de la Germanie. Ces Turingiens après avoir uni avec eux plufieurs autres Nations, avoient, comme il a été déja dit, occupé une partie de l'ancienne France. Mais d'autant que nous ignorons le tems précis de la fondation de ce Royaume, nous remettrons à en parler, que nous foyons à l'endroit de notre Ouvrage, où nous raconterons le fuccès de la guerre que les enfans de Clovis firent contre nos Turingiens.

La dureté dont Alaric avoit ufé contre les amis du Roi des Francs, fuffifoit pour le brouiller avec le dernier, quand bien même ce dernier n'auroit point eu autant d'ambition qu'il en avoit. On croira donc fans peine que Clovis n'eut pas plûtôt perdu l'efperance de fe rendre maître de la partie des Gaules tenue par les Bourguignons, qu'il forma le projet de faire la guerre aux Vifigots, & de s'allier contr'eux avec Gondebaud, comme il le fit au plus tard en cinq cens fix. Un Souverain peut-il avoir une pareille intention, fans faire de tems en tems contre un voifin, qu'il regarde déja comme fon ennemi, des entreprises qui reffemblent à des hoftilités, ou du moins fans laiffer échapper quelques menaces.

Dès que Theodoric vit que les démêlés qui étoient entre Alaric & Clovis pourroient bien dégenerer en une rupture, il s'entremit pour la prévenir, & nous avons encore les Lettres qu'il

(a) Porro apud Thoringos tres fratres | dericus, Herminfredus atque Bertharius regnum Gentis illius obtinebant, id eft Ba Gr. Tur. Hift. lib. 3. cap. 4.

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