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aux Laïques de chercher, foit dans l'Ecriture Sainte, foit en faifant de leur autorité privée des cérémonies mystérieuses sur les Tombeaux des Saints, aucun augure de l'avenir. Il est encore vrai que le Concile, qui quatre années après le tems dont nous écrivons ici l'Hiftoire, s'affembla dans Orleans par les foins de Clovis, fait fous les mêmes peines, prohibition tant aux Eccléfiaftiques qu'aux Laïques, (a) de recourir à aucune forte de divipation, tant à celles qui avoient été en ufage parmi les Payens, qu'à celles qui fe faifoient en abufant des Livres faints & du culte pratiqué dans l'Eglife Chrétienne. Un des Capitulaires de Charlemagne défend auffi aux Fideles de chercher des prédictions de l'avenir, (b) foit dans le Pfautier, foit dans les Evangiles, & d'exercer aucune forte de divination. Mais la maniere dont s'y prit Clovis, pour fçavoir ce qui étoit déterminé par la Providence fur la guerre qu'il avoit entreprife, cft-elle bien une des manieres de découvrir l'avenir, qui font condamnées dans les Loix que je viens de rapporter ? Voilà ce que je n'oferois décider. Reprenons le fil de la narration de Gregoire de Tours.

Les hommes de confiance que Clovis avoit envoyés porter fes offrandes au Tombeau de Saint Martin, revinrent après avoir remercié le Ciel d'un augure fi heureux, rendre compte à leur Maître du préfage qu'ils avoient eu. Il fe mit en marche auffitôt, mais lorsqu'il fut arrivé fur le bord de la Vienne dont le lit couvroit le camp des ennemis, qui s'affembloient entre Poitiers & cette riviere, il la trouva fi groffie par des pluyes abondantes, qu'il ne lui étoit pas poffible de la guayer, comme il fe l'étoit promis. Ainfi l'armée des Francs qui avoit été obligée à paffer la Loire au-deffus de la Touraine, que les Visigots tenoient, & par confequent fort au deffus de l'embouchure de la Vienne dans ce fleuve, fe trouvoit arrêtée par la riviere dont nous parlons. Il étoit même impoffible à Clovis d'y jetter des ponts, ou de la faire traverser à ses troupes dans des barques,

gionis per eas quas Sanctorum fortes vo- Sanctorum quibufcumque putaverit inticant divinationis fcientiam profitentur, vel mandas, cum his qui eis crediderint ab EcScripturarum infpectione futura promit-clefiæ communione pellatur. tunt; Hos quicumque Clericus vel Laicus detectus fuerit vel confulere vel docere, ab Ecclefia habeatur extraneus.

Concil. Agath. Canone 42.

(a) Si quis Clericus, Monachus, vel fæcularis Divinationem vel Auguria crediderit obfervanda, vel fortes quas mentiuntur effe

Concil. Aurel. prim.cap. 32.

(b) Ut nullas vel in Pfalterio vel in Evangelio, vel in aliis rebus fortes præfumat, nec Divinationes aliquas obfervare. Capite quarto cap. ann. 789. Balus. tom. pr. pag. 243.

parce

parce qu'Alaric dont il paroît que le principal quartier étoit alors fous Poitiers, éloigné feulement de trois ou quatre lieues de la rive de la Vienne, y avoit des poftes. Alaric n'auroit donc pas manqué de s'opposer à ce paffage, & de profiter d'une telle occafion pour combattre les Francs avec tant d'avantage, qu'il les eut battu fans rien rifquer. Il falloit ou furprendre le paffage de la Vienne, ou s'expofer, en tentant de la paffer malgré l'oppofition des Vifigots, à une défaite prefque certaine. Avant que de parler de l'évenement miraculeux quitira Clovis de l'embarras où nous le voyons, il est bon de fermer un moment Gregoire de Tours, pour ouvrir Procope, & pour apprendre de cet Hiftorien, quel étoit le projet de campagne qu'Alaric avoit fait de fon côté. On en concevra mieux & l'importance dont il étoit aux Francs de paffer la Vienne au plûtôt, & comment le paffage de cette riviere, fut caufe de la bataille de Vouglė.

Procope après avoir parlé de la guerre que Clovis & Theodoric firent conjointement aux Bourguignons en cinq cens, ajoute: (4) » Les Francs ayant augmenté confiderablement » leurs forces, ils cefferent d'avoir des égards pour Theodoric, » & libres de la crainte qui les avoit retenus jufqu'alors, ils fe » mirent en campagne pour attaquer Alaric Roi des Visigots. » Auffitôt que ce Prince eut connoiffance de ce qui s'entrepre>> noit contre lui, il eut recours à Theodoric qui fe mit incon» tinent à la tête d'une armée pour aller fecourir fon gendre. Cependant les Vifigots apprenant que l'ennemi campoit dans » le Poitou, ils vinrent fe pofter fous la ville de Poitiers, & du»rant quelques jours, ils demeurerent derriere les retranche» mens de leur camp. « Notre Hiftorien raconte enfuite comment les Vifigots livrerent bataille aux Francs.

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Je ne puis fans prévarication omettre d'avertir ici le Lecteur, que j'ai pris la liberté de faire une correction importante dans le texte de Procope, en mettant le nom de Poitiers au lieu de celui de Carcaffonne, qui fe lit dans l'édition du Louvre. Voici les raifons que j'ai eues de faire un tel changement. En premier lieu, il eft impoffible que Procope qui doit avoir vû en Italie plufieurs Francs & plufieurs Vifigots, qui s'étoient trouvés à la Bataille de Vouglé, n'ait pas fçû que c'étoit fous Poitiers & (a) Poftea Germani viribus auctiores nulla habita ratione Theoderici ejufque me tu depofito, in Alaricum & Vifigothos arma moverunt. Qua de re certior factus AlaLicus Theodericum protinus advocavit. Dum

Tome II.

ille cum magno exercitu in fuppetias venit, interea Vifigothi Germanis quos ad Urbem Auguftoritum habere caftra audiverant occurrunt, & caftra etiam ipfi metati funt.

Procop. de Bello Goth. lib. pr. cap. 12.

A a

non pas fous Carcaffonne qu'Alaric étoit campé la veille du jour où il perdit cette bataille mémorable, dans laquelle il fut tué. Ainfi, quand bien même les manufcrits de cet Historien ne fourniroient rien qui aurorisât notre correction, il ne faudroit point laiffer de la faire, par la raifon qu'il eft impoffible que Procope fe foit trompé au point d'avoir écrit Carcassonne pour Foitiers, & qu'ainfi une telle faute devroit toujours être traitée de vice de Clerc, & mife fur le compte des Copiftes. En fecond lieu, nous trouvons dans le texte d'un manufcrit de Procope de quoi autorifer la reftitution que nous ofons faire. Voici le fait. Dans le douzième Chapitre du premier Livre de l'Histoire de la guerre des Gots par Procope, Carcaffonne le trouve nommée trois fois. La premiere fois qu'il en eft fait mention, c'est dans le paffage qui vient d'être rapporté, & c'est pour dire qu'Alaric campa quelque tems fous cette place, & qu'il ne décampa delà que pour donner la bataille où il perdit la vie. Les deux autres fois qu'il eft fait mention de Carcaffonne dans ce Chapitre, c'eft à l'occafion du fiege que Clovis mit devant cette Villelà, quelque tems après la bataille de Vouglé, & qu'il fut obligé Procopius de lever. Or le manufcrit de la Bibliothéque de Jofeph Scaliger, Hoefch. pag. dont Hoëfchelius s'eft fervi pour nous donner fon édition du Texte Grec de Procope, appelle Carcaffonne, Carcaffiané dans les deux endroits où il s'agit du fiége de cette Place, & où réellement Procope a voulu parler de Carcaffonne. En cela il eft femblable aux autres manufcrits. Au contraire, dans l'endroit de ce manufcrit Grec de Scaliger où il eft parlé de Carcaffonne pour la premiere fois, & à l'occafion du campement d'Alaric fous cette Place avant la bataille de Vouglé, Carcaffonne s'y trouve appellée On Carcaffona. Quelle apparence que Procope ait nommé au commencement d'une page Ou Carcaffona, la même Ville qu'il appelle deux fois Carcaffiané dans la fuite de la même page. Je crois donc que Procope avoit écrit dans l'endroit que nous rétabliffons, Augouftoritona, en traduisant en Grec le nom Latin de la Ville de Poitiers qui eft Auguftoritum, & que la leçon Ou Carcasona n'eft autre chofe que le mot Augouftoritona alteré & défiguré par quelques Copiftes Grecs qui fçavoient mal la Carte des Gaules. Il eft aifé de deviner comment fe fera faite par degré la reftitution téméraire qu'il a mis à la place du nom corrompu Ou Carcaffona, le nom de Carcaffiané qui fe trouvoit deux fois dansla fuite de la même page.

185.

Sans redire ici pour autorifer notre hardieffe, ce que l'on

a déja lû concernant l'altération des noms propres des lieux & des Fleuves de la Gaule, que l'ignorance des Copistes de Procope, leur a fait faire en tranfcrivant le texte de cet Historien, nous nous contenterons d'obferver que dans l'endroit même que nous reftituons, ces Copistes ont commis une faute bien plus confiderable que celle que nous corrigeons. Ils y font dire à Procope qu'Amalaric Roi des Vifigots, étoit fils d'une fille. d'Alaric fecond, au lieu que Procope avoit certainement écrit conformément à la verité, & à ce que lui-même il dit ailleurs, qu'Amalaric étoit fils d'Alaric fecond, & d'une fille de Theodoric Roi des Oftrogots. Je reprends le fil de l'Hiftoire.

Alaric dont le projet de ne point combattre, qu'il n'eût été joint par le renfort que Theodoric lui envoyoit, ne pouvoit pas fe pofter mieux qu'il l'avoit fait, en prenant un camp où il avoit la Vienne devant lui, & Poitiers dans fes derrieres. Il étoit difficile qu'il fût forcé dans un campement fi bien affis, d'où il ne laiffoit pas d'empêcher que les Francs s'avançaffent dans fon Pays, puifqu'ils ne pouvoient pas y entrer fans s'expofer à perdre auffi-tôt toute la communication avec le leur. Ainfi l'embarras de Clovis qui fe voyoit arrêté dès le commencement de fa carriere, ne devoit point être médiocre. Il perdoit un tems précieux pour lui, & dont les Vifigots alloient profiter, soit pour le fortifier par les fecours qui leur venoient, foit pour achever de découvrir le parti qu'il avoit dans leurs Provinces, & pour le diffiper.

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Clovis, dit Gregoire de Tours (a), fut toute la nuit en prieres, demandant au Dieu des Armées qu'il daignât donner connoiffance aux Francs d'un gué où ils pûffent paffer » la riviere qui les empêchoit de combattre leurs ennemis. Le » lendemain l'armée des Francs vit diftinctement une biche

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d'une grandeur extraordinaire entrer dans le lit de la Vienne, » & la traverser fans perdre pied, comme fi elle eût été envoyée du Ciel, pour enfeigner l'endroit où cette riviére étoit guayable nonobftant la crûe de ses eaux. L'armée des Francs paffa donc la Vienne au gué que la biche lui avoit indiqué, & » vint camper fur un terrain qui étoit en vûë de Poitiers. Ce fut

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(4) Porro ille cum ad Fluvium Vigen- | nam deveniffet cum exercitu, per quem locum tranfire deberet penitus ignorabat. Intumuerat enim ab inundatione pluviarum. Cumque illa nocte Dominum deprecatus fuiflet ut ci vadum qua tranfire poffet dig.

naretur oftendere, mane facto, cerva miræ magnitudinis ante cos nutu Dei Flumen ingreditur, illaque vadante, populus qua tran| fire poffit agnovit.

Gr. Tur. Hift. libro 2. cap. 37.

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» de-là que Clovis (4) apperçut une lumiere miraculeufe, qui » s'élevant de deffus l'Eglife de Saint Hilaire bâtie dans cette Ville, paroiffoit darder des rayons du côté de fon camp, » comme fi ce grand Serviteur de Dieu cût voulu par-là exhor» ter les Francs à faire fentir le poids de leurs armes aux Ariens "fur lefquels il avoit lui-même remporté tant de victoires avec le glaive de la parole. A l'afpect de cette nouvelle colomne » de feu, Clovis remit fon armée en marche après avoir défen» du qu'on fît la moindre violence à ceux qui ne feroient point >> trouvés portant actuellement les armes pour le fervice de l'en» nemi. « Le Ciel même fe déclara le vengeur des infractions de ce ban. Un maraudeur qui avoit levé la main fur faint Maixant Abbé d'un Monaftere du Diocèfe de Poitiers, devint paralytique du bras dont il avoit voulu frapper le Serviteur de Dieu.

On pourroit foupçonner que la colomne de feu que Clovis apperçut fur l'Eglife de Saint Hilaire, n'étoit qu'un fignal convenu entre ce Prince & quelque Poitevin de fes Partisans qui avoit promis de lui faire connoître par des fanaux les mouvemens des ennemis, & qui l'avertiffoit par les flambeaux qu'il avoit allumés fur le haut de cette Eglife, & que de tems en tems l'on pouvoit bien changer de place, que les Vifigots avoient décampé pour fe retirer, auffi-tôt qu'ils avoient fçû que l'armée des Francs étoit en-deçà de la Vienne. En effet, on rendoit un grand service à Clovis en l'informant que fes ennemis faifoient actuellement un mouvement durant lequel il étoit facile de les défaire & qui d'un autre côté les alloit mettre en fûreté fi l'on leur permettoit de l'achever fans trouble. D'ailleurs on fçait que les Anciens fe fervoient fouvent de flambeaux allumés, pour donner les fignaux de guerre. Mais les Auteurs du tems difent pofitivement que l'apparition de cette lumiere fut un évenement miraculeux. On a vû comment Gregoire de Tours s'en explique, & voici ce qu'en dit Venantius Fortunatus Auteur du fixième fiécle, & l'un des Succeffeurs de Saint Hilaire fur le Siege Epifcopal de Poitiers. » (6) Lorfque le Roi Clovis étoit armé con

(a) Veniente autem Rege apud Pictavos, dum eminus in tentoriis commoraretur, Pharus ignea de Bafilica fancti 'Hilarii egreffa, vifa eft ei tanquam fuper fe advenire, fcilicet ut Beati Confefforis lumine adjutus Hilarii, liberius Hereticas acies contra quas fæpe idem facerdos pro fide conflixerat, debellaret. Conteftatus eft autem omni exerci

tu, ut nec ibi quidem aut in via aliquem expoliarent aut res cujufquam diriperent.

Greg. Tur. Hift. lib. 2. cap. 37.

(b) Clodoveus Rex dum contra gentem hæreticam pugnaturus armatus, media no&te meruit de Bafilica beati viri lumen fuper fe veniens adfpicere admonitus ut feftinaretur, fed non fine venerabilis loci oratione

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