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Hiftoire de

de la France,

pag. so.

pru

Quelle idée les Romains des Gaules n'auront - ils pas auf fi conçue des grandes qualités du jeune Roi des Saliens, en apprenant cet évenement où il fit voir fi fenfiblement qu'il avoit autant de juftice que de courage, & autant de fermeté que de dence? Ne l'auront-ils pas deftiné dès-lors à être un jour leur appui contre les Ariens? N'auront-ils pas fongé dès-lors aux moyens qu'ils pourroient prendre, pour lui faire embrasser la Religion Catholique ?

S'il y a un fait conftant dans notre Hiftoire, c'eft que Clovis nonobftant l'oppofition du Franc qu'il châtia dans la fuite, ne laiffa pas de rendre fur le champ aux Députés de faint Remy le vafe d'argent qu'ils reclamoient. Grégoire de Tours, l'Abbréviateur, l'Auteur des Geftes des Francs, Hincmar & Aimoin même le difent en termes précis. Nous avons rapporté les paffages de ces Ecrivains. Cependant un Auteur moderne,qui pour défendre le fyftême de l'ancien gouvernement de notre Monarchie, qu'il avoit entrepris de foutenir, voit ou veut voir fouvent dans tous les monumens litteraires de nos antiquités, le contraire de ce qu'on y a vû toujours, & de ce qui s'y trouve réellement, n'a pas laiffé de raconter l'avanture dont il s'agit, dans les termes qu'on va lire.

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» Je voudrois pouvoir me difpenfer de rappeller ici l'Hiftoire l'anc. gouv. » fi connue du vafe de Soiffons qu'un Franc refufa à Clovis au» deffus de fa portion du butin, parce qu'il le vouloit rendre à l'Evêque qu'il destinoit d'engager dans les interêts de fa Na» tion. Car fi d'un côté on y trouve un exemple de l'ancienne li» berté des François, & de l'étendue de leurs droits, puifque l'oppofition d'un feul mettoit obftacle à la volonté du Roi, on y trouve auffi-tôt après, celui d'une entreprise contre ce » droit & cette liberté, ou plûtôt l'usage d'un faux prétexte, » pour perdre un homme non coupable, mais odieux. Et plût au ciel que de tels exemples fuffent oubliés pour jamais, ou » que le principe qui les fournit fût effacé du coeur des Princes. >> On voit toutefois dans cet exemple les deux fonctions bien diftinguées. Comme Roi, comme Chef de la Juftice, Clovis acquiefce à un droit certain en laiffant ce vafe au foldat, parce que le partage étoit égal, qu'il étoit tombé dans fon lot, & qu'il en avoit acquis la propriété abfolue; mais il demeure » offenfé contre celui qui ufe de fon droit. L'Auteur ajoute à ce paffage, où la vérité eft bien alterée, un long raisonnement qui ne mérite point d'être transcrit, & dans lequel il fuppofe tou

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jours que Clovis n'ait ofé rendre à faint Remy le vafe qu'il réclamoit. Une prévarication fi hardie furprend, mais je me contenterai d'avertir le Lecteur, que le Livre où elle fe trouve, eft rempli de pareilles fautes.

Que dirent les Romains des Gaules fur la hardieffe qu'avoit eue Clovis de s'emparer des Etats de Syagrius après l'avoir vaincu? Comment prirent-ils cette nouvelle occupation d'une portion du territoire de l'Empire faite par le Roi des Saliens? Je crois qu'il arriva pour lors, ce qui arrive ordinairement en de pareilles conjonctures. Les amis de Clovis, ceux qui fouhaittoient qu'il s'aggrandît, auront justifié fa conduite. D'autres l'auront condamné, parce que le caractere de ce Prince leur étoit fufpect, & qu'ils craignoient de voir un Roi Payen trop puiffant dans les Gaules. Les Vifigots & les Bourguignons auront trouvé que le procédé de Clovis étoit injufte, & l'on croit bien que les Romains fujets de ces Barbares en auront parlé comme leurs Hôtes, du moins lorfqu'ils s'expliquoient publiquement. Voilà peut-être pourquoi l'invafion des Etats de Syagrius qui fut la premiere acquifition de Clovis, celle par laquelle il commença d'aggrandir le Royaume que fon pere lui avoit laiffé, fe trouve cenfurée dans la vie du bienheureux Jean,Fondateur de l'Abbaye du Montiers S. Jean, ou de S. Jean de Réomay dans le Diocèse de Langres. Le bienheureux Jean étoit comtemporain de Clovis, qui comme nous aurons l'occafion de le dire dans la fuite, fit même beaucoup de bien en confidération de ce faint Perfonnage au Monaftere dont nous venons de parler. Nous avons une vie de ce Saint, qu'on doit regarder comme l'ouvrage d'un de ses contemporains, quoiqu'elle n'ait été rédigée que vers l'année fix cens foixante, & par conféquent environ cent cinquante ans après la mort de Clovis. On en voit la raifon en lifant un avertiffement qui fe trouve à la tête de cette vie dans le manufcrit même qui s'en eft confervé au Monstiers Saint Jean, & fur lequel le Pere Rouyer l'a publiée. (4) » Jonas difciple de faint » Colomban ayant été envoyé à Châlons for Saone par le Roi » Clotaire III., ou par fa mere fainte Bathilde; ce fçavant hom(4) Anno tertio regni Domini Clotarii Regis ex juffu ipfius Principis vel genitricis fuæ præcelle Domina Baltichildis Reginæ, cum ad urbem Cabilonenfem mitteretur Jonas Abbas, difcipulus beati Columbani eruditus, atque per Monafterium Sancti Joannis, quod vocatur Reomaus prætericns, pau- Hift. Mona. J. Joannis. pag. prima. cis diebus inibi pro labore itineris quievil

Tome II.

fet, ductus precibus Domini Hunnæ Abbatis, Fratrumque ipfius Coenobii ut quæ per difcipulos memorati Confefforis Chrifti yel pofteros corum veraciter comperta erant confcriberet, tandem articulum fcribendi ita

convertit.

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» me fe repofa quelques jours au Monftiers Saint Jean, & à » l'inftance de Hunna Abbé de cette Maifon, il y écrivit la » vie du bienheureux Jean, fur le témoignage des difciples du » Confeffeur de Jefus-Christ, ou fur celui de ceux qui avoient » vûfes difciples Une partie de ces témoignages devoit être des témoignages par écrit, & il fe peut bien faire auffi que les Mémoires où ils fe trouvoient euffent été rédigés avant la conFaite en 534. quête du Royaume des Bourguignons par les enfans de Clovis. Jonas qui compofa à la hâte fa vie du Confeffeur Jean, ne se sera point apperçu qu'il lui auroit convenu de fupprimer quelque chofe dans les Mémoires fur lefquels il écrivoit, attendu le tems où il avoit la plume à la main.

On trouve cette Vie de Jonas à la tête de l'Hiftoire de l'Abbaye de Saint Jean de Réomay, compofée en Latin par le Pere Rouyer Jefuite, & publiée en mil fix cens trente-fept. C'est ainfi du moins que je crois devoir traduire le nom Latin de Roverius que l'Auteur a pris à la tête de cet Ouvrage & de Hiftoire de plufieurs autres. Il eft vrai que le Pere Daniel dans la Préface France, pag. Hiftorique de fon Hiftoire de France l'appelle le Pere Rovére; mais le Pere Méneftrier le nomme le Pere Rouyer, & c'eft le Lyon, page Pere Méneftrier qui doit l'avoir le mieux connu. Or il eft dit dans cette Vie de Saint Jean de Réomay. (4) » Ce fut auffi » du vivant du Saint, que les Francs dont Clovis étoit Roi, » commencerent, au mépris de l'Empire, à envahir les Gaules, » & que les armes à la main ils franchirent les bornes & les >> limites du territoire que les Romains y tenoient encore.

105.

Hiftoire de

541.

Dès que Clovis fe fut rendu maître des Etats de Syagrius, il transfera le Siege de fa Monarchie à Soiffons, où il étoit bien plus à portée d'entretenir les liaisons qu'il avoit avec ceux des Romains de fes amis, qui demeuroient dans les Provinces des Gaules occupées par les Vifigots & par les Bourguignons, que s'il eût continué de faire fon féjour à Tournay. (b) Hincmar le dit dans la Vie de Saint Remy, & Flodoard dont le témoignage doit être ci de poids, quoiqu'il n'ait écrit que dans le dixiéme fiecle, confirme la même chofe dans fon Histoire de l'Eglife de Reims.

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En effet ce fut à l'occafion du féjour ordinaire que Clovis faifoit à Soiffons, qu'il donna un domaine confidérable à l'Eglife de Reims, afin que l'Evêque de Reims eût un domicile convenable à portée de la Cour." Avant Saint Remy, dit Hinc » mar, l'Eglife de Reims ne poffedoit qu'une petite Métairie auprès de Soiffons; mais Clovis pour avoir plus fouvent Saint emy auprès de lui, donna à cette Eglife entr'autres (a) biens, les métairies de Juliacus & Codiciacus qu'elle poffede » encore aujourd'hui paisiblement.

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Comme Clovis avoit dès-lors de grands projets, quoiqu'il n'eût encore que des forces médiocres, on peut croire qu'il fe fera conduit dans les Etats conquis fur Syagrius, d'une maniere qui pût ! i faciliter de nouvelles acquifitions. Il s'y fera bien rendu maître du gouvernement, mais il aura ufé du pouvoir civil & du pouvoir militaire en Allié, qui ne s'en étoit faifi, que pour rétablir l'ordre dans toutes ces contrées, & pour y mettre le Peuple en pleine liberté d'obéir à l'Empereur que Rome choifiroit dès que cette Capitale de l'Empire d'Occident feroit délivrée du joug que le tyran Odoacer lui avoit impofé par force. Tel aura été le langage de Clovis, quelqu'ait été fon véritable projet.

Il ne faut donc pas être furpris que ce Prince n'ait pas fait mettre fon nom fur les monnoyes d'or qu'on croit qu'il fit frapper à Soiffons dans le tems que cette Ville étoit la Capitale du Royaume des Saliens. Clovis aura voulu en cela fe conformer à l'ufage, fuivant lequel les Rois Barbares établis fur le territoire de l'Empire ne faifoient point battre d'efpeces d'or à leur coin, c'est-à-dire, avec une légende contenante leur nom, & leur titre.

Nous verrons dans la fuite que les fucceffeurs de Clovis ne firent fabriquer à leur coin des efpeces de ce métail, qu'après que Juftinien leur cût cédé la pleine & entiere Souveraineté des Gaules. Voici ce qu'on trouve dans le Traité Historique des Monnoyes de France, compofé par Monfieur le Blanc, concernant trois pieces de monnoye d'or qu'on croit avoir été frappées par les ordres de Clovis I. Il eft vrai qu'on n'y voit point la tête, & qu'on n'y lit point le nom de ce Prince; mais en premier lieu, on les reconnoît à leur fabrique pour avoir été faites dans le cinquième ou dans le fixiéme fiecle. En se(4) Quarum rerum funt Juliacus & Co- | quieto poffidet Ecclefia. diciacus capita, quæ Remenfis adhuc jure In V. S. Remigii.

Trait. Hift. pag. 16.

cond lieu, on n'y lit point le nom, & l'on n'y reconnoît pas la tête d'aucun des Empereurs Romains qui ont regné dans ces tems-là. Enfin on voit par le mot Sacionis, qui fe lit fur deux de ces monnoyes, qu'elles ont été frappées à Soiffons dont Clovis fe rendit maître en quatre cens quatre-vingt-fix, & comme on lit fur la troifiéme, Bettone Monetario, & que d'un autre côté le nom de ce Monetaire fe trouve auffi fur les deux monnoyes dont il vient d'être parlé, il eft vraisemblable que notre troifiéme piece d'or, qui d'ailleurs eft encore de même fabrique que les autres, a été frappée par l'ordre du même Souverain qui avoit fait battre celles-là.

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» On croit qu'on peut donner avec quelque probabilité les » trois monnoyes d'or fuivantes au grand Clovis, quoiqu'elles »ne portent pas fon nom. « Notre Auteur donne enfuite l'eftampe de ces trois pieces d'or, après quoi il ajoûte: » L'infcription qui eft à côté de la tête de la premiere & de la troi» fiéme, marque qu'elles ont été fabriquées à Soiffons. Clo» vis, fuivant Flodoard, avoit choifi au commencement de » fon fon regne cette Ville pour fa demeure. Sur le revers de la

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premiere de ces monnoyes, qui eft un tiers de fol d'or, pa» roît un homme qui tient de la main gauche une hache,. & » autour cette légende, Batto, qui eft le nom du Monetaire. » Perfonne n'ignore l'hiftoire du foldat que Clovis tua d'un coup de hache. Quoiqu'il en foit, il eft certain fuivant l'Au»teur des Geftes des Francs, & fuivant Aimoin, que Clovis portoit ordinairement une hache d'armes pour fceptre, & » qu'on la nommoit alors Francisca. Si l'opinion de Bouterouë » eft vraie, on pourroit auffi affurer que les deux autres mon»noyes ont été frappées fous le regne de Clovis, à caufe que » le nom du Monetaire qui eft fur l'une & fur l'autre, est le » même nom qui eft fur la premiere. La couronne en pointe » ou radiale dont la tête du Roi eft couverte, cft semblable à » celle des Empereurs Romains.

Je crois volontiers que toutes ces monnoyes ont bien été frappées à Soiffons dans le tems que Clovis y réfidoit, mais non pas que la tête qu'elles portent, foit celle de ce Prince. Voici ma raifon: Cette tête eft repréfentée avec des cheveux fort courts, & Clovis devoit les porter auffi longs que le font ceux que porte fon pere Childéric dans fon anneau d'or qui eft à la Bibliotheque du Roi. Ainfi je croirois plûtôt qu'elle auroit été faite pour représenter un Empereur, foit Zénon, foit un au

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