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» moins un jour il lui échapa de dire devant beaucoup de mon» de: Malheureux que je fuis, j'ai perdu tous mes parens, & je me trouve en quelque maniere étranger dans mes propres » Etats. S'il m'arrivoit une difgrace, je ne pourrois plus avoir » recours à ces perfonnes que les liens du fang obligent à pren»dre notre parti en tout tems & dans toutes les occafions. Mais »ce Prince ne parloit pas de bonne foi, lorfqu'il s'expliquoit » ainfi, c'étoit dans la vûe de donner envie à ceux de fes parens, qui s'étoient cachés, de fe découvrir, & avec l'intention de » leur faire le même traitement qu'il avoit fait à ceux qu'il feignoit de regretter. « On verra par la fuite de l'Hiftoire, que quelques-uns des parens collateraux de Clovis, étoient échapés à fes recherches.

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Clovis étoit un Prince trop habile pour ne fe tenir pas plus affuré de tous les Francs, qui portoient alors, s'il eft permis de s'expliquer ainfi, l'épée de la Gaule, lorfqu'ils feroient commandés par des Officiers militaires qu'il inftituoit & deftituoit à fon gré, que s'ils demeuroient fous les ordres de plufieurs Rois fes parens & fes amis autant qu'on le voudra, mais indépendans de lui au point, qu'il ne pouvoit les engager à le fervir, qu'en négociant avec eux, & qui d'ailleurs avoient toujours le pouvoir de lui nuire.

On voit fenfiblement par la narration de Gregoire de Tours, que Clovis, qui craignoit tous les autres Rois des Francs, ne craignoit en même tems que fes parens collateraux; & c'est ce qui confirme la remarque faite par plufieurs de nos Ecrivains modernes : Que toutes les Tribus des Francs, lorsqu'elles avoient un Roi à élire, choififfoient toujours un Souverain entre les Princes de la même Maison. Il n'y avoit dans la Nation des Francs, bien qu'elle fût divisée en plufieurs Tribus, qu'une feule Maifon Royale.

Suivant les apparences, Clovis employa les dix-huit mois qu'il vêcut encore après avoir pris poffeffion de la Dignité de Conful, à fe défaire des Rois des autres Tribus des Francs, & à s'emparer de leurs Etats. Du moins nous ne fçavons point qu'il ait fait autre chofe pendant ce tems-là, fi ce n'eft de procurer l'Affemblée du premier Concile National tenu à Orleans depuis l'établissement de la Monarchie Françoise dans les Gaules.

CHAPITRE X X.

Du Concile National assemblé à Orleans en cinq cens onze.

N

Ous avons déja obfervé que Gregoire de Tours ne difoit rien de ce Concile, & nous avons même allégué le filence qu'il garde à ce fujet, comme une des preuves qui montrent qu'on ne fçauroit contredire la vérité d'aucun fait particulier, arrivé dans les tems dont il a écrit l'Histoire, en se fondant fur la raison; Que l'Hiftorien Eccléfiaftique des Francs, n'en a point parlé. En effet, il est fi vrai, que le Concile dont notre Historien ne dit pas un mot, a été affemblé, que nous en avons les Actes, où nous apprenons, qu'il fut tenu fous le Confulat de Félix, c'est-à-dire, l'année cinq cens onze de l'Ere Chrétienne. On peut les voir dans le premier Volume des Conciles des Gaules, par le Pere Sirmond. Voici la fubftance de la Lettre que les Evêques qui fe trouverent à cette Affemblée, écrivirent à Clovis.

» (4) Tous les Evêques aufquels le Roi Clovis a ordonné de » s'affembler dans Orleans, à Clovis leur Seigneur, & le Fils » de l'Eglife Catholique: Votre zéle pour la Religion déja fi » connu, & qui vous fait fouhaiter avec ardeur d'en voir feu>> rir le culte, vous ayant engagé d'enjoindre aux Evêques de » s'affembler; nous nous trouvons de notre côté dans l'obliga» tion de vous envoyer les Canons que nous avons rédigés,

après avoir, en exécution de vos ordres, difcuté tous les points » fur lefquels vous fouhaitiez que nous ftatuaffions. Si vous ap» prouvez nos Decrets, ils receyront une nouvelle force par » le jugement favorable qu'en aura porté un Roi fi digne de

» gouverner.

Les Evêques qui intervinrent au Concile dont nous parlons, fe trouverent au nombre de trente; ce qui paroît par leurs fignatures mifes au bas des actes de cette Affemblée. Du nombre de ces Prélats étoient les Métropolitains, &, pour parler le langage des fiecles fuivans, les Archevêques de Bordeaux, de Bour

(a) Domino fuo, Catholica Ecclefia Filio Chlodoveo Regi gloriofiffimo, omnes Sacerdotes ad Concilium venire juffifti... quos kta etiam ut fi ea quæ nos ftatuimus, etiam

.....

veftro recta effe judicio comprobentur, tan-
ti confenfu Regis & Domini, majori auto-
ritate firmet fententiam Sacerdotum.
Sirm. Concil. Gall. Tom. 1

ges, de Rouen, & d'Eufe. Si tous les Evêques, dont les Sieges étoient dans des Cités foumifes à l'obéiffance de Clovis, fe fuffent trouvés au Concile d'Orleans, nous ferions l'énumération des vingt-fix autres Prélats qui en foufcrivirent les actes. Ce seroit un moyen de donner à connoître avec plus de certitude, quelles étoient alors précifément les Cités comprises dans le Royaume de Clovis. Mais les Evêques de plufieurs Cités,. qui constamment étoient dans ce tems-là du Royaume de Clovis, ne vinrent pas à notre Concile. Saint Remy, par exemple, ne s'y trouva point. Ainfi, comme l'on ne peut inferer de l'abfence d'un Evêque, que fa Cité ne fût point alors fous la domination de Clovis, on ne fçauroit connoître précisément par les foufcriptions du Concile d'Orleans, quelles étoient, quand il fut les Cités renfermées dans les limites du Royaume de ce Prince.

tenu,

Quoique nous nous foyons interdit de traiter les matieres Eccléfiaftiques, nous ne laifferons pas de rapporter ici quelquesuns des Canons du Concile d'Orleans, parce qu'ils font trèspropres à montrer quel étoit alors l'état politique des Gaules, & principalement à faire voir que Clovis laiffoit vivre les Romains des Gaules fuivant le Droit Romain, & que ce Prince entendoit que les Evêques qui étoient encore alors prefque tous de cette Nation, jouiffent paifiblement de tous les droits, diftinctions, & prérogatives dont ils étoient en poffeffion fous le regne des derniers Empereurs. Voici le premier Canon de notre Concile.

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» Conformément aux Saints Canons & aux Loix Impériales >> concernant les homicides, les adulteres, & les voleurs, qui » fe feront réfugiés dans les aziles des Eglifes, ou dans la mai» fon d'un Evêque, il fera deffendu de les en tirer par force, & » de les livrer au bas féculier. On ne pourra même les remettre » entre les mains de quelque perfonne que ce foit, avant que » préalablement elle ait promis à l'Eglife en jurant fur les Saints Evangiles, que les coupables ne feront point punis ni de mort, » ni par mutilation de membres, ni d'aucune autre peine afflicti& avant que leur partie ait tranfigé avec eux. Si quelqu'un » viole le ferment qu'il aura fait à l'Eglife dans les circonstances " ci-deffus énoncées, qu'il foit tenu pour excommunié, & que » les Clercs, & même les Laïques s'abftiennent d'avoir aucune " communication avec lui. Que fi quelque coupable intimidé par le refus que feroit fa partie de compofer avec lui, vient à » fe fauver de l'Eglife où il fe feroit réfugié, & à difparoître, la » fufdite partie ne pourra intenter aucune action contre les

» ve,

» par

Clercs de l'Eglife à raison de cette évasion.

pour

Il ne faut pas méditer long-tems fur ce Canon, pour voir qu'il donnoit une grande confidération à l'Epifcopat dans un pays, où la plupart des habitans vivoient fuivant le Droit Romain, qui attribuoit au fimple Citoyen le droit de demander & de fuivre la mort de ceux qui étoient coupables d'un crime capital commis contre lui ou contre les fiens, & qui autorisoit ainfi le particulier à requerir que le criminel fût condamné au dernier fupplice, ce qui n'eft permis aujourd'hui qu'au Miniftere public. Il étoit encore bien aifé de faire évader le coupable de l'Eglife où il avoit pris fon azile, quand la partie refufoit d'entendre à une tranfaction que l'Evêque jugeoit équitable.

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Le fecond Canon du Concile d'Orleans dit: » Tout ravisseur qui fe fera réfugié dans les aziles de l'Eglife, y amenant avec » lui la perfonne qu'il aura ravie, fera tenu, s'il paroît qu'elle » ait été enlevée contre fon gré, de la mettre incontinent en pleine liberté ; & après qu'on aura pris les furetés convenables » pour empêcher que le raviffeur ne foit puni de mort, ni d'aucune peine afflictive, il fera remis entre les mains de celui qui aura été lezé par le rapt, pour être fon efclave. Mais fi la perfonne ravie a été enlevée de fon bon gré, elle ne fera re>> mife au pouvoir de fon pere, qu'après qu'il lui aura pardonné, » & le raviffeur, s'il n'eft pas d'un état égal à celui de ce pere, » fera tenu de lui donner une fatisfaction.

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»

L'Efclave, qui pour quelque fujet que ce foit, fe fera retiré Troisiéme » dans les aziles de l'Eglife, ne fera remis entre les mains de fon Canon. » maître, qu'après que ce maître aura juré de lui pardonner. Si » dans la fuite le maître châtie fon efclave en haine du délit par>> donné, que l'infracteur de fon ferment foit réputé excommunié, & qu'on l'évite comme tel. Que d'un autre côté il foit permis au maître, qui aura fait entre les mains des Eccléfiafti» ques, le ferment de pardonner à son esclave, de tirer par force » de l'Eglife cet efclave, s'il refufoit après cela de fuivre volon»tairement fon maître. Nonobftant l'abus énorme qu'on faifoit tous les jours du droit de donner azile aux criminels contre la Justice, ce droit n'a pas laiffé d'être exercé jufques dans le feiziéme fiecle. Les predeceffeurs de François premier avoient été obligé à fe contenter de le reftraindre autant qu'il avoit été poffible, mais ce Prince vint enfin à bout d'abolir dans fon Royaume le droit de pouvoir donner aucun azile contre les Ministres de la Justice, aux perfonnes qu'ils poursuivent.

Quelle confidération la derniere loi que nous avons rapportée, ne devoit-elle pas, dans une focieté politique où la fervitude avoit licu, donner à ceux qui étoient les difpenfateurs de cette loi? Il n'eft donc pas étonnant que les Eccléfiaftiques euffent⚫ alors un fi grand crédit. Les Laïques étoient tous les jours obligés d'avoir recours à eux, même pour des interêts temporels: Et d'un autre côté, les immunités & les privileges des Eccléfiaftiques fe trouvoient être en fi grand nombre, que le Prince étoit réputé perdre en quelque façon celui de fes Sujets qui fe faifoit d'Eglife. Voilà pourquoi un Laïque ne pouvoit, fans la permiffion expreffe de fon Souverain, entrer dans l'Etat Eccléfiaftique. Le quatriéme Canon de notre Concile d'Orleans ftatue fur ce point-là, ce qu'on ya lire.

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(a) » Quant à l'entrée dans la cléricature, nous ordonnons qu'aucun Citoyen laïque ne pourra être admis à cet état, » fans un ordre du Roi, ou fans le confentement du Juge du » diftrict dont fera l'Ordinant; bien entendu néanmoins, que » ceux dont les peres, les ayeuls, & les bifayeuls ont toujours » vêcu dans la cléricature, continueront d'être fous la puiffan» ce des Evêques, à la jurisdiction defquels ils demeureront >> foumis.

Suivant l'apparence, ce qui eft dit dans ce Canon: Que perfonne ne puiffe être admis à la cléricature, fans un ordre du Roi, ou fans le confentement du Juge, fignifie que les Francs ne pourront point y être admis, fans un ordre exprès du Roi, mais que les Romains y pourront être admis fur la fimple permiffion du Sénateur qui faifoit la fonction de premier Magiftrat dans leur Cité. On voit bien que le motif qui avoit engagé les Peres du Concile d'Orleans à ftatuer concernant les Francs, ce qui étoit statué dès le tems des Empereurs concernant les foldats, étoit l'interêt general de la Patrie, & le refpect dû au Souverain. Cette loi ne regardoit-elle pas auffi les Soldats Romains qui fervoient fous Clovis ? Je le crois ; c'eft tout ce que j'en puis dire. Ce qui eft certain, c'est que dans le tems que Marculphe a compilé fes Formules, c'est-à-dire, fous les derniers Rois de la premiere (b)

(a) De ordinationibus Clericorum id ob- | fervandum effe decrevimus, ut nullus fæcularium ad clericatûs officium præfumat accedere, nifi aut cum Regis juffione, aut cum judicis voluntate, ita ut filii Clericoram, id eft, patrum, avorum ac proavorum, quos in fupra dicto ordine parentum conftat obLervationi fubjunctos, in Epifcoporum po

teftate & jurifdictione confistant.

Conc. Aurel. primo, Canone quarto. (b) Praceptum de Clericatu...... Igitur ille veniens ad præfentiam noftram, Fetiit ferenitati noftræ, ut ei licentiam tribuere deberemus, qualiter comam capitis fui, ad onus Clericati deponere deberes. Marcul. lib. prim. For. xix.

Race,

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