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auffi-bien dans la bouche de Theodebert à Clovis ayeul de ce Prince, qu'à Thierri pere de ce même Prince.

Il est vrai que M. de Valois (4) explique autrement que nous cette lettre de Theodebert. Après avoir obfervé, comme nous l'avons fait, que le Prince qui s'y trouve, & défigné & juftifié fans y être nommé, ne fçauroit être le Roi Thierri premier; il conclut qu'elle eft écrite, auffi-bien que deux autres dont nous parlerons dans la fuite, par le Roi Theodebert fecond fils de Childebert Roi d'Auftrafie, & monté fur le Trône en cinq cens quatre-vingt-quinze, à l'Empereur Maurice, monté de fon côté fur le Trône de Conftantinople en cinq cens quatrevingt-deux, & qui l'occupa jufqu'à l'année fix cens deux.

Mais comme les conjectures fur lesquelles M. de Valois appuye fon opinion, ne font rien moins que décifives, & comme d'un autre côté, il n'y a rien dans la lettre dont il eft question, que Theodebert premier n'ait pû écrire à Juftinien, je m'en tiens à la fufcription de cette lettre, & cette fufcription, qui eft la même dans tous les manufcrits, dit pofitivement qu'elle est écrite à l'Empereur Juftinien par le Roi Theodebert. D'ailleurs toutes les apparences favorifent ce fentiment. On verra dans le Chapitre fixième du cinquième Livre de notre Hiftoire, que l'année même de la mort de Thierri fils de Clovis, c'eft-à-dire en cinq cens trente-quatre, Juftinien voulut traiter, & qu'il traita réellement avec Theodebert & les autres Rois des Francs, pour les obliger à ne point le troubler dans fon entreprise contre les Oftrogots, dont il étoit fur le point de commencer l'exécution. Il eft donc très-probable que Juftinien aura commencé à entrer alors en négociation avec les Rois Francs, en écrivant à Theodebert, qui comme fils & fucceffeur de Thierri, l'aîné des enfans de Clovis, étoit le Chef de la Maison Royale, une lettre de conjoüiffance fur fon avenement à la Couronne. C'est à cette lettre, que nous n'avons plus, que Theodebert aura fait la réponse dont on vient de lire le contenu. Il n'eft pas difficile après cela de concevoir que Juftinien, qui jettoit dans fa lettre quel ques propofitions du Traité qu'il fit bien-tôt avec les Rois Francs, y avoit fait entendre qu'il fe flattoit que ces Princes exécuteroient plus fidelement les conventions qu'ils feroient avec lui, que Clo

(a) Neque enim Flavius Juftinianus de Theoderico Theodeberti patre cui cum nihil unquam rei fuit quique nulla extra Germaniam ac Gallicam bella geffit, queri merito potuit...... Tres itaque epiftolas fupra

dictas male infcriptas effe credo, nec à Theodeberto majore ad Juftinianum Auguftum, fed à Theodeberto pofteriore ad Imperato rem Flavium Mauricium Tiberium miffas. Valef. Rerum Eranc. lib. 8. pag. 438

vis n'avoit exécuté fes conventions avec l'Empereur Anastase. Ce reproche fait à la mémoire de Clovis, aura obligé Theodebert à inferer dans fa réponse la juftification de fon ayeul, qu'on vient de lire. Il eft vrai qu'il n'y eft pas dit pofitivement que les engagemens qu'on accufoit Clovis d'avoir mal observés, euffent été des promeffes qu'il avoit faites à l'Empereur Anaftafe pour obtenir de lui le Confulat. Mais fi Clovis a jamais dû prendre des engagemens pofitifs & précis avec les Empereurs d'Orient, ç'a été pour obtenir d'eux cette dignité. En effet, les Sçavans qui ont le mieux étudié les commencemens de l'Hiftoire de notre Monarchie, font perfuadés, que non-feulement le Confulat ne fut conferé à Clovis, qu'en vertu d'un Traité en forme fait entre lui & l'Empereur Anaftafe; mais que c'est de ce Traité-là, qui confommoit l'ouvrage de l'établiffement des Francs dans les Gaules, qu'il eft fait mention dans le Préambule de la Loi Salique, fous le nom de Traité de paix, dit abfolument, & par excellence.

Ce Préambule de la Loi (4) Salique, rédigée par écrit pour la premiere fois fous le regne de Thierri fils de Clovis, commence par ces paroles. L'Illuftre Nation des Francs, dont l'affemblage eft l'œuvre de la Providence, Nation de qui la valeur eft fi célébre, qui fe trouve affermie dans fes établissemens par le Traité de Paix, &qui s'eft convertie il n'y a pas encore long-tems à la Foi Catholique. Or, comme le dit M. Eccard dans fes Notes fur la Loi Salique : » Il faut que le Traité de paix, abfolument dit, foit le

premier Traité de paix & d'alliance que la Nation des Francs » ait conclu poftérieurement aux révolutions arrivées dans les » Gaules; en un mot,le Traité qui fut fait dans ces tems-là entre » Anaftafe & Clovis. En confequence de ce Traité, Clovis qui » venoit de vaincre les Vifigots, & qui les avoit relegués aux pieds des Monts-Pyrenées, fut folemnellement déclaré Conful, après quoi il fe mit en poffeffion du Gouvernement des » Gaules, de l'aveu même des Empereurs, qui craignoient l'am»bition de la Nation Gothique, & qui la haïffoient, parce qu'elle faifoit profeffion de l'Arianifme.

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Ainfi Clovis, & c'est une diftinction que nous avons déja

(4) Gens Francorum inclyta, auctore Deo condita, fortis in armis, firma pacis fædere, audax, velox & afpera nuper ad fidem Catholicam converfa..... Foedus autem pacis per quod Gens Francorum firmata illud interpretor per quod Clodoveus primum cum Anaftafio Imperatore pepigit, cujus nempe,

vigore poftquam Gothos ad Pyreneos ufque montes ejeciffet ac deviciffet ex voluntate etiam Imperatorum à Gothis fibi metuentium eofque ob Arianam hærefim deteftantiam, imperium Galliarum adeptus eft, Conful & Auguftus folemniter appellatus.

Eccardi note ad Leg. Salicam, pag. 1.

faite plufieurs fois, quoiqu'il demeurât toujours en qualité de Roi des Francs un Souverain indépendant, & qui, pour me fervir de l'expreffion fi fort ufitée dans les fiécles poftérieurs, ne relevoit que de Dieu & de l'épée que lui-même il portoit, fera devenu en qualité de Conful fubordonné en quelque forte à l'Empereur des Romains: mais outre que cette fubordination ne fubfiftoit que que de nom, attendu les conjonctures & l'éloignement où font les Gaules de Conftantinople, elle n'aura point paru extraordinaire.Sans répeter ce que nous avons dit des Rois des Bourguignons & de ceux des Vifigots, on a vû dès le premier Livre de cet Ouvrage, des Rois Francs exercer les grandes Dignités de l'Empire Romain. Enfin dans le commencement du fixiéme fiécle, & dans les fiecles précedens, toutes les Nations de l'Occident avoient encore tant de vénération pour un Empire qui leur avoit donné des Rois en plufieurs occafions, qu'elles ne penfoient pas que leurs Chefs dérogeaffent à la Dignité Royale,, forfqu'ils entroient, pour ainfi dire, au fervice de la République

Romaine.

Aujourd'hui que les Princes font bien plus délicats qu'ils ne l'étoient alors fur les droits de la Souveraineté, n'eft-il pas ordinaire d'en voir plufieurs qui ne dépendans dans une partic de leurs Etats d'aucun autre pouvoir que de celui de Dieu, veulent bien tenir d'autres Etats où ils font dépendans d'un pouvoir humain fupérieur au leur, & à qui même ils doivent compte de leur administration en plufieurs rencontres. Le Roi de Suede & le Roi de Dannemarc ne tiennent leur Couronne que de Dieu, & ils ne font en qualité des Rois fubordonnés à aucun autre Potentat; cependant le Roi de Suede en qualité de Duc de Pomeranie, & le Roi de Dannemarc en qualité de Duc de Holftein', font Feudataires de l'Empereur & de l'Empire d'Allemagne. Le Roi de Pologne & le Roi de Pruffe ne font-ils pas. auffi Feudataires de la même Monarchie, le premier en qualité d'Electeur de Saxe, & le fecond en qualité d'Electeur de Brandebourg Charles fecond Roi d'Espagne, lui qui étoit Seigneur fuprême de tant d'Etats, n'étoit-il pas Feudataire de l'Empire d'Allemagne, comme Duc de Milan, & Feudataire du Saint Siege, comme Roi de Naples. Louis douze & François premier ne fe font-ils pas avoués Feudataires de l'Empire, tandis qu'ils tenoient fon Fief de Milan? Enfin a-t-on vû Guillaume troifiéme Roi d'Angleterre, renoncer, après qu'il fut monté fur le Trône, à la Charge de Capitaine & d'Amiral Général de la

République des fept Provinces-Unies des Païs-Bas, & à celle de Statholder ou de Gouverneur particulier de cinq de ces Provinces, quoiqu'en qualité de Capitaine & d'Amiral Général, il lui fallut obéir aux ordres des Etats Généraux, & qu'en qualité de Statholder, il ne fût que le premier Officier des Etats de chacune des cinq Provinces dont il étoit Statholder. Dans tous les fiécles, comme dans toutes les conditions, l'orgueil du rang a toujours fléchi fous la paffion de dominer. Nous parlerons du tems que devoit durer l'autorité Confulaire de Clovis, & de la réunion de cette autorité à la Couronne des Francs, dans le fecond Chapitre du fixiéme Livre de cet Ouvrage.

Au fortir de Tours, Clovis vint à Paris, où fuivant le (4) Pere de notre Hiftoire, il plaça le Siége de fa Royauté, & fixa le Trône de la Monarchie; c'est-à-dire, qu'il établit dans Paris le Tribunal où il rendoit juftice aux Francs Saliens, en qualité de leur Roi, comme le Prétoire où il rendoit juftice aux Romains, en qualité de Conful, & qu'il en fit le lieu de fa résidence ordinaire & de celle des perfonnes de l'une & de l'autre Nation qui avoient part à l'administration de l'Etat, ou qui vouloient y avoir part. Voilà pourquoi Gregoire de Tours, pour nous donner une idée de l'efprit de retraite dans lequel vêcut Sainte Clotilde, dès qu'elle fe fut confinée à Tours quelque tems après la mort de Clovis, (b) dit qu'après la mort de ce Prince, on la vit rarement à Paris, c'est-à-dire, à la Cour.

Voilà pourquoi la Ville de Paris ne fut point mife dans aucun lot quand les enfans de Clovis partagerent entr'eux fon Royaume, & qu'au contraire il fut alors convenu, qu'ils la poffederoient en commun, & comme on le dit, par indivis. Ainfi quoique Childebert fils, & l'un des quatre fucceffeurs de Clovis, tînt ordinairement fa Cour à Paris, & que Paris fût le lieu de fa réfidence ordinaire, il n'avoit cependant que fa part & portion dans la Souveraineté de cette Ville qui continua d'être le lieu de rendez-vous où fe traitoient les affaires communes à tous les Sujets de la Monarchie, quoique depuis la divifion de cette Monarchie en plufieurs partages, elle eût apparemment ceffé d'être le lieu où l'on rendoit aux particuliers la juftice en dernier reffort. En effet, nous verrons dans le fecond Cha

(4) Egreffus autem Chlodovechus à Turonis Parifius venit, ibique Cathedram regni fui conftituit.

Greg. Tur. Hift. lib. 2. cap. 38.

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pitre du cinquiéme Livre,que quoiqueCharibert petit-fils de Clovis eût eu le même partage qu'avoit eu Childebert fon oncle, celui des Partages dont Paris étoit comme la Capitale, Charibert cependant, n'avoit à la mort qu'un tiers dans la Ville de Paris.

Enfin voilà pourquoi les Rois petits-fils de Clovis, à qui l'experience avoit enfeigné de quelle importance il étoit qu'aucun d'entr'eux ne s'appropriât la Ville Capitale de toute la Monarchie, avoient ftipulé en faifant quelque nouveau pacte de famille; Que celui des Compartageans qui mettroit le pied dans Paris fans le confentement exprès des autres, feroit déchû de la part & portion qu'il y auroit, & voilà pourquoi chacun d'eux avoit promis d'obferver cette condition, en faifant des impré- cep. 27. cations contre lui-même s'il étoit affez malheureux pour y manquer.

Le Siege de la Monarchie Françoise eft encore dans le lieu où Clovis le plaça en cinq cens dix. Les Royaumes fur lefquels regnoient fes enfans après qu'ils eurent partagé la Monarchie Françoise, ont bien eu chacune une efpece de Capitale particuliere, mais Paris est toujours demeuré la Capitale de la Monarchie Françoise.

Greg. Tur. Lib. Hift. 6.

CHAPITRE X I X.

Clovis, qui n'étoit encore Roi que de la Tribu des Francs, appellée là Tribu des Saliens, fait perir les Rois des autres Tribus des Francs, & il engage chacune d'elles à le choisir pour fon

Roi.

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Ou s voici arrivés à un évenement, qui par les circonftances odieufes dont il fut accompagné, & par les fuites heureufes qu'il eut, paroît tenir dans l'Hiftoire de France, une place femblable à celle que le meurtre de Remus par Romulus fon frere, tient dans l'Hiftoire Romaine. Le même efprit d'ambition qui fit penfer à Romulus que le Royaume qu'il avoit fondé ne pouvoit profperer, ni même fubfifter, s'il falloit qu'il demeurâ plus long-tems partagé entre fon frere & lui, aura fait. croire à Clovis que la Monarchie qu'il avoit établie dans les Gaules, & qu'il prétendoit laiffer à fes fils, feroit toujours mal affermie tant qu'il ne regneroit que fur la Tribu des Saliens, &

Tome II.

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