écrivit à nos deux Princes en cette occafion. Elles fe trouvent dans les Ouvrages de Caffiodore qui les avoit composées. Voici la fubftance de celle qui fut envoyée au Roi des Vifigots. Quoique vos ancêtres vous ayent tranfmis leur courage, & » que vous foyez à la tête de la Nation qui défit Attila, n'allez point cependant l'expofer inconfidérement aux hazards des » combats après une paix auffi longue que celle dont elle a joui. » Remettre en haleine des Soldats qui ont paffé plufieurs années » fans effuyer les fatigues, & fans s'expofer aux perils de la guer»re, ce n'eft pas l'ouvrage d'un jour. D'ailleurs la paffion eft un » mauvais Confeiller; non-feulement elle fait prendre de mé» chans partis, mais elle aveugle encore les hommes dans le » choix des moyens propres à les conduire au but où ils fe propofent de parvenir. La guerre eft enfin le dernier moyen auquel les Princes doivent avoir recours, pour fe faire donner » les fatisfactions qui peuvent leur être dûes. Differez donc à >> commencer des hoftilités contre le Roi des Francs, jusqu'à » ce que vous foyez informés de la réponse qu'il aura faite aux » Ambassadeurs que j'envoye lui offrir ma médiation, dans le » deffein d'empêcher que de deux Princes qui me font alliés de » fi près, l'un augmente fes Etats aux dépens des Etats de l'au» tre. Vos démêlés n'ont point pour origine le meurtre du pere » de l'un de vous deux, égorgé par le pere de l'autre, qui auroit encore après ce meurtre envahi les Provinces du mort. Vos » démêlés ne viennent que de quelques paroles, & bien-tôt ils feront terminés, fi vous ne les envenimez point par des hofti»lités prématurées. (4) Donnez-moi donc le loifir de faire fçavoir à Clovis qu'il m'aura en tête, quoique fon beau-frere, » s'il agit offenfivement contre vous, & qu'ainfi il aura plus d'u»ne Nation belliqueufe à combattre, s'il vous attaque. Quand » la Juftice parle aux Princes une épée redoutable à la main, » ilsentendent volontiers fa voix. Nous vous envoyons donc en qualité de nos ambassadeurs Tel & Tel, qui vous exposeront plus au long nos intentions, & qui ont ordre de fe rendre en» fuite auprès du Roi des Bourguignons & des autres Princes que vous leur direz d'aller trouver, pour y agir conformément » aux inftructions particulieres qu'ils recevront de vous à ce sujet » là. Sur-tout évitons de rompre les premiers, & ne nous expo» fons point à l'averfion univerfelle qu'encourent les infracteurs » des Traités de paix. Du refte foyez convaincu que nous fom>> mes tellement éloignés du fentiment de ceux qui ne cherchent qu'à femer la difcorde, pour tirer de l'avantage du malheur » des autres, que nous réputerons votre agreffeur, pour l'en» nemi de tout le monde, & que nous nous déclarerons contre quelque Puiffance que ce foit qui fe déclarera contre vous. La Lettre que Theodoric écrivit à Clovis concernant fes démêlés avec Alaric, débute par faire au Roi des Francs une efpece de reproche fur ce qu'étant oncle de Theodégote femme d'Alaric, il eft néanmoins fi mal avec ce Prince pour un fujet bien leger. Theodoric ajoute enfuite qu'ils ne fçauroient l'un & l'autre donner une plus grande fatisfaction à leurs ennemis communs, que celle de voir aux mains les Francs & les Vifigots.» (4) Chacun de vous, continue Theodoric, eft Roi d'une puiffante Nation, & vous êtes l'un & l'autre dans la force de l'âge. Si vous prêtez l'oreille à ceux qui ne cherchent qu'à » vous mettre aux mains, vous ferez l'un contre l'autre de tels efforts, que vous ébranlerez réciproquement vos Trônés.. » N'allez point donner à vos Peuples, un fujet de faire des imprécations contre votre valeur; ce qui ne manqueroit pas d'arriver, fi pour des interêts peu importans, peu importans, vous allumiez une » guerre qui leur feroit funefte. A vous dire mon fentiment avec franchife, c'eft montrer trop d'impatience que de rompre la paix, parce que les premiers Ambaffadeurs que vous avez en» voyez demander fatisfaction, ne vous ont point rapporté celle » que vous croyez vous être dûe. Dans un differend qui eft en " >> (a) Luduin Regi Francorum Theodoricus | Rex.... Quæ cum ita fint miramur animos veftros fic caufis mediocribus excitatos ut cum filio noftro Alarico rege duriffimum velitis fubire conflictum. ..... Ambo eftis fummarum Gentium reges, ambo ætate florentes. Non leviter veftra regna quaffatis, fi data partibus libertate confligitis. Virtus veftra non fiat inopinata patria calamitas, quia grandis invidia eft Regum, in caufis levibus gravis ruina populorum. Dicam libere, dicam affectuofe quod fentio. Impatiens fenfus eft ad primam legationem protinus arma movere. A parentibus quod quæ ritur, electis judicibus expectatur.....Ille Caffiod, variar. lib. 2. Ep. prima. » tre parens, on prend des Arbitres. Vous-même n'avez-vous » pas quelque fcrupule fur la juftice de vos prétentions, quand » vous voyez que nous doutons qu'elles foient bien fondées, » & que nous ne ferons point de votre parti? Mais fi nous fommes réfolus de nous déclarer contre vous, nous & tous nos » amis, au cas que vous ne déferiez point à nos representations; nous fommes auffi réfolus de nous déclarer contre Alaric, s'il nonobftant les remontrances que nous lui paffoit outre » avons faites. Nous envoyons donc Tel & tel en qualité de nos » Ambaffadeurs auprès de votre perfonne, & auprès de celle du » Roi notre gendre afin qu'ils travaillent à vous réconcilier, » & que les Francs & les Vifigots, dont les affaires ont fi bien profperé à la faveur d'une paix durable entre les deux Nations, ne s'entredétruifent point dans une guerre entreprise inconfi» derément. Nos Ambaffadeurs font auffi chargez de vous dire » de bouche plufieurs choses. Au refte, foyez perfuadé que les que je vous donne, partent uniquement de l'amitié que »j'ai j'ai pour vous. On ne confeille pas, comme je vous confeille, » les perfonnes dont on voit avec peine la profperité. > avis Dans la lettre écrite fur le même fujet au Roi des Bourguignons par Theodoric, on démêle un peu plus diftinctement les veritables fentimens de ce dernier, qu'on ne les démêle dans les deux lettres précedentes. L'on y apperçoit donc fenfiblement, que celui qui l'écrivoit, avoit envie de s'arroger une efpece de fupériorité fur tous les Rois Barbares qui avoient des quartiers dans les Gaules. Voici la fubftance de cette lettre. » Il est triste de voir fans ofer trop fe déclarer, deux Princes » à qui l'on prend beaucoup d'interêt, prêts à en venir aux » mains, & à s'entredétruire. (a) Il n'y a point de Roi dans » les Gaules qui n'ait reçû de moi plufieurs témoignages d'une » veritable affection. Vous m'êtes tous également chers, & vous ne pouvez vous entre-nuire, que je ne reffente les maux que » vous vous faites. C'est donc à moi de temperer le courage » bouillant de deux jeunes Rois qui ne fçauroient fe moderer, >> tout inftruits qu'ils font que leur emportement eft condamné » par les perfonnes d'âge & d'experience. Qu'ils apprennent à (a) Gondibado Regi Burgundionum Theodoricus Rex.......Habetis omnes per me pignora magnæ gratiæ. Non eft unus ab alio fegregatus. Si quid in vobis delinquetis meo graviter dolore peccatis. Noftrum eft juvenes reges objecta ratione moderari quia | illud nobis vere fentiunt difplicere, qui dum male cupiunt, audaciam fuæ voluntatis retinere non poffunt: Vereantur fenes, quamvis fint fervida ætate ferventes. Caffiod. variar. lib. 2. Ep. fecunda. " "fe laiffer conduire aux vieillards, & qu'ils fçachent que nous Comme Theodoric pouvoit craindre que Gondebaud n'eût déja fait fon Traité avec les Francs, & qu'il ne leur communiquât fa Lettre, il y affecte de paroître entierement neutre entre Alaric & Clovis. Si l'on veut bien le croire, il n'a pris encore d'autre réfolution que celle de fe déclarer contre celui des deux Princes qui attaqueroit, & en faveur de celui qui feroit attaqué. Mais la Lettre de Theodoric écrite dans les mêmes circonftances à Hermanfroy, à Badéric & à Berthier, qui regnoient alors conjointement fur les Turingiens de la Germanie, laiffe voir bien à découvert une partialité entiere en faveur d'Alaric. Nous obferverons avant que de rapporter le contenu de cette Lettre, Gr. Tur. hist; qu'il femble à en juger par la fufcription, que chacun de ces lib. 3. cap. 4. trois Princes qui étoient freres, & dont il fera parlé plus au long dans l'Hiftoire des Rois enfans de Clovis, prit en particu lier le titre de Roi d'un des trois Peuples, qui après s'être joints ensemble, avoient fondé la Monarchie connue dans le moyen âge fous le nom de Royaume des Turingiens. En effet, la Lettre eft adreffée (a) au Roi des Herules, au Roi des (a) Aërulorum Regi, Guarnorum Regi, Thoringorum Regi Theodoricus Rex. Superbiam cælitus femper odiofam profequi de bet Generalitatis affentio..... Et ideo vos " Varnes, & au Roi des Turingiens. En voici la teneur: » Le Ciel » hait les fuperbes, & tout le monde a interêt de s'unir pour » reprimer leur orgueil. En effet, celui qui veut opprimer un Peuple, j'ofe dire, fi commode, qu'il n'y a point de Nation "qui ne fouhaitât de l'avoir pour fon voifin, donne à penfer qu'il ne lui manque qu'une occafion pour faire paffer fous fon »joug tous les autres Peuples. Un Prince qui méprise l'équité, » le croit tout permis dès qu'il a réuffi dans une entreprise injufte, & il doit par conféquent devenir l'objet de l'averfion » de tout le monde. Soulevez-vous donc contre des projets ini»ques, vous que votre valeur deftine à être le frein de l'ambi» tion démesurée. Commencez par joindre des Ambaffadeurs à » ceux que le Roi Gondebaud & moi nous envoyons à Clovis, pour le détourner d'attaquer les Vifigots, & pour l'obliger à refpecter l'équité & le droit des Gens. S'il ofe refufer de » dre pour Arbitres tant de Rois fi puiffans, qu'il foit en but à toute la terre. En effet, que peut demander de plus un Sou. » verain qui a des principes de juftice, que l'offre que d'auffi »bons garans que vous & moi lui font conjointement, de lui » faire donner une fatisfaction raifonnable fur tous fes griefs. » A dire fincerement ce que je penfe, un Souverain qui ne veut pren point reconnoître l'autorité des Loix du droit des Gens, roule »dans fa tête le projet d'ébranler les fondemens de tous les aù» tres Etats. Arrêtons un pareil torrent dès le commencement » de fon cours, afin d'épargner aux Pays expofés à ses ravages, » les efforts qu'il lui faudroit faire pour lui oppofer des digues qu'il lui fût impoffible d'entraîner. Enfin fouvenez-vous des » marques d'amitié qu'Euric le pere d'Alaric, vous a données >> en tant d'occafions, des prefens magnifiques qu'il vous a envoyés, & des démarches utiles qu'il a faites fi fouvent, pour empêchér les incurfions que vos voisins étoient prêts de faire » dans les Contrées que vous occupez. Voici le tems de témoi»gner au fils la reconnoiffance des bons offices du pere, laquelle » vous vous faites un mérite de conferver. Si le fuperbe édifice |