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corps d'Etats moins réguliers, c'eft-à-dire, compofés de Cités contigues.

Je reviens au partage fait entre les enfans de Clovis. Bien que les quatre Royaumes fuffent plûtôt les membres d'une même Monarchie, que quatre Monarchies differentes & étrangeres, l'une à l'égard de l'autre, il n'y avoit néanmoins, & nous l'avons vû déja en parlant de l'indépendance où les Rois des Francs contemporains de Clovis, étoient de lui, aucune fubordination entre les quatre fils de ce Prince. Chacun d'eux regnoit à fon gré fur les Cités comprises dans fon Partage. Chacun d'eux gouvernoit fon Royaume en Souverain indépendant. Quoique Childebert eût dans fon lot apparemment le Plat - Pays de la Cité de Paris, & qu'il tînt fa Cour dans la Capitale de la Monarchie, on ne voit pas qu'il eût aucune autorité fur fes freres, ni aucune inspection fur leur adminiftration. En effet, comme il n'étoit, fuivant l'ordre de la naiffance, que le troifiéme d'entr'eux, on n'auroit pas mis le Plat-Pays de Paris dans fon lot, fi la poffeffion du Domaine de Paris qui emportoit le droit d'y faire fon féjour, eut attribué à celui qui en avoit la jouissance, quelque droit de fuperiorité fur fes freres. Il est à croire néanmoins, comme nous l'avons infinué déja, que la jouiffance des Domaines de la Cité de Paris aura fait penfer à Childebert qu'il étoit en droit de s'arroger quelque direction ou infpection particuliere fur les Confeils & fur les Affemblées qui fe tenoient à Paris, pour y traiter des affaires & des interêts géneraux de la Monarchie. Il eft même probable que cette prétention aura été cause de la précaution que les Rois fils de Clotaire premier, & neveu de Childebert, prirent dans la fuite, en interdifant à tous les Rois de faire leur féjour dans la Ville de Paris, & même d'y entrer fans le confentement exprès de leurs Compartageans.

Quoique les Cohéritiers furvivans, ou leurs fils euffent droit d'hériter du Partage qui devenoit vacant par faute de postérité mafculine dans la ligne directe du dernier poffeffeur, ils n'avoient pas plus de droit d'entrer en connoiffance de la geftion du poffeffeur actuel, qu'en a un neveu d'entrer en connoiffance de la maniere dont un oncle, duquel il est l'héritier présomptif, adminiftre fes biens libres.

L'âge même ne donnoit aucun gente de fupériorité à un Roi fur un autre Roi. Il ne paroît pas non plus que le frere qui furvivoit à fon frere, fut, fuivant le Droit public de la Monar

chic, réputé devoir être le Tuteur des enfans mineurs que le frere mort avoit laiffés. S'il fe trouve qu'après la mort de Chilpéric & de Sigebert fils de Clotaire premier (a), les ferviteurs de Gontran leur frere foutenoient que la tutelle des enfans que nos deux Rois avoient laiffés, devoit appartenir à Gontran, & qu'il devoit gouverner toute la Monarchie, ainfi que Clotaire premier la gouvernoit en cinq cens foixante & un, qu'il mourut, ces ferviteurs ne s'appuyoient point fur la raison que Charibert étant mort dès cinq cens foixante & fept, les neveux de Gontran n'avoient plus d'autre oncle paternel que Gontran, qui devoit être ainfi Tuteur naturel de fes neveux. Les Partisans de Gontran alléguoient une autre raison c'est : que Gontran ayant adopté fes neveux les fils de Chilpéric & les fils de Sigebert, il devoit avoir en qualité de leur pere, l'adminiftration de leur bien pendant leur minorité.

Enfin nous avons montré dans l'endroit de cet Ouvrage où il s'agiffoit d'établir que les Rois Francs contemporains de Clovis étoient indépendans de lui, que les Sujets d'un des Partages de fes enfans, n'étoient réputés Regnicoles dans un autre de ces Partages, qu'en vertu des conventions expreffes & pofitives faites à ce fujet, & inferées dans les Traités conclus entre les Princes à qui ces Partages appartenoient.

Dès qu'ils n'étoient, dira-t'on, que les membres de la même Monarchie, & que le Partage où il avenoit faute du Partagé & de fa pofterité mafculine, étoit de droit réverfible aux autres, pourquoi le Droit public de la Monarchie, qui devoit avoir le Salut du Peuple pour premier fondement de toutes fes Loix, ne ftatuoit-il pas le contraire, & ne rendoit-il pas tous les Sujets de la Monarchie Regnicoles dans tous & chacun des Partages? Pourquoi laiffer un point d'une fi grande importance pour l'union & la confervation de la Monarchie, à la difcretion des Rois? Je tombe d'accord que cela aura dû être ainfi; mais il ne s'agit point de ce qui auroit dû être il s'agit de ce qui étoit. La Jurifprudence qui regle les droits des Souverains & les droits des Sujets pour le plus grand avantage d'une Monarchie en géneral, n'étoit alors gueres connue des Francs. D'ailleurs, & c'eft ce que nous expoferons encore plus au long dans la fuite,

(4) Nos vero hæc rurfum Civibus & Epifcopo mandata remifimus, quod nifi fe ad tempus Guntchramno Regi fubderent, fimilia paterentur, afferentes hunc effe nunc paerem fuper filios Sigiberti fcilicet & Chilpe

rici, qui ei fuerint adoptati, & fic tenere regni principatum, ut quondam Chlotarius pater ejus fecerat.

Gr. Tur. Hift. libro 7. cap. 13.

premiere conftitution de la Monarchie Françoife n'a point reçû la forme en vertu d'aucun plan conçu dans de bonnes têtes, & arrêté après de profondes reflexions. Ce furent les convenances & le hazard qui déciderent de la premiere conformation de cette Monarchie. Nous trouverons encore dans fa premiere constitution bien d'autres vices que celui dont nous venons de parler.

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Il fe prefente ici naturellement une question. On a vû que lorfque Clovis mourut, Clodomire, l'aîné des trois fils qu'il avoit de la Reine Clotilde, & qui étoient actuellement vivans, ne pouvoit avoir gueres plus de dix-fept ans. Par confequent Childebert n'avoit au plus que feize ans, & Clotaire n'en avoit que quinze. Qui aura gouverné les Etats de ces trois Princes jufqu'à leur majorité ? Avant l'Edit de Charles V. qui déclare nos Rois Majeurs' dès qu'ils ont atteint la quatorzième année de leur âge, ces Princes, ainfi que leurs grands Feudataires, n'étoient Majeurs qu'à vingt & un an, & l'on peut croire que ce premier ufage, dont on ne connoît point l'origine, est auffi ancien que la Monarchie.

Les monumens de notre Hiftoire ne contiennent rien qui fourniffe de quoi répondre à la queftion. Autant qu'on peut conjecturer, la Reine Clotilde, qui avoit & tant de fageffe & tant de credit, aura gouverné les Etats de fes fils jufqu'à leur majorité. Ce qui peut fortifier cette conjecture, c'eft, comme nous le verrons, qu'après la mort de fon fils Clodomire, elle éleva auprès d'elle les Princes fes petits-fils, que leur pere avoit laiffés encore enfans, & que durant ce tems-là elle avoit l'administration du Royaume fur lequel ils devoient regner. Elle a bien pû faire pour les fils la même chofe qu'elle fit dans la fuite pour les petits-fils. Il eft vrai que Gregoire de Tours dit que cette Princeffe fe retira au tombeau de Saint Martin après la mort de Clovis, & qu'elle alloit rarement à Paris; mais on peut interpréter ce récit, & entendre qu'elle s'y retira feulement après qu'elle eut remis fes fils, devenus Majeurs, le gouvernement des États qui leur appartenoient, & que depuis elle ne quitta jamais fa retraite que malgré elle. En effet, on voit par plusieurs endroits de l'Hiftoire de Gregoire de Tours, dont nous rapporterons quelques-uns, que cette Princeffe, toute détachée du monde qu'elle étoit, ne laiffa point d'avoir la principale part dans la guerre que fes fils entreprirent contre les Bourguignons, & dans d'autres évenemens confiderables. On voit encore dans

l'Hiftoire de Gregoire de Tours, que lorfque les enfans de Clodomire furent maffacrés, cette Princeffe fe trouvoit actuellement à Paris.

La fageffe & la capacité de la Reine Clotilde auront donc maintenu la tranquillité dans les Etats de Clovis après sa mort. Si quelques parens des Rois Francs dont ce Prince avoit occupé le Trône, ou fi quelques Romains mécontens, y exciterent des troubles, on peut croire que du moins ces troubles n'eurent pas de grandes fuites, puifque l'Hiftoire n'en fait aucune mention. Quant aux Puiflances voifines de la Monarchie de Clovis, il paroît que les Bourguignons & les Turingiens n'entreprirent rien à l'occafion de la mort de ce Prince; car, ainfi que nous le verrons, c'étoit avant cette mort que les derniers s'étoient emparés d'une partie de l'ancienne France.

Il n'en fut pas ainfi des Gots, qui fe mirent certainement en devoir de tirer avantage de la mort de Clovis, & qui recouvrerent réellement quelque portion du Pays que ce Prince avoit conquis fur eux (a) après la bataille de Vouglé. Suivant les apparences, ç'aura été dans ce tems-là que les Vifigots feront rentrés dans Rodez, & qu'ils auront, comme on l'a dit, obligé Quintinianus à s'exiler de fon Diocèse pour la feconde fois. Mais il feroit trop difficile, & même ayant l'objet que nous avons, il feroit inutile d'entrer dans la difcuffion de ce que les Vifigots recouvrerent alors & de ce que les Francs reconquirent fur eux en cinq cens trente & un, en cinq cens trentetrois, & dans des tems postérieurs à ces années-là. Ainfi, fans entrer dans le détail de ces viciffitudes, je me contenterai de donner à connoître quelles étoient enfin dans le feptiéme fiécle, les bornes de la Monarchie Françoise du côté du territoire des Vifigots, en donnant l'état de toutes les Cités des Gaules, qui pour lors étoient encore en leur pouvoir, & qu'ils garderent jufqu'à ce que les Sarrafins les conquirent. Comme tout ce que Vifigots ne tenoient point dans la partie des Gaules comprise entre la Loire, l'Océan, les Pyrenées, la Mediterranée & le Rhône, étoit tenu par les Francs; dire ce que les Vifigots y occupoient, c'eft dire fuffifamment ce que les Francs y poffedoient.

les

Voici donc ce qu'on trouve concernant le fujet dont il s'agit dans un Manufcrit autentique, & qui contient l'Etat prefent de la Monarchie des Visigots, dressé par ordre de leur Roi Vamba,

(4) Gothi vero qui poft Chlodovei mortem, multa de iis quæ is acquifierat pervafiffent. Greg. Tur. Hift. lib. 3. cap. 28.

qui parvint à la Couronne l'année fix cens foixante & fix de l'Ere Chrétienne.

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» (4) Vamba après avoir défait plufieurs armées des Francs, » contraignit la Province des Gaules qui lui appartenoit, & qui s'appelle l'Espagne Citérieure, à porter avec patience le joug qu'elle avoit tâché de fecouer. Dès qu'il fut revenu triomphant » à Toléde, il se mit en devoir d'accommoder les differends des Evêques, qui s'accufoient réciproquement d'avoir ufurpé des » Paroiffes appartenantes à d'autres Diocèfes que le leur. Pour » connoître donc exactement quelles devoient être les bornes » du diftrict de chaque Siége, Vamba fe fit lire les Annales » des Rois fes prédeceffeurs, & il s'inftruifit par-là de ce qui appartenoit d'ancienneté à chacune de ces Eglifes. « Le Manufcrit rapporte après cet exposé, l'état particulier de chaque, Diocèfe; mais nous nous contenterons de marquer ici que les Cités des Gaules dont il y eft fait mention, comme appartenantes actuellement aux Vifigots, font Narbonne, Beziers, Agde, Montpellier, Nîmes, Lodéve, Carcaffonne & Perpignan. Nous fupprimerons encore comme inutile ce que notre Manufcrit, dont Monfieur Duchefne a donné un Fragment, dit, concernant les bornes particulieres de ces huit Diocèfes. Nous avons déja vû que les Vifigots les conferverent jufqu'à l'invasion de l'Espagne par les Maures, & tout le monde fçait que ce fut fur ces derniers que les Princes de la feconde Race de nos Rois, les conquirent.

Peut-être que ce fut auffi dans l'efperance de profiter de la confufion dont la mort de Clovis fembloit menacer les Gaules, que le Roi des Danois y vint faire une defcente. Gregoire de Tours qui finit le fecond Livre de fon Hiftoire à la mort de Clovis, écrit dans le troifiéme Chapitre de fon troifiéme Livre. » Cochiliac s'étant embarqué (6) avec les Danois ses Sujets,

(a) Erat feptingentefima quarta poft Re- | cefvindum Vamba Rex Gothorum regnum fuum novem annos obtinuit. ... Provinciam quoque Galliæ quæ Hifpania citerior dicitur fibi rebellantem multis agminibus Francorum interceptis fubjugavit, & ad urbem Toletanam cum triumpho magno reversus, difcordefque Pontifices eo quod alii aliorum parochias invadebant, ad concordiam ftuduit revocare. Fecit & Chronicas Regum priorum coram fe legere ut facilius poflet terminos parochiarum dividere, ficut antiquitas denotaret & exigeret juris cenfura & jure proTome 11.

pria quælibet Ecclefia poffideret, ficut fubjecta denotat fcriptura. Narbona Metropoli fubjacent ha fedes. Bitteris, Agatha, Magalona, Nemaufus, Luteva, Carcassona, Elna. Du Chefne, tom. pr. pag. 834.

(b) Dani cum Rege fuo Cochiliaco eve&tu navali per mare Gallias adpetunt : Egreffique ad terras Pagum unum de regno Theodorici devaftant atque capiunt, oneratifque navibus tam de captivis quam de reliquis fpoliis, reverti ad patriam cupiunt, fed Rex corum in litus refidebat donec naves altum mare comprehenderent, ipfe dein

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