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quelque forte étrangers à l'hiftoire de la conquête de la Bourgogne, dont il s'agit dans ce Chapitre; mais d'un autre côté, ils font très-propres à donner l'idée de la maniere dont les Rois Francs fe conduifoient les uns à l'égard des autres, & principa lement à faire voir combien il eft faux que les Romains des Gaules fuffent alors défarmés & réduits à une condition approchante de l'esclavage.

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(a) Gregoire de Tours, immédiatement après le paffage que nous venons de tranfcrire, ajoute ce qui fuit: » Thierri tint parole aux Francs fes fujets, & s'étant mis à leur tête, il les » conduifit dans l'Auvergne, qu'ils faccagerent comme ils au»roient pû faire un Pays ennemi. Arcadius qui étoit la pre» miere caufe du malheur, parce que deux ans auparavant il avoit appellé Childebert dans cette contrée, fe fauva à Bour"ges, qui pour lors étoit du Partage de ce Prince. Placidina mere d'Arcadius, & Alcima tante de ce Sénateur, furent » arrêtées à Cahors, & condamnées à l'exil, comme à la confif cation de leurs biens. Cependant Thierri s'approcha de Cler»mont, dont Quintianus ou Saint Quintien étoit pour lors Evêque, & il vint fe loger dans un Village voifin des Fauxbourgs. Durant ce campement fes troupes coururent tout le » pays, où elles firent des maux infinis. Quand les Francs fujets de Thierri furent affez gorgés de butin, il fortit de l'Au» vergne, emmenant avec lui les Citoyens les plus capables de » remuer. Il y laiffa pour Commandant un de fes parens nom"mé Sigivaldus qui continua de maltraiter ce pauvre Pays. Les pillards trouverent neanmoins de la résistance en attaquant quelques lieux de défense, qui étoient gardés par les Auvergnats mêmes (b); ce qui fait voir que Thierri les laiffoit affez sur leur bonne foi, & par conféquent, qu'il ne leur avoit pas fait un traitement qui dût leur donner envie de changer de Maître. Ce fut, autant que je puis juger, dans ce tems-là (c) que

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(a) Theudericus vero cum exercitu Arverno veniens totam regionem devaftat & proterit. Interea Arcadius fceleris illius autor cujus ignavia regio devastata eft, Bituricas urbem petiit, erat enim tunc temporis urbs illa in regno Childeberti Regis, &c.

Greg. Tur. Hift. lib. 3. cap. 12. (b) Lowclatrum autem Caftrum hoftes oppugnant........ Tunc obfeffi Meroliacenfis Caftri.

Greg. Tur. Hift. lib. 3. cap. 13.

(e) Mundericus igitur qui fe parentem Regum afferebat, elatus fuperbia ait: Quid mihi & Theuderico Regi, fic enim folium regni mihi debetur ut illi? Egrediar ut colligam Populum meum atque exigam Sacramentum ab eis ut fciat Theodoricus quia Rex fum ego ficut & ille. Et Egreffus cœpit feducere populum fuum, dicens: Prin ceps ego fum, fequimini me, & erit vobis

bene,

Ibidem, cap. decimo quarto.

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Munderic qui prétendoit être de la Maifon Royale, & qui peutêtre étoit le fils d'un des Rois Francs que Clovis avoit facrifié à fa fureté, fit un parti dans l'Etat. » Je ne fuis pas de con»dition, dit ce Munderic, à vivre Sujet de Thierri, étant né ce que je fuis; je dois auffi-bien que lui porter une Couronne. Il faut donc que je me faffe reconnoître pour ce que je fuis par une partie des Francs, dont je formerai une Tribu, laquelle me proclamera Roi, & qu'ainfi je donne à connoître à Thierri que je fuis du Sang Royal auffi-bien que lui. » Munderic fe mit donc en devoir de féduire le Peuple, en di» fant: Je fuis Prince de la Maison Royale, attachez-vous à moi, & je ferai votre fortune. « Plufieurs perfonnes le reconnurent & lui prêterent ferment de fidelité. Il est sensible que le procédé & le difcours de Munderic fuppofent qu'une des Loix du Droit public des Francs étoit; Que tous les Princes iffus des Rois devoient avoir un Partage, & qu'aucun d'eux ne dût être Sujet d'un autre Roi que de fon pere, & ne devoit être réduit à un fimple apanage. Ainfi quelque nombre d'enfans qu'un Roi laiffât, il falloit que chacun d'eux eût fon Royaume, ce qui ne pouvoit fe faire qu'en divifant les Etats du pere, quelque petits qu'ils puffent être, en autant de Partages qu'il laiffoit de garçons. Voilà pourquoi il y avoit durant le regne de Clovis tant de Rois Francs, quoique la Nation fût peu nombreuse, & voilà l'origine de la divisibilité de notre Monarchie fous la premiere & fous la feconde Race. En effet, Munderic ne s'adreffe point particulierement à certains Francs, à ceux qui auroient été Sujets de fon pere. Il s'adreffe generalement à tous ceux qu'il peut féduire, & la raifon qu'il employe pour les gagner, c'est qu'étant forti de la Maison Royale, il a droit d'avoir un Thrône & des Sujets.

Je reviens à l'Histoire de Munderic. Thierri informé de ses pratiques, lui manda de venir le trouver : Si vous avez quelque droit, lui fit-il dire, nous fommes très-difpofés à vous rendre juftice fur vos prétentions. On fe doute bien quelles étoient les intentions du fils de Clovis; auffi Munderic ne jugea-t-il point propos de fe rendre auprès de Thierri & il répondit à ceux qui lui avoient parlé de la part de ce Prince: Faites fouvenir votre Maître que je fuis Roi auffi-bien que lui. Thierri réfolut donc d'employer la force ouverte pour étouffer la révolte. Il envoya une armée contre Munderic, qui ne fe trouvant point affez fort avec ceux qu'il avoit attroupés pour tenir la campa

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Valef. Not. gne, fe jetta dans Vitri. Il y fut invefti & attaqué, mais le fiege tiGall. p. 602. roit en longueur : Arégifilus un des Miniftres de Thierri trouva moyen de l'abréger, conformément aux inftructions de fon Maître. Il entra dans la place fur parole,& il reprefenta fi bien à Munderic que que du moins les troupes de Thierri affameroient Vitri avant peu, qu'il perfuada au Rebelle de capituler. L'accord se fit. L'ony ftipula une Amniftie en faveur de Munderic, & Arégifilus en jura l'observation en mettant la main fur l'Autel. Néanmoins Munderic n'eut pas plutôt mis le pied hors de la Ville, que les affiégeans fe jetterent fur lui; il fut mis en pieces après avoir fait toute la réfistance que peut faire un brave homme en une telle conjoncture. (a) Tous les effets furent enfuite confifqués. Cette révolte & les mouvemens que les Vifigots faifoient en faveur des Bourguignons qui fe défendoient encore, auront engagé Childebert & Clotaire à fe racommoder avec Thierri les deux premiers étoient unis alors fi étroitement, qu'on peut bien croire qu'ils firent de concert toutes les démarches que Gregoire de Tours fait faire à l'un des deux. Thierri de fon côté avoit un égal interêt à fe reunir avec eux, quelques démêles qu'ils euffent ensemble. Auffi les trois freres fe liguerent-ils dès la feconde campagne de la guerre nouvellement entreprise contre les Bourguignons. Du moins cette alJiance étoit-elle déja formée lorfque Thierri qui ne vit point la fin de la guerre, mourut les derniers jours de l'année cinq cens trente-trois ou bien au commencement de l'année fuivante. Ainfi Thierri après avoir refufé en cinq cens trente-deux, comme on vient de le dire, de fe liguer avec fes deux freres, aura probablement recherché leur alliance lui-même, dès qu'il aura vû qu'ils avoient la fortune favorable. Rien n'eft plus ordinaire que de voir des Souverains tenir une pareille conduite.

Je vais rapporter tout au long le Chapitre de Gregoire de Tours, où il eft fait mention de cette alliance de Thierri avec les Rois fes freres, & qui dans cet Auteur fuit immédiatement le Chapitre où il raconte l'Hiftoire de Munderic. Il est vrai que le Chapitre que je vais transcrire eft un peu long, & qu'il eft employé prefque tout entier à narrer les avantures d'un Romain qui avoit été donné pour otage de l'exécution du traité dont il s'agit; mais comme d'un autre côté ce Chapitre est trèspropre à donner une idée de la condition des Romains des Gaules fous nos premiers Rois, j'ai crû que les Lecteurs le trou(a) Quo interfecto, res ejus Fifco conlatæ funt. Ibidem.

veroient ici avec plaifir. Au refte je dois obferver d'avance que les avantures de notre ôtage, c'cft à-dire fa captivité & son évafion, font des évenemens qui ne doivent être arrivés que longtems après le Traité d'alliance dont nous venons de parler. Cet ôtage aura été déclaré esclave quelque tems après l'année cinq cens trente-quatre, & à l'occafion des brouilleries qui, après la mort de Thierri, furvinrent, comme nous le dirons dans la fuite, entre Theodebert fon fils & fon fucceffeur, & les deux oncles de Theodebert.

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(a) Vers ce tems-là Thierri & Childebert firent un Traité "par lequel ils fe promettoient de ne rien entreprendre au préjudice l'un de l'autre; & pour furété de l'exécution de leur » engagement, ils s'entredonnerent des ôtages, du nombre defquels furent plufieurs enfans de Sénateurs. Une brouil»lerie qui furvint à quelque tems de-là entre les Rois Francs, » fut caufe que de part & d'autre on déclara les perfonnes de »ces ôtages confifquées au profit de l'Etat. Ceux des nouveaux » ferfs qui ne trouverent pas moyen de fe fauver, furent don» nés en garde à differens particuliers qui les employerent aux » travaux ordinaires des Efclaves. Attalus neveu de Gregorius Evêque de Langres, étoit un de nos ôtages, & fa garde fut » confiée à un Franc établi dans la Cité de Tréves qui étoit » du Partage de Thierri. Ce Barbare traita notre Romain com» me un ferf appartenant à l'Etat, & il lui donna pour fa tâche, l'emploi d'avoir foin d'un Haras. L'Evêque de Langres mit en campagne plufieurs de fes Efclaves pour avoir » des nouvelles de fon neveu ; & quand il eut appris par leur » moyen où ce neveu étoit détenu, il les envoya traiter de la » rançon d'Attalus avec le Franc qui l'avoit dans fa maison ; le » Barbare refufa toutes les offres qui lui furent faites. Ce jeune « homme, dit-il, eft de fi bonne famille, qu'il ne racheteroit » pas trop chérement fa liberté, en donnant fon pefant d'or.

Dès qu'ils furent de retour à Langres, & qu'on y fçut qu'ils " avoient fait un voyage infructueux, un autre Efclave nom» mé Leon qui fervoit dans la cuifine de l'Evêque, demanda

cuftodiendum accepit, fervos fibi ex iis fecit. Inter quos Attalus nepos Beati Gregorii Lingonum Epifcopi ad publicum fervitium mancipatus eft.

(a) Theodericus vero & Childebertus | publicum funt addicti, & quicunque eos ad fœdus inierunt & dato fibi facramento ut neuter contra alterum moveretur, obfides ad invicem acceperunt quo facilius firmarentur quæ fuerant dicta. Multi tum filii Senatorum in hoc obfidium dati funt, fed orto iterum inter Reges fcandalo ad fervitium

Greg. Tur. Hift. lib. tertio, capite decimo quarto.

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» d'être envoyé à Tréves d'où peut-être, difoit-il, je ferai af» fez heureux pour ramener Attalus. L'Evêque agréa la propo» fition de Leon, qui prit auffi-tôt le chemin de ce pays-là, où » d'abord il fit plufieurs tentatives pour tirer d'efclavage le ne» veu de fon Maître; elles furent toutes inutiles; mais Leon » loin de fe rebuter, imagina un nouvel expédient. Ce fut de » fe faire vendre lui-même à notre Franc par un homme apo» fté, qu'il avoit gagné, en lui offrant de lui laiffer tout l'ar» gent qui proviendroit du marché. Dès que Leon & son Maître fuppofé, fe furent promis par ferment d'exécuter fidelement » leur convention, ce Maître prétendu vendit Leon au Barbare pour le prix de dix fols d'or. A quoi es-tu le plus propre, demanda le Franc à fon nouvel Efclave? A quoi? répondit Leon, » je fçais faire la cuifine en perfection, & perfonne n'apprête >> mieux que moi tous les plats qui peuvent fe fervir fur la ta» ble d'un Maître qui veut faire bonne chere; dans l'occafion je ferois le dîner d'un Roi, fans qu'on trouvât rien à redire » à mon repas: Tant mieux, répliqua le Franc, il eft demain » le jour du Soleil, c'eft le nom que les Barbares donnent au » Dimanche, & mes parens & mes voifins ont coutume de ve»nir dîner chez moi ce jour-là; apprêtes-nous un fi bon re» pas que mes convives difent en s'en allant, on ne fait pas » meilleure chere à la table de nos Rois. Tout ira bien, répar >> tit Leon, donnez ordre feulement qu'on me fourniffe des poulets en quantité. Le Dimanche tout le monde loua » exceffivement le dîner, & le Franc prit tant d'inclina» tion pour le nouvel efclave qu'il le fit fon pourvoyeur, » & qu'il lui donna encore la commiffion de diftribuer journel»lement la pitance aux autres ferfs. Cependant il fe paffa une » année entière avant que Léon pût trouver l'occafion d'exécuter fon grand projet; mais voyant qu'il avoit enfin acquis » toute la confiance de fon Maître, il crut qu'il étoit tems de prendre fon parti & de tenter l'avanture. Un jour qu'Attalus » étoit dans le pré où fes chevaux paiffoient, notre fidele efclave » s'affit fur l'herbe, comme pour fe reposer, & il dit affez haut " pour être entendu de celui qu'il vouloit fauver, quoiqu'il eût » affecté de lui tourner le dos; le tems de prendre le chemin de »notre Patrie eft arrivé, ainfi quand vous aurez fait rentrer vos » chevaux dans l'écurie, ne vous mettez point à dormir; atten» dez bien éveillé que je vous appelle. Ce qui déterminoit Léon à prendre cette nuit-là pour fe fauver, c'est que fon Maître

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