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jours que Clovis n'ait ofé rendre à faint Remy le vafe qu'il réclamoit. Une prévarication fi hardie furprend, mais je me contenterai d'avertir le Lecteur, que le Livre où elle fe trouve, est rempli de pareilles fautes.

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Que dirent les Romains des Gaules fur la hardieffe qu'avoit eue Clovis de s'emparer des Etats de Syagrius après l'avoir vaincu? Comment prirent-ils cette nouvelle occupation d'une tion du territoire de l'Empire faite par le Roi des Saliens? Je crois qu'il arriva pour lors, ce qui arrive ordinairement en de pareilles conjonctures. Les amis de Clovis, ceux qui fouhaittoient qu'il s'aggrandît, auront juftifié fa conduite. D'autres l'auront condamné, parce que le caractere de ce Prince leur étoit fufpect, & qu'ils craignoient de voir un Roi Payen trop puiffant dans les Gaules. Les Vifigots & les Bourguignons auront trouvé que le procédé de Clovis étoit injufte, & l'on croit bien que les Romains fujets de ces Barbares en auront parlé comme leurs Hôdu moins lorfqu'ils s'expliquoient publiquement. Voilà peut-être pourquoi l'invafion des Etats de Syagrius qui fut la premiere acquifition de Clovis, celle par laquelle il commença d'aggrandir le Royaume que fon pere lui avoit laiffé, fe trouve cenfurée dans la vie du bienheureux Jean,Fondateur de l'Abbaye du Monftiers S. Jean, ou de S. Jean de Réomay dans le Diocèse de Langres. Le bienheureux Jean étoit comtemporain de Clovis, qui comme nous aurons l'occafion de le dire dans la fuite, fit même beaucoup de bien en considération de ce faint Perfonnage au Monaftere dont nous venons de parler. Nous avons une vie de ce Saint, qu'on doit regarder comme l'ouvrage d'un de fes contemporains, quoiqu'elle n'ait été rédigée que vers l'année fix cens foixante, & par conféquent environ cent cinquante ans après la mort de Clovis. On en voit la raifon en lifant un avertiffement qui fe trouve à la tête de cette vie dans le manufcrit même qui s'en eft confervé au Monstiers Saint Jean, & fur lequel le Pere Rouyer l'a publiée. (4) » Jonas difciple de faint » Colomban ayant été envoyé à Châlons ir Saone par le Roi » Clotaire III., ou par fa mere fainte Bathilde; ce fçavant hom

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» fon féjour ordinaire. Les expreffions dont Gregoire de Tours fe fert ici, fignifient que Syagrius fit une courfe très-prompte pour fe rendre à Toulouse, & nous verrons dans la fuite de cet Ouvrage, qu'il y avoit encore alors dans les Gaules une pofte reglée, & fervie fuivant l'ufage des Romains. Nous verrons même qu'elle y fubfiftoit encore sous le regne des petits- fils

de Clovis.

Le Lecteur fera de lui-même une obfervation fur ce qui vient d'être rapporté. C'eft que Syagrius s'il eût commandé en Chef dans toute la partie des Gaules, qui n'étoit pas encore occupée par les Barbares, comme on le fuppofe ordinairement, n'auroit point été jufqu'à Toulouse pour trouver un azile. Si toute la partie des Gaules, qui étoit encore libre, lui eût obéï, au lieu de s'enfuir fi loin après avoir perdu la bataille qu'il donna dans le Soiffonnois, il fe feroit retiré derriere la Seine, où il auroit pû avec le fecours des Armoriques raffembler une nouvelle armée. Syagrius du moins fe feroit jetté dans Orleans, dans Bourges, ou dans quelqu'une des Places d'armes que les Romains avoient fur la Loire, & près defquelles la plupart des troupes reglées qui leur reftoient dans les Gaules, avoient leurs quartiers, comme nous le verrons bien-tôt. Ainfi puifque Syagrius fe fauva d'abord à Toulouse, & qu'il ne fçut faire mieux que de fe mettre au pouvoir d'un Roi Barbare au peril d'être bientôt livré à Clovis on en peut conclure qu'il n'étoit le maître que dans fon petit Etat, & que non-feulement, comme il a été dit ci-deffus, il ne commandoit point en Chef dans la partie des Gaules qui étoit encore libre, mais qu'il n'étoit point même auffi accrédité que le Roi des Francs dans les Provinces Obéïffantes & dans les Provinces Confédérées.

Dès que Clovis (4) eût été informé du lieu où s'étoit réfugié Syagrius, il le fit demander par fes Envoyés, qui menacerent Alaric des armes des Francs, s'il ne leur remettoit pas entre les mains l'ennemi de leur Maître. Le Roi des Vifigots, Nation qui fuivant Gregoire de Tours étoit très- fufceptible de crainte, appréhenda d'irriter contre lui les Francs, s'il s'obstinoit à proteger çe Romain infortuné, & il le livra aux Miniftres de Clovis. Dès que ce Prince eut Syagrius en fon pouvoir, il le fit eft, vinctum Legatis tradidit. Quem Chlodovechus receptum cuftodia mancipari præcepit, regnoque accepto, cun gladio clam feriri mandavit,

(a) Chlodovechus vero ad Alaricum mittit ut Syagrium redderet, alioquin fibi noverit bellum ob ejus retentionem inferri. At ille metuens ne propter eum iram Francorum incurreret, ut Gothorum pavere mos

Ibidem.

garder étroitement jufqu'à ce qu'il fe fût rendu maître des Etats du Prifonnier, qu'il fit enfuite décapiter auffi fecretement qu'il fut poffible. La précaution même que prit Clovis de faire faire cette exécution en fecret, eft une nouvelle preuve des ménagemens qu'il avoit pour les Romains, & qu'alors il n'étoit rien moins que l'ennemi déclaré de leur Nation.

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Mais, dira-t'on, fi Clovis ne conquit rien alors que le Royaume de Syagrius, qui du côté du Midi s'étendoit que jufqu'à la Cité de Langres tenue par les Bourguignons; pourquoi Alaric eut-il tant de peur des armes de ce Prince. Il y avoit encore bien loin des frontieres des Etats de Clovis, à celles des Etats du Roi Vifigot. Elles étoient féparées par les contrées qu'occupoient les Bourguignons, ou par celles des Cités de la Gaule où les Romains étoient encore les Maîtres. C'eft qu'apparemment Clovis étoit Allié pour lors de Gondebaud, qui peut-être faifoit actuellement cette guerre, dans le cours de quelle il enleva la Province de Marseille aux Vifigots, & que ce Roi des Francs avoit comme Maître de la Milice, une grande autorité dans les Provinces obéiffantes de la Gaule, & beaucoup de crédit dans les Provinces Conféderées.

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Clovis tue de fa main un Franc, qui vouloit l'empêcher de rendre un vafe d'argent réclamé par Saint Remy. Ce qu'on pût dire dans les Gaules concernant l'expédition de Clovis. Des Monnoyes d'or frappées par les ordres de ce Prince. Il fait la conquête de la Cité de Tongres.

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VANT que de continuer l'Hiftoire des conquêtes de Clovis, voyons comment Grégoire de Tours raconte l'avanture celebre du Franc, qui avoit pris un vafe d'argent dans une Eglife, durant la marche que ce Prince avoit faite le long du plat pays du diftrict de Reims. Notre Hiftorien ne dit point, il eft vrai, que ce vafe eût été pris dans une Eglife du Diocèfe de Reims, ni qu'il eût été pris avant la Bataille de Soiffons ; mais Hincmar dit pofitivement dans la vie de faint Remy, que c'avoit été dans ce Diocèfe que le vafe en question avoit été volé,

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& (a) l'Abréviateur dit à ce fujet la même chofe qu'Hincmarc. Quant au tems où cet incident arriva, il paroît en lifant avec attention le texte de Grégoire de Tours, que ce fut avant la bataille de Soiffons. Premierement, Clovis dit à ceux qui étoient chargés de le réclamer: Suivez-moi jufques à Soißons. En fecond lieu, Grégoire de Tours porte à le croire. Après avoir raconté le principal évenement, il revient fur fes pas fuivant l'ufage, pour parler de quelques incidens dont le récit auroit interrompu fa narration, & il dit : Durant le cours de cette guerre il fe commit plufieurs défordres.

Saint Remy, qui, comme on l'a vû, étoit depuis long-tems en relation avec Clovis, lui envoya des Députés pour le fupplier de faire rendre le vafe dont il s'agit. Il étoit d'un grand poids, & d'une grande beauté. Le Roi des Francs après avoir entendu la commiffion de ces Députés, leur dit de le fuivre jufqu'à Soiffons, où l'on feroit une maffe de tout le butin qui feroit gagné, afin de le partager enfuite, & que là il fe feroit donner le vafe qu'ils réclamoient pour le leur rendre. Quand l'armée fut à Soiffons, & quand on eut mis ensemble tout le butin, le Roi dit à fes Francs, en leur montrant le vase dont il s'agiffoit : Braves Soldats, trouvez bon qu'avant que de rien partager, partager, je retire ce buire d'argent de la maffe, afin d'en difpofer à mon plaifir. Tous les gens fages répondirent à ce difcours. » (b) Grand Prince, vous êtes le maître de tout ce qui fe voit ici, & même de nous ? »Ne fommes-nous pas vos fujets? Ufez-en donc à votre bon plaifir, car perfonne n'eft en droit de s'oppofer à vos volon»tés? Cependant un Franc envieux, fantafque & d'humeur mal » faifante, donna un grand coup de fa hache d'armes fur ce » vafe, en criant: Prince, vous n'avez rien à prétendre ici que ce qui vous échoira par le fort. L'affistance fut très-surprise, & le

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(a) Igitur de Ecclesia Remicianæ Urbis, horceum magnum.

Epift. capite decimo fexto.

(b) Hæc Rege dicente, illi quorum erar mens fanior, aiunt: Omnia, gloriofe Rex, quæ cernimus tua funt, fed & nos ipfi tuo fumus dominio fubjugati. Nunc quod tibi placitum videtur facito, nullus enim poteftati tuæ refiftere valet. ..... Ad hæc obftupefactis omnibus, Rex injuriam fuam patientiæ lenitate coercuit, acceptumque urceum Nuntio Ecclefiaftico reddidit.

Greg. Tur. lib. 2. cap. 27.
Acceptumque urceum Nuntio Ecclefiafti-

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5 Roi même fut faifi de colere; néanmoins diffimulant fon émotion, il remit fa vengeance à un autre tems, & il fe contenta » pour l'heure qu'il ne fût plus parlé de tirer au fort, & qu'on » lui permît de faire emporter le buire, qu'il rendit aux Dépu»tés de faint Remy. Si j'infére fon nom dans la narration de Grégoire de Tours, quoiqu'elle ne le dife point, c'est pour la rendre plus claire, & je ne prête à cet Hiftorien que ce que j'emprunte d'Hincmar & de l'Abréviateur.

L'année suivante, Clovis ordonna que tous fes Francs euffent à fe rendre armés de toutes leurs armes au champ de Mars, afin qu'il pût examiner en faisant sa revûe, en quel état chacun d'eux tenoit les fiennes. En allant de rang en rang, il fe rencontra vis-à-vis l'insolent qui avoit donné un coup de fa Francifque fur le vase réclamé par faint Remy, & il lui dit : Perfonne n'a fes armes auffi mal tenues qué le font les vôtres. Votre javelot, votre épée, & votre hache d'armes ne font point en état de fervir; & prenant cette hache, il la jetta par terre. Le Franc s'étant baiffé pour ramaffer fa hache d'armes, Clovis d'un coup de la fienne lui fendit la tête, en difant: Je te rends le coup de Francifque que tu donnas l'année derniere à Soiffons fur le vafe que je demandois. Clovis dès qu'il eut donné ce terrible exemple, congédia fes troupes. Quelle terreur ne devoit point infpirer aux mutins & aux factieux un Roi de vingt ans, qui au fortir de fa premiere victoire avoit eu la force de commander à fon reffentiment, & d'attendre afin de le fatisfaire à propos, une occasion où il pût fe venger non point en particulier, qui fe livre aux mouvemens impétueux d'une paffion fubite, mais en Souverain qui fe fait justice d'un fujet infolent? Nous avons déja obfervé, & nous aurons occafion de l'obferver encore, que le gouvernement n'étoit pas même dans toutes les Tribus qui compofoient la Nation Germanique. Non-feulement il y avoit des Tribus qui fe gouvernoient en République, quand d'autres étoient gouvernées par un Roi; mais tous ces Rois n'avoient point la même autorité dans leur Etat. Les uns étoient encore plus abfolus dans leur Royaume, tandis que les autres n'étoient dans le leur que fimples Chefs de la Societé. Quel que fût originairement le pouvoir de Clovis fur la Tribu dont il étoit Roi, plufieurs actions pareilles à celle que nous venons de raconter, & trente années de profperité, ont dû le rendre un Souverain defpotique. Son mérite perfonnel & fes fuccès lui auront donné le pouvoir que la Loi ne lui donnoit point. Ainfi fon crédit auprès de fes Sujets fera devenu une autorité abfolue qu'il aura tranfmife à fes enfans.

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