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Gaules le même crédit que fon Prédeceffeur, dont l'autorité avoit été reconnue par Clovis lui-même. D'ailleurs Saint Avitus Evêque de Vienne, dont Sigifmond étoit le profélyte, & qui l'année cinq cens avoit rendu de fi grands fervices aux Bourguignons, étoit mort dès l'année cinq cens vingt-deux. Ce qui me le fait préfumer ainfi, c'eft que nos meilleurs Critiques, après avoir difcuté en quelle année mourut ce grand homme, difent, que ce qu'il eft poffible d'établir de plus précis fur l'année de fa mort, c'eft qu'elle doit être arrivée au plutôt en cinq cens vingt-deux, & au plûtard en cinq cens vingt-huit. Or j'ai deux raifons de convenance pour croire qu'elle foit arrivée dès cinq cens vingt-deux. La premiere eft, que ce Prélat auroit empêché, s'il eût encore été en vie, Sigifmond de traiter fon propre fils, comme nous allons voir qu'il le traita cette année-là. La feconde eft, que fi Avitus ne fut pas mort avant cinq cens vingttrois que commença la des enfans de Clovis contre les guerre Bourguignons, il en feroit dit quelque chofe dans fes Ouvrages, il feroit fait du moins quelque mention de lui dans les Auteurs qui ont parlé de cette guerre.

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Quoiqu'il en ait été, la mort la plus funefte aux affaires de Sigifmond, fut celle de fon fils Sigéric (a) qu'il fit périr en cinq cens vingt-deux. Voici comment Gregoire de Tours raconte cette tragique avanture. (b) Sigifmond avoit épousé en pre>> mieres nôces Oftrogothe la fille de Theodoric Roi d'Italie, » & il en avoit cu un fils nommé Sigéric. Après la mort de » cette Princeffe, Sigifmond époufa une femme qui avoit été à » elle. Il étoit naturel que la nouvelle Reine eût pour Sigéric les.fentimens ordinaires des marâtres, & ce Prince les aigrif» foit encore par fa conduite. Un jour qu'il la vit revêtue d'une » robbe précieufe que la feue Reine avoit portée, & qu'il la » reconnut, il lui reprocha qu'elle ofoit fe parer des vêtemens » d'une Princeffe dont elle avoit été la domeftique. La bellemere réfolut de fe venger de cette infulte, & pour cet effet » elle irrita le Roi fon mari contre Sigéric: Votre fils, lui ditelle, a deffein de fe défaire de vous pour fe rendre maître de vos Etats, & pour les joindre un jour à ceux que fon grand» pere Theodoric poffede en Italie. Il eft fi connu que vous

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(a) Symmacho & Boëtio. His Confulibus Sigericus filius Sigifmundi Regis juffu patris fui injufte occifus eft.

Mar. Avent. Chr. ad ann. 522.
(b) Sigifmundus perdita priori conjuge

filia Theodorici Regis Italiæ de qua filium habebat nomine Sigericum, aliam duxit uxorem quæ valide contra filium ejus, ficut Novercarum mos eft, malignari, ac scandalizari cæpit. Gr. Tur. hift. lib. 3. cap. 5.

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que

» êtes aimé tendrement de vos Sujets, que Sigéric ne fçauroit
» avoir formé le projet d'une ufurpation, qu'il n'ait conçu en
» même tems le deffein d'un parricide. Sigifmond fut aveuglé
" par les artifices que la Reine mit en œuvre pour lui faire
ajouter foi à les rapports & lui-même il commit un crime.
qui n'étoit
gueres moindre le crime dont on lui faifoit
» craindre d'être la victime. Le fils tandis qu'il dormoit après
»le dîner fut étranglé par les ordres de fon pere.Sigéric avoit
» à peine rendu les derniers foupirs, que Sigifmond fe repentit
» de fon crime. Il fe jetta fur le corps de fon fils, & l'embraf-
»fant tendrement, il le mouilloit de fes larmes, comme pour
» lui demander pardon. On affure qu'un des vieux fervi-
»teurs de ce pere infortuné lui dit en le trouvant dans ce
tranfport de douleur: Ne pleurez point Sigéric, il eft mort
» innocent. C'eft fur vous-même que vous devez pleurer. Si-
gifmond fe retira quelques jours après à Saint Maurice en Va-
lais pour y faire penitence de fon crime, & il y fonda un Ser-
vice divin célébré fucceffivement par differens Chœurs de Chan-
tres, qui fe relevoient les uns les autres, de maniere que le Ser- nis.
vice ne ceffoit jamais, parce qu'il fe faifoit toujours quelque
Office dans l'Eglife. Je dirai par occafion, qu'il y avoit alors
dans les Gaules plufieurs Monafteres où le Service Divin étoit
celébré fans aucune difcontinuation. Le relâchement des Ec-
cléfiaftiques a depuis plufieurs ficcles aboli cer ufage. Il paroif-
foit fi beau au Pape Sixte-quint, dont l'ame étoit élevée & les
fentimens pleins de grandeur, qu'il étoit prêt lorfqu'il mourut,
à faire une fondation pareille à celle de Sigifmond. Ce Pape le
plus noble de tous les Papes des deux derniers fiécles, vouloit
faire édifier au milieu de l'arêne, ou de la place du Colifée,
lieu du martyre d'un fi grand nombre de Chrétiens, une Eglife,
où les Religieux de quatre Couvens qu'on devoit bâtir fous les
portiques & dans les autres dégagemens de ce fuperbe amphi-
theatre, auroient célébré fucceflivement un Office Divin qui
n'eût jamais discontinué.

Après que Sigifmond eut demeuré quelque tems dans le Monaftere de Saint Maurice, il revint à Lyon, & une fille qui lui reftoit de fon mariage avec Oftrogothe, époufa le Roi Thierri le fils aîné de Clovis. On peut juger à quel point le Roi des Oftrogots dût être aigri contre Sigifmond, lorfqu'il apprit le traitement fait à Sigéric. Ainfi les Francs ne pouvoient pas prendre une conjoncture plus favorable pour attaquer le Roi des Bourguignons.

Laus peren

Quoiqu'il y eut déja en cinq cens vingt-trois où nous fommes, près de quarante ans que Gondebaud avoit fait mourir Chilpéric pere de fainte Clotilde, & fait jetter dans un puits la mere & les freres de cette Princeffe, elle confervoit encore néanmoins un vif reffentiment de toutes ces cruautés, dont elle n'avoit point pû jufques-là tirer vengeance. Mais lorsqu'elle vit l'Evêque de Vienne mort, & Sigifmond odieux également à fes Sujets, & à Theodoric, elle crut que le tems de se montrer fidelle à fes devoirs & de tirer raifon de fes injures par les voyes permises aux Souverains, étoit enfin arrivé, & qu'il falloit, puifque Gondebaud n'étoit plus, s'en prendre à sa posté

rité.

les

Elle affembla donc fes trois fils, Clodomire, Childebert & Clotaire, à qui elle dit: (4) Que je n'aye pas fujet, mes chers enfans, de me repentir d'avoir toujours été la plus tendre des meres. Montrez donc que vous vous fouvenez de la maniere inhumaine, dont mon pere & ma mere, qui m'avoient élevée comme je vous ai élevés, ont été traités. Allez les venger par voyes les plus promptes & les plus fûres. Comme l'ambition confeilloit encore à ces Princes l'entreprise à laquelle une mere refpectable les excitoit, ils fe mirent bientôt en campagne, dans la résolution d'accroître leurs Partages des débris du Royaume des Bourguignons, & de faire fentir à la pofterité de Gondebaud, que le pere & la mere de Clotilde avoient des petits-fils dignes d'eux. Nos trois Princes firent bien à Thierri leur frere de pere, la propofition de joindre fes armes aux leurs; mais Thierri qui n'avoit point à venger Chilpéric, ni la Reine femme de Chilpéric dont il ne defcendoit pas, & qui d'ailleurs avoit épousé une fille de Sigifmond, n'accepta point cette propofition, & il demeura neutre dans la guerre de fes freres contre fon beau

pere.

Nous avons déja obfervé qu'on le gouvernoit alors dans les guerres par des maximes bien differentes de celles qu'on y fuit aujourd'hui. Aujourd'hui tout l'honneur d'une campagne eft

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pour le parti qui peut fe vanter avec justice, quand elle est finie, d'avoir fait réuflir fes projets, & d'avoir fait avorter ceux de l'ennemi. Ce parti-là eft réputé avoir eu la fupériorité fur fes ennemis, quand bien même il n'auroit remporté d'autre avantage fur eux, que celui de les avoir empêchés par fes campemens d'affieger la place qu'ils vouloient prendre. Quelles qu'ayent été les manœuvres de guerre qu'il a faites pour arriver à fon but, dès qu'il l'atteint, elles tournent à fa gloire. Un General est quelquefois autant loué pour avoir fçû éviter en certaines circonftances de donner bataille, qu'il le feroit pour en avoir gagné une. L'axiome qu'un grand Capitaine fe bat quand il lui plaît, & non quand il plaît à l'ennemi, eft devenu la maxime de tous les camps; & Fabius le Cunctateur trouveroit autant de juftice dans notre fiecle, qu'il en trouva peu la premiere année de fon commandement. Mais les Barbares établis dans les Gaules n'étoient point encore affez éclairés dans le fixiéme fiecle de l'Ere Chrétienne, pour affigner aux qualités morales leur véritable rang, & pour faire plus de cas du Capitaine courageux & prudent, que du guerrier fougeux & témeraire. Refufer alors d'accepter une bataille que l'ennemi présentoit, c'étoit la perdre ; & qui faifoit un mouvement en arriere, étoit réputé vaincu. Voilà pourquoi tant de guerres qui femblent d'abord avoir dû être très-longues à caufe des interêts, des forces & des reffources de ceux qui les avoient à foutenir, ont été néanmoins terminées en une campagne.

Sigifmond qui ne pouvoit que gagner en temporifant, puifqu'il s'agiffoit de défendre fon propre pays, & qu'il avoit affaire à une Ligue, fe crut néanmoins obligé, dès que les Francs furent entrés dans fes Etats, à tenir la campagne, & même à donner une bataille. Il la perdit, & défefperant de pouvoir faire tête aux vainqueurs, il prit le parti de fe réfugier dans le Monaftére de Saint Maurice, où, fuivant ce qu'on peut conjecturer, il vouloit renoncer au monde. Pour exécuter cette réfolution, il commença par fe couper les cheveux, & s'habiller en Religieux, & puis il fe retira feul dans un hameau, où il se tint caché, en attendant qu'il pût trouver une occafion favorable de gagner fon Monaftere de Saint Maurice en Valais. Malheureufement pour lui, fes propres Sujets le trahirent, & ils enfeignerent aux Francs le lieu où il fe tenoit caché. Il Y fut fait prifonnier de guerre, & on convint de le donner en garde à Clodomire, qui avoit déja en fa puiffance la femme & les enfans

Tome 11.

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de Sigifmond. Clodomire envoya toute cette famille infortunée dans un lieu de la Cité d'Orleans, où il la fit garder étroitement. Dès que le Roi des Bourguignons eut été pris, la plus grande partie du pays qu'ils tenoient, fe foumit aux Francs. Nous ignorons le lieu où fe donna la bataille que perdit Sigifmond.

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Suivant la Chronique de l'Evêque d'Avanches, cet évenement arriva en l'année cinq cens vingt- trois. On y lit: (a) » Sous le Confulat de Maxime, Sigifmond fut livré aux Francs » par les Bourguignons. Les Francs l'emmenerent dans leur » pays habillé en Religieux, comme il l'étoit quand ils le pri» rent, & dans la fuite ils jetterent au fond d'un puits ce Prince » infortuné, auffi bien que fa femme & fes enfans. « J'ajoute ici dans la fuite au texte de Marius, parce qu'il eft conftant par un paffage de Gregoire de Tours qui va être rapporté, que Sigifmond ne fut jetté dans un puits qu'après que les Bourguignons fe furent révoltés, & qu'ils eurent proclamé Roi fon frere Godemar; ce qui n'arriva qu'en cinq cens vingt-quatre, comme la Chronique même de l'Auteur que j'ai interpolé, en fait foi. Auffi-tôt que les Francs fe furent retirés, après avoir pourvû suffisamment, du moins à ce qu'ils croyoient, à la confervation de leur nouvelle conquête, les Bourguignons fongérent à reprendre les armes. Ils proclamerent Roi Godemar, frere de Sigifmond, & pour obtenir des Oftrogots du moins des fecours cachés, ils leur cederent quatre Cités frontieres de cette Province que Theodoric fe fçavoit fi bon gré d'avoir acquife dans les Gaules. Les Cités cedées furent celles de Carpentras, de Cavaillon, de Saint-Paul-Trois-Châteaux & d'Apt. En voici la preuve.

Dans le Concile tenu à Epaone en l'année cinq cens (b) dixfept, fous le bon plaifir du Roi Sigifmond, Florentius Evêque de Saint-Paul-Trois-Châteaux, Julien Evêque de Carpentras, Philagrius Evêque de Cavaillon, trois Cités de la Province Viennoife, & Prétextatus Evêque d'Apt dans la feconde des Narbonoifes, foufcrivirent les Actes de l'Assemblée; ce qui montre que ces quatre Diocèfes étoient encore cette an

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