prirent, la divifion du Royaume de Clovis fe fit en attribuant à chacun de fes quatre fils un certain nombre de Cités feparées l'une de l'autre, &, pour ainfi dire, éparpillées dans toutes les Provinces des Gaules. On verra par plufieurs paffages de Gregoire de Tours & d'autres anciens Ecrivains, qui feront raportés dans la fuite; que Thierri qui avoit dans fon lot des Villes fituées fur le Rhin, & tout ce que les Francs tenoient au de-là de ce fleuve, jouiffoit en même tems de plufieurs Cités dans les deux Aquitaines. Il jouiffoit, par exemple, de l'Auvergne, où nous avons déja vû qu'il fit élire Evêque Quintianus. Nous fçavons un peu plus de détails concernant le Partage de Childebert, & ces détails prouvent encore mieux que les Cités de fon Partage étoient éparfes & comme emboitées entre les Cités des autres Partages. Pour mettre au fait de ces détails, il faut ici dire d'avance, que Clotaire fils de Clovis avoit réuni fur fa tête lorfqu'il mourut en cinq cens foixante & un tous les Partages de fes freres, parce qu'il avoit furvêcu à ces Princes & à leur postérité mafculine.

(a) Or voici, fuivant Gregoire de Tours, ce qui arriva quand Clotaire fut decedé, & qu'il fallut divifer fon Royaume entre Charibert, Gontran, Chilpéric & Sigebert fes quatre garçons & fes fucceffeurs: >> Clotaire avoit laiffé un riche tréfor dans » fon Palais de Braine. Dès qu'il fut inhumé, Chilpéric l'un de » fes fils s'en faifit. Il l'employa pour mettre dans fes interêts » ceux d'entre les Francs qui avoient le plus de crédit, après » quoi il entra dans Paris, & s'affit fur le Trône du Roi Chil» debert premier, frere du Roi Clotaire. Chilperiç ne fut pas long tems en poffeffion de cette Ville, car fes trois freres s'étant ligués contre lui, ils l'obligerent d'en fortir. Enfin les qua» tre freres Charibert, Gontran, Chilpéric & Sigebert convin» rent de faire entr'eux un partage légal de toute la Monarchie Françoife que leur pere Clotaire poffédoit en entier à fa morr. » En confequence le fort donna à Charibert le Partage qu'avoit » eu Childebert premier, & dont le Siege étoit à Paris. Le lot

(a) Chilpericus verò poft patris funera, thefauros qui in villa Brennaca erant congregati accepit, & ad Francos utiliores petiit, ipfofque muneribus molitos fibi fubdidit. Et mox Parifius ingreditur, fedemque Childeberti Regis occupat, fed non diu hoc illi licuit poffidere. Nam conjuncti fratres ejus eum exinde repulere, & fic inter fe hi quatuor, id eft, Charibertus, Guntchram

nus, Chilpericus atque Sigebertus divifionem legitimam faciunt. Deditque fors Chariberto regnum Childeberti, fedemque habere Parifius. Guntchramno verò regnum Chlodomeris, ac tenere fedem Aurelianenfem; Chilperico verò regnum patris ejus, cathedramque Sueffionis: Sigeberto habere quoque regnum Theodorici, & fedem habere Metenfem. Gr. Tur. Hift. lib. 4. cap. 22.

» de

» de Gontran, ce fut le Partage dont Orleans étoit la Capitale particuliere, & qui avoit appartenu à Clodomire. Chilpéric » cut pour le fien, les Etats que fon pere Clotaire avoit eus à » la mort de Clovis, & dont la Capitale étoit Soiffons. Le Par»tage qu'avoit eu Thierri à cette mort, & dont Mets étoit la Capitale, échut à Sigebert le dernier des fils du Roi Clo»taire. « Quand Gregoire de Tours dit ici que Childebert eut le Partage dont le Trône étoit à Paris, il n'entend point dire que laVille de Paris apartînt à Childebert, quoiqu'il y fit fa réfidence, mais feulement que le domaine du Plat-Pays de la Cité de Paris étoit dans le lot de ce Prince; ce qui emportoit en quelque façon, le droit d'y faire fon féjour. On a vû déja que la Souveraineté de la Ville de Paris ne fut point mife dans aucun lot, & qu'il fut convenu que les Compartageans, la posféderoient par indivis.

Le paffage qui vient d'être rapporté nous apprend donc que le Partage qui échût en cinq cens foixante & un à Charibert, étoit le même que le Partage échû à Childebert à la mort de Clovis en cinq cens onze. Or cette connoiffance nous conduit jufques à fçavoir à peu près en quoi confiftoit le Partage de Childebert fils de Clovis. En voici la raison : Charibert étant mort fans garçon en cinq cens foixante & fept, il y eut difpute concernant la répartition de fon Partage entre fes trois freres. Sigebert & Gontran eurent à ce fujet des contestations qui ne finirent qu'après la mort de Sigebert. Après cette mort, le jeune Childebert fon fils & fon fucceffeur, affifté de la Reine Brunehaut fa mere, tranfigea fur toutes ces conteftations avec Gontran dans le Traité fait à Andlau, & dont nous avons déja parlé. Il y eft dit : (4) » Le Roi Gontran gardera toute la part » & portion de la fucceffion de Charibert, laquelle, lui Gontran a poffedée du vivant du Roi Sigebert; & en outre, » il aura encore le tiers de la Ville de Paris, lequel aparte» tenoit à Charibert, & qui depuis, en vertu d'un Pacte de » famille, avoit appartenu à Sigebert. Gontran aura encore (4) Ut in illam tertiam partem de Parifien- Domino Sigiberro de regno Chariberti anfi civitate cum terminis & populo fuo, quæ tea tenuit, debeant perpetualiter permanere. ad Domnum Sigibertum de regno Chariber- Pari conditione civitates Meldis & duas porti confcripta pactione convenerat tiones de Silvanectis, Turonis, Pictavis, Caftellis Duno, Vindocino & quidquid de Abrincatas, Vico Julii, Conforanis, Lapago Stampenfi, vel Carnoteno in pervio purdo & Albige, Domnus Childebertus Rex illo antefatus Rex cum terminis & populo fux vindicet poteftati. fuo perceperat in jure & dominatione Domni Guntchramni, cum co quod fuperftite Tome II.

cum

Gr. Tur. hift. libro 9, cap. 20,

LI

» de plus les lieux de Châteaudun, de Vendôme, & tout ce >> que le fufdit Charibert poffédoit dans le canton d'Eftampes » & dans la Cité de Chartres. De fon côté le Roi Childe»bert le jeune aura la Cité de Meaux, la moitié dans celle » de Senlis, la Touraine, le Poitou, Avranches, Aire, ConGreg. Tur. ferans, Bayonne & l'Albigeois. « Grégoire de Tours nous Hift. Lib. 3. apprend encore dans un autre endroit, que Bourges étoit dans ce même lot. On voit par-là combien les Cités du Partage de Childebert premier qui étoit de même nature que celui de Thierri, de Clodomire & de Clotaire fes freres, étoient entrecoupées par celles des autres Partages.

ch. 12.

Je ferai donc obferver, pour tenir la promeffe que j'ai faite dans le dix-huitiéme Chapitre du quatrième Livre, que Charibert qui, comme on vient de le voir une page plus haut, avoit eu le Partage de Childebert le fils de Clovis, ce Partage dont Paris étoit la Capitale particuliere, n'avoit cependant lors qu'il mourut, qu'un tiers dans la Souveraineté de la Ville de Paris, & que cela fuffit pour montrer qu'à la mort de Clovis, & quand le Royaume qu'il laiffoit fut partagé entre Childebert & fes freres, on n'avoit pas mis la Ville de Paris dans aucun lot, mais qu'il avoit été convenu entre ces Princes, que les Compartageans la poffederoient par indivis.

On m'objectera peut-être, que fuivant mon fystême, Childebert ne devoit avoir qu'un quart, & non pas un tiers dans la Souveraineté de la Ville de Paris, puifque le Royaume de Clovis fut partagé entre les quatre fils qu'il laiffoit. La réponse est facile. Childebert, il eft vrai, n'aura eu qu'un quart dans cette Souveraineté à la mort de fon pere, mais après la mort de Clodomire, Childebert fon frere aura partagé avec fes freres furvivans le quart de Clodomire. Ainfi Childebert fe trouva quand il mourut, avoir non plus un quart, mais un tiers dans la Sou

veraineté de Paris.

Dans la fuite, & lorfque l'expérience eut enfeigné de quelle confequence il étoit pour tous les Rois Francs, qu'aucun d'eux ne s'appropriât la Ville de Paris, les Rois petit-fils de Clovis, en vinrent jufques à ftipuler dans quelque nouveau Pacte de famille; que celui d'entr'eux qui mettroit le pied dans Paris fans le confentement des autres, perdroit la part & portion qu'il y auroit, & chacun d'eux fit, en promettant d'obferver cet engagement des imprécations contre lui-même, fi jamais il étoit affez témeraire pour l'enfreindre. Auffi Chilperic petit-fils de Clo

vis, & l'une des Parties contractantes voulant entrer dans la Ville de Paris, fans en avoir encore obtenu la permiffion des autres, & fans encourir néanmoins les peines portées dans le Paête de famille, imagina-t-il un expédient bien conforme au génie du fixième (a) fiècle. Il entra dans Paris la veille de Pâques, à la fuite d'une Proceffion où l'on portoit plufieurs Reliques.

Qu'une Ville fut partagée entre plufieurs Rois, on n'en fçauroit douter après ce qu'on vient de lire. Néanmoins je rapporterai encore ici un paffage de Gregoire de Tours qui fait mention d'une de ces divifions. (b) » Après que Childebert le jeune

eut fait fa paix avec fon oncle Chilpéric, il envoya des Am» baffadeurs à Gontran qui étoit aufli fon oncle, & ces Am» baffadeurs avoient charge de lui dire: Notre Roi vous prie » de lui délaiffer fa moitié dans la Ville de Marfeille, laquelle » moitié vous lui aviez remife à la mort de Sigebert fon pere, » & dont neanmoins vous vous êtes remis depuis en pof»feffion. Si vous refufez de lui reftituer cette partie de fon bien, » il ufera de reprefailles, & il vous enlevera plus que vous ne » lui retiendrez. Gontran qui ne vouloit pas rendre ce qu'on » lui redemandoit, coupa toute communication entre les autres »Etats de Childebert & Marfeille, en ordonnant dans les pays » de fon obéiffance qu'on n'y laiffat point paffer aucune perfon» ne fufpecte. Ce démêlé aura été un de ceux qui furent affoupis par le Traité d'Andlau.

voir

Les inconvéniens d'un partage tel que celui dont nous avons rapporté le plan, font trop fenfibles croire que pour les quatre enfans de Clovis ne les euffent pas prévûs, dans le tems même qu'ils en convinrent: Pouvoient-ils, par exemple, ne pas qu'après un pareil partage, chacun d'eux ne pouvoit communiquer avec plufieurs des Cités qui feroient dans fon lot, qu'en prenant paffage fur le territoire d'autrui, où elles étoient comme enclavées, & que Thierri, par exemple, ne pouvoit dans

(6) Childebertus vero poftquam cum Chilperico pacificatus eft, Legatos ad Guntchramnum Regem mittit, ut medietatem Maffiliæ quam ei poft obitum patris fui dederat, reddere deberet. Quod fi nollet, noverit fe multa perditurum pro partis illius detentione. Sed ille cum hæc reddere nollet, vias claudi præcepit, ut nulli per regnum ejus tranfeundi aditus panderetur. Gr. Tur. hift. Lib. 6. cap. 11.

un tems où le Royaume des Bourguignons fubfiftoit encore, aller de Rheims, ou de Mers qu'il deftinoit pour être le lieu de fon féjour ordinaire, dans l'Auvergne, qu'en traversant une partie des Etats de Clodomire, & une partie des Etats de Clotaire. Mais nos Princes s'étoient foumis à cet inconvenient pour en éviter un plus grand: celui qu'un ou deux des quatre freres devinffent les maîtres de faire la loi aux autres; & c'est ce qui feroit arrivé, fi deux d'entr'eux avoient eu dans leurs partages toutes les Cités qui font entre le Rhin & la Loire, parce que c'étoit-là que la plupart des Francs abfolument dits, & la plûpart des Francs Ripuaires s'étoient habitués.

Cet inconvénient paroiffoit fi fort à craindre à nos Princes, que Childebert, Clotaire premier fon frere, & Theodebert le fils de Thierri, fuivirent fe plan de partage fait à la mort de Clovis, lorfqu'ils diviferent entr'eux vers cinq cens trente-quatre le pays tenu par les Bourguignons, qu'ils venoient de fubjuguer. Chacun de ces trois Princes y cut fa portion qu'il garda fans l'échanger contre aucun des Etats que fes Compartageans poffedoient déja, quoique cela dût être convenable. Mais comme ils avoient pour principe dans leur premier partage d'attribuer à chacun une portion de la Milice des Francs égale à la portion des autres, ils eurent auffi pour principe, en partageant le païs des Bourguignons après l'avoir conquis, de divifer également. entr'eux la Milice des Bourguignons qui, de même que les Francs n'étoient pas domiciliés en nombre égal dans des Cités qu'ils n'avoient occupées qu'en des tems differens.

que

Nos trois Princes, Childebert, Clotaire premier, & Theodebert en uferent encore de la même maniere, lorfqu'il fut ftion de partager entr'eux la portion des Gaules que les Oftrogots leur cederent vers cinq cens trente-fix. On vient de voir plufieurs faits qui le prouvent, & entr'autres, que Childebert le jeune avoit dans fon Partage une portion de la Ville de Marfeille, l'une des Villes délaiffées aux Francs par les Ostrogots, tandis qu'une autre portion de cette Ville étoit dans le partage du Roi Gontran. C'est ce que nous expoferons plus au long quand il en fera tems.

Le partage de la Monarchie Françoife fait à la mort de Clotaire prémier, aura été, à ce que je crois, le dernier partage de ceux qui furent faits par des enfans du Roi défunt, où l'on ait fuivi le plan que nous avons expliqué. Dans les partages cette nature qui fe firent enfuite, la Monarchie fut divifée en

de