ÆäÀÌÁö À̹ÌÁö
PDF
ePub

fadeurs des Oftrogots partirent pour revenir en Italie, où ils ramenerent avec eux le corps de troupes commandé par Martias, & qui venoit d'évacuer la Province des Gaules remife aux fucceffeurs de Clovis.

Il eft facile d'imaginer les raifons dont les Ambaffadeurs de Vitigès s'étoient fervis pour faire valoir leurs offres & pour engager les Rois des Francs à figner le Traité dont nous venons de parler. Je crois néanmoins à propos de rapporter ici ce que dirent aux Francs en une occafion à peu près femblable d'autres Ambaffadeurs des Oftrogots. On y verra encore plus diftinctement & plus précisément qu'il n'eft poffible de l'imaginer, quelles étoient les maximes politiques des Nations barbares dans le tems que l'Empire Romain dont elles avoient envahi les Provinces fubfiftoit encore, & qu'elles pouvoient craindre qu'il ne les chaffat de leur nouvelle Patrie.

دو

Agathias rapporte, que vers l'année cinq cens cinquante, tems où les Oftrogots vivement preffés par les Troupes Romaines, en étoient aux abois, quelques-uns d'entr'eux qui s'étoient liés par une conféderation particuliere, envoyerent des Ambaffadeurs à la Cour de Theodebald le fils & le fucceffeur de Theodebert, pour tâcher de faire entrer dans leur querelle ce Prince qui étoit encore fort jeune. Notre Hiftorien ajoute, que ces Miniftres s'adrefferent à tous les Grands de cette Cour-là pour les engager à leur tendre une main fecourable & qui les tirât de l'état malheureux où l'Empereur Romain les avoit réduits. » Ils ne ceffoient de reprefenter à ces Seigneurs l'inte»rêt que les Francs avoient de ne point fouffrir que la puiffance des Romains d'Orient s'augmentât autant qu'elle étoit fur » le point de s'acroître. (4) Dès qu'ils auront fubjugué la Na» tion Gothique, difoient nos Miniftres, ils attaqueront la » vôtre. Les Ambaffadeurs, les Rhéteurs de Juftinien fe dé» chaîneront par tout contre vous, fes Officiers réveilleront » toutes les anciennes querelles, & fes Généraux entreront à » main armée dans votre Pays : La violence des Romains man(a) Si enim univerfam Gentem Gothicam deleverint, ftatim etiam in vos dicebunt Oratores, exercitum ducent, & priftina bella inftaurabunt. Neque enim illis eft defutura fpeciofa aliqua caufa quam avaritiæ fuæ prætexant. Quin potius juftum fe fe vobis inferre bellum putabunt, Marios quofdam & Camillos & Cæfarum plerofque recenfentes qui olim bella adverfus prifcos

Germanos gefferunt & trans Rhenum univerfa occuparunt. Quo circa non vim illaturi videbuntur, fed bellum juftum movere, tanquam nihil alienum quæfituri, fed majorum fuorum poffeffiones recuperaturi. Tale porro etiam nobis crimen objicient quod fcilicet cum Theodericus nofter olim Princeps & Coloniæ deducendæ Auctor, &c. Agathias, lib. hift. pr.

[ocr errors]
[ocr errors]

que-t'elle jamais de prétexte? Vous les verrez alleguer pour » justifier leurs armes jufqu'aux droits que les Camilles, les » Marius & ceux des Cefars qui ont fait des conquêtes au-de» là du Rhin, leur ont acquis, à ce qu'ils s'imaginent, fur » les Nations Germaniques. Enfin les Romains diront, qu'en » fe rendant maîtres des Pays que vous occupez, ils ne font que » fe remettre en poffeffion de leur ancien patrimoine, & que » du moins on ne fçauroit les accufer d'envahir le bien d'au» trui: Quelle autre raison ont-ils alleguée du traitement qu'ils nous ont fait, quand ils nous ont chaffés de nos maisons, quand ils ont égorgé la plus grande partie de notre Nation, » & quand ils ont vendu à l'encan les femmes & les enfans » de nos principaux Citoyens, fi ce n'eft celle-ci? Que le Roi» Theodoric, qui nous avoit établis en Italie, s'étoit emparé » de ce Pays-là fans avoir un titre fuffifant. Cependant Theo» doric ne fe rendit le maître de l'Italie, que de l'aveu de l'Em» pereur Zenon, qui regnoit pour lors fur les Romains d'O»rient.« On a déja rapporté à l'occafion de cet évenement même, la fuite de ces repréfentations des Ambaffadeurs Oftrogots auprès de Theodebald. Elles finiffent par cette exhortation aux Francs. « Ne laiffez donc point paffer fans en profi»ter, la belle occafion que vous avez aujourd'hui de mettre » obstacle à l'agrandiffement des Romains en les empêchant » de nous fubjuguer. Il en eft encore tems. Envoyez-nous des troupes à qui nous donnerons de bons guides, & bientôt » elles auront chaffé de notre Terre vos véritables ennemis.

Retournons à la ceffion faite aux Francs par les Ostrogots, l'année cinq cens trente-fept. Comme on le verra, non-feulement elle contenoit le délaiffement de toutes les Cités que les Oftrogots tenoient encore dans les Gaules, ou dans la Ġermanie, mais auffi le transport & l'abandonnement total de tous les droits que les Oftrogots pouvoient, comme Seigneurs de la Ville de Rome, prétendre fur les autres pays de ces deux grandes Provinces de l'Empire d'Occident. Entrons en difcuffion de ces deux points-là.

Quant au premier point, le Lecteur fe fouviendra bien de ce qui a été dit en parlant des fuites de la bataille de Tolbiac: Qu'une partie des Allemands lefquels y avoient été défaits, se soumit à Clovis, que l'autre fe retira dans les Pays que les Oftrogots tenoient entre les Alpes & le Danube, & que là cette partie fut encore séparée en deux portions; dont l'une resta en "deça des

[ocr errors]

Alpes, & l'autre fut tranfplantée en Italie. Or, nous voyons qu'à la fin du fixiéme fiécle, le gros de la Nation des Allemands étoit auffi-bien que le Pays fitué entre les Alpes & le Danube, fous la domination de nos Rois, fans que nous apprenions en quel tems ils y étoient paffés. Ainfi je conclus que ce fut en vertu de la ceífion faite aux Francs par les Oftrogots, en cinq cens trente-fept, que les Allemands & le Pays défigné ci-deffus, devinrent Sujets à notre Monarchie. Cette conjecture fe change en certitude, lorfqu'on lit dans Agathias que Théodebert, peu de tems aprés avoir (4) fuccedé à fon pere, affujettit les Allemands & quelques Nations voifines. En effet, fuivant nous, Theodebert fe fera mis en poffeffion des Contrées dont il s'agit vers la fin de l'année cinq cens trente-fept, & quand il n'y avoit qu'environ trois ans qu'il avoit fuccédé au Roi Thierri. D'un autre côté Theodebert aura trouvé quelque résistance de la part des Allemands, qui peut-être n'étoient pas contens d'avoir été cédés fans leur participation; & cette resistance aura fait, dire à l'Hiftorien Grec, que Theodebert avoit foumis par force les Allemands.

Quant à la ceffion de tous les droits que les Oftrogots prétendoient avoir fur les Gaules, & que fuivit la remise actuelle qu'ils firent de la Province qu'ils y tenoient encore, elle sera suffisamment prouvée par le texte de Procope, & par tout ce que nous dirons bientôt concernant la confirmation que Juftinien fit de cette ceffion. Je vais reprendre le fil de l'Hiftoire.

Le corps de troupes commandé par Martias, joignit Vitigès, après avoir évacué la Province des Gaules délaiffée aux Francs par les Oftrogots, & mit le Roi de ces derniers en état d'affieger durant la campagne de cinq cens trente-fept, (b) la Ville de Rome, que l'armée de Juftinien avoit prife l'année précédente; mais ce Roi fut obligé de lever son siege à la fin du mois de Mars de l'année cinq cens trente-huit, & quand ce fiege avoit déja duré douze mois & neuf jours. Une fi grande difgrace ne fut point la feule que les Oftrogots effuyerent cette campagne-là. Les Romains d'Orient furprirent Milan ; & par-là ils porterent la guerre dans celles des Provinces de l'ennemi, qui pouvoient, fi elles fuffent demeurées tranquilles, l'aider à la foutenir. Les Oftro

(a) Theodebertus accepto paterno regno, Alamannos & nonnullas alias finitimas gentes fubegit.

Agathias, hift. lib. pr.

(b) Romam Belifarius cœpit ipfo an

4

no quingentefimo trigefimo fexto, & à Vitige obfeflam annum unum ac dies novem circa æquinoxium vernum liberat, anno quingentefimo trigefimo octavo.

Petav. Ration. Temp. lib. 7. cap. S.

gots comprirent donc d'abord la néceffité de reprendre Milan, & ils demanderent à nos Rois le secours qu'ils étoient obligés de leur donner Voyons ce que dit Procope à ce fujet.

[ocr errors]

" (4) Vitigès étant informé de ce qui venoit d'arriver, fit >> incontinent filer du côté de Milan beaucoup de troupes, dont » il donna le commandement à un de ses neveux nommé Vraïa. » Le Roi des Oftrogots demanda en même-tems du fecours à » Théodebert, qui pour lors étoit comme le Chef de la Nation » des Francs. Théodebert envoya bien un corps de dix mille » hommes joindre l'armée des Oftrogots, mais ce corps n'étoit point compofé de Francs naturels, parce que Théodebert craignoit, s'il faifoit paffer des Soldats de fa Nation au fecours » de Vitigès, qu'on ne lui reprochât d'avoir enfreint le traité qu'il avoit conclu avec Juftinien, & qui fubfiftoit encore. Le » corps de troupes que le Roi des Francs envoya aux Oftrogots ne fut donc compofé que de Bourguignons, qui devoient dès » qu'ils feroient arrivés en Italie, y publier que ce n'étoit point » par ordre de Théodebert, dont ils ne fe foucioient gueres, » qu'ils venoient faire la guerre contre les Romains d'Orient, » mais que c'étoit de leur plein gré & de leur propre inclination » qu'ils avoient pris ce parti-là.

رو

[ocr errors]
[ocr errors]

L'armée des Oftrogots accrue par ce fecours, reprit Milan dans la même année. » (b) En cinq cens trente-huit, dit l'Evêque d'Avanches, les Oftrogors & les Bourguignons empor» terent d'affaut la Ville de Milan, où ils pafferent au fil de l'épée les Habitans, fans épargner même les Sénateurs & » les Prêtres.

[ocr errors]

La conduite que les Rois des Francs tinrent en cette occafion, étoit du moins conforme aux regles de la politique ordinaire des Souverains, Si nos Princes euffent envoyé des Francs au fecours de Vitigès, ils auroient eux-mêmes, comme on l'a déja dit, trahi leur fecret. D'un autre côté, s'ils y euffent envoyé des Romains du nombre de leurs Sujets, c'auroit été envoyer des Soldats à Bélifaire. Au contraire, en faifant paffer des Bourguignons au

(a) De his certior factus Vitiges, con- | feftim magnum exercitum mittit Vraia duce fororis fuæ filio. A Theodeberto Francorum Rege decem millia auxiliariorum imperaverat, Burgundionum utique non Francorum ne videretur Imperatoris rebus injuriam facere Theodebertus. Neque enim. ejus mandato, fed fponte & voluntate fua

profectos Burgundiones fimulabat.

Procop. de bello Goth. lib. 2. cap. 12. (b) Joanne Confule, Mediolanus à Gothis & Burgundionibus effracta est, ibique Senatores & Sacerdotes cum reliquis popalis interfecti funt.

Mar. Avent. Chr. ad ann. 538.

fervice

Lervice de Vitigès, ils lui envoyoient des Soldats que leur qualité de Barbares devoit lui attacher. D'ailleurs on pouvoit défavouer ces Bourguignons en gardant quelqu'apparence de bonne foi. On aura écrit à Bélifaire, qu'il ne devoit pas imputer aux Rois des Francs, le parti qu'avoient pris quelques Bourguignons, qui s'en alloient fervir Vitigès: Qu'il étoit bien vrai que ces Bourguignons étoient de leurs Sujets; mais qu'ils n'étoient fubjugués que depuis quatre ans, & qu'ils n'étoient pas encore bien foumis: Qu'ainfi le corps de troupes dont il s'agiffoit n'étoit compofé que d'hommes inquiets & de brouillons,qui après s'être évadés de leurs quartiers, malgré toutes les précautions qu'on avoit prifes pour l'empêcher, s'étoient attroupés dans les gorges des Alpes, pour aller chercher fortune fous des Chefs qu'ils s'étoient eux-mêmes choifis: Que tous ces gens-là n'avoient aucune commiffion de leur Souverain, & que Bélifaire, s'il le jugeoit propos, feroit le maître, lorfqu'ils tomberoient entre fes mains, de les faire tous pendre comme gens fans aveu ; Qu'on lui confeilloit cependant de ne point ufer de ce droit, parce qu'au fond ces Bourguignons étoient de braves gens, & que d'ailleurs ils étoient affez brutaux pour ufer de repréfailles fur les prifonniers de guerre qu'ils ne manqueroient pas de faire.

Enfin les Rois Francs, en faifant paffer au-delà des Alpes dix mille Bourguignons, fe défaifoient d'un grand nombre de Sujets audacieux, ennuyés de leur condition prefente, & par conféquent toujours difpofés à s'attacher au premier brouillon qui voudroit remuer. Ces Princes firent dans le fixiéme fiécle la même chofe que fit dans le dernier fiecle Charles fecond Roi de la Grande-Bretagne, lorfqu'immédiatement après l'heureuse Ref tauration de la Royauté dans fa Monarchie, il eut la politique d'envoyer au fecours du Roi de Portugal Don Alphonfe le Victorieux, les vieilles Bandes Angloifes qui avoient fervi fous Olivier Cromwel.

Quoique nos Rois défavoüaffent les Bourguignons qui avoient joint l'armée de Vitigès, il étoit impoffible que Juftinien ne vît bien que ces Barbares n'avoient rien fait que par ordre de leurs Souverains, d'autant plus que l'exécution du traité de ceffion, qui n'avoit pû être cachée, mettoit en évidence qu'il y avoit une fecrete & très-intime liaison entre les Francs & les Oftrogots. Mais fuppofé que l'Empereur attendît quelque preuve encore plus claire, pour fe convaincre que les Francs ne fe croyoient plus obligés, par des raifons que fes Hiftoriens auront fuppri Y y

Tome II.

« ÀÌÀü°è¼Ó »