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demande pas de contribuer aux frais de l'entreprise qui ne laiffera point de vous faire beaucoup d'honneur fi elle réuffit. Ne ferat-il point en effet plus glorieux pour votre regne, qu'on dise si je fuis affez favorifé du Ciel pour vaincre, que vous m'avez donné à moi qui fuis votre créature, & qui porte le nom de votre fils, l'administration de l'Italie, que fi l'on continue à dire : Zénon a laissé gémir dans les fers d'un Barbare qu'il connoiffoit à peine, une partie de fon Empire & une partie de fon Senat. Tout l'avantage fera de votre côté dans l'expedition que je propofe. Si je fuis battu, vous n'y perdrez que quelques foldats que vous ne payerez plus. Si je réuffis, ce fera de votre liberalité que je tiendrai tout ce que je poffederai.. Ma grandeur paroîtra tre ouvrage. Quoique Zénon eût beaucoup de répugnance à voir partir Théodoric, il ne voulut pas néanmoins, crainte de lui faire trop de peine, le retenir, & il lui accorda ce qu'il demandoit. Enfin, après lui avoir fait de grands prefens, il lui permit de partir, & il lui recommanda dans leurs derniers adicux, le Sénat & le Peuple Romain du Partage d'Occident.

Voilà le compte que rend Jornandès de la convention qui se fit entre l'Empereur Zenon & Théodoric, lorfque ce Roi entreprit de chaffer Odoacer d'Italie. Procope nous expofe cette convention fous une forme un peu differente.

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» (4) Dans ce tems-là les Oftrogots à qui l'Empereur avoit » donné des quartiers dans la Thrace, fe révoltérent, ayant leur tête Théodoric qui étoit Patrice, & qui même avoit été » Conful. Zénon fçur tirer un avantage de ce défordre, il propofa donc à Théodoric le parti d'aller à la tête de fes Gots » chaffer Odoacer d'Italie, & de fe rendre enfuite le maître de l'Empire d'Occident. Zénon lui réprefenta fi bien qu'il étoit plus féant à un Perfonnage Confulaire de faire la guerre à un "Tyran, & de fe faire le Chef d'une portion du Peuple Romain, >> que de porter les armes contre l'Empereur que ce Roi prit le » parti d'entreprendre l'expédition qu'on lui propofoit de faire

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(a) Sub idem tempus Gothi qui Impera- | toris permiffu Thraciam incolebant in Romanos rebellavere, Duce Theodorico, qui vir erat Patricius, & Bizantii fcellam Confularem afcenderat. At Zeno Auguftus rationem optimam è re nata inire callens, Theodorico fuafit ut Italiam peteret, & cum Odoacrio collata manu, fibi Gothifque Imperium Occidentis pararet, cum effet convenientius præfertim Senatori, Tyrannum

exigere, & Romanis atque Italis præeffe omnibus, quam armis cum Imperatore contendere, & in tantum venire difcrimen. Eo delectatus confilio Theodoricus, in Italiam proficifcitur. Gothi fe comites adjunxerunt, parvylis, fœminifque in plauftra impofitis cum fupellectili quantacumque deferri potuit.

Procop. de Bello Goth. cap. prime.

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» en Italie. Plufieurs effains des Gots qui n'étoient pas fujets de Théodoric, fe joignirent à lui. Leur départ fut une véritable tranfmigration, car ils emmenerent avec eux fur un grand » nombre de chariots, leurs femmes, leurs enfans, & tous les » meubles qu'ils purent emporter.

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Suivant la narration de Procope, c'eft donc l'Empereur Zenon, qui pour se débaraffer de Théodoric, qui lui faifoit actuellement la guerre, propofe à ce Roi d'aller conquerir au prix de fon fang l'Empire d'Occident fur Odoacer qui en étoit actuellement le maître. Zenon ne donne aucun fecours à Théodoric, & il lui tranfporte feulement les droits que l'Empire pouvoit conferver fur des Provinces déja perdues. Ainfi le Roi des Oftrogots & fes fucceffeurs n'avoient point tant de tort de prétendre, qu'ils duffent être en Italie des Princes auffi fouverains que l'avoient été Anthémius, & ceux de fes fucceffeurs nommés & établis Empcreurs d'Occident par les Empereurs d'Orient. C'eft auffi ce que dirent dans la fuite les Oftrogots, lorfque Juftinien qui leur avoit déclaré la guerre en cinq cens trente-cinq, les vouloit traiter d'ufurpateurs. Voici le difcours que fit un d'entr'eux dans une des conférences qui fe tinrent pour la terminer par un

Traité.

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» Zenon voulant punir l'injure faite à fon Collégue (a) Auguftule par Odoacer & délivrer l'Italie du joug de ce Tyran, » & ne pouvant point en venir à bout autrement, il engagea le » Roi Théodoric, qui étoit prêt de l'affiéger dans Conftantinople, à traiter avec lui. Cet Empereur fçut faire fi bien valoir » l'amitié, qui avoit été auparavant entre lui & notre Roi, qu'il » avoit dans les tems précedens, fait Patrice & même Conful, qu'il vint à bout de l'amener au point, non feulement de faire la paix, mais de fe charger encore d'aller venger les outrages » faits à l'infortuné Auguftule, à condition néanmoins que les "Oftrogots jouiroient des Provinces, dont ils auroient chaffé Odoacer, comme d'un bien légitimement acquis. Voilà le pa»cte en vertu duquel nous nous fommes rendus les maîtres de (4) Tunc temporis cum Zeno Orientis fet, quippe adfcriptus Patriciis & factus RoImperator in animo haberet ei qui confors manorum Conful fuerat, Augustufo illaprincipatus fuerat à Tyranno factam inju- tam injuriam ultum iret, ac Provincias ipriam ulcifci, atque has oras in libertatem fe & Gothi deinceps jure optimo poffiderent. reftituere, cumque Odoacri potentiam ever- Hoc igitur pacto Italiæ regnum adepti Letere non poffet, Theodorico l'rincipi noftro ges ac regiminis formam haud minori stuparanti ipfum ac Bizantium obfidere, per- dio quam quivis Imperatorum vererum coufuafit ut in gratiam fecum rediret, hono- fervavimus. rum memor quos ab ipfo confecutus jam el

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Proc. de ball. Goth. lib. 3. cap. 6.

» l'Italie, où nos Princes ont maintenu & les Loix & l'ancienne >> forme de gouvernement, auffi-bien qu'aucun des Empereurs qui ont regné dans ces pays-là avant eux, les ayent mainte

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» nues.

(a) Durant le cours de la guerre de Juftinien contre les Oftrogots, ils dirent encore, fuivant Agathias, à l'un des Rois Francs fucceffeurs de Clovis, & qu'ils vouloient perfuader au monde fur la justice de leur caufe, afin d'obtenir plus aifément du secours : » Théodoric n'a point ufurpé l'Italie; il s'en eft rendu maître

par une conquête faite dans une guerre jufte, & entreprise de » l'aveu de Zenon, qui pour lors étoit feul Empereur des Ro» mains. L'Italie étoit déja perdue pour eux, quand notre Roi » l'a occupée. C'eft fur Odoacer qu'elle a été conquife par Théodoric, qui en vertu du droit que la victoire donne, devint lé » gitime Seigneur des Etats que poffédoit l'ennemi qu'il défit, » en plufieurs rencontres, & qu'enfin, il fit mourir.

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Les raifonnemens que Procope & qu'Agathias font faire aux Oftrogots fans les réfuter, portent à croire que veritablementZénon, qui craignoit d'être affiegé dans Conftantinople par Théodoric, avoit cedé à ce Roi Barbare pour s'en débaraffer, l'Empire d'Occident; c'est-à-dire, le droit de le conquerir. Les Souverains ne font point auffi difficiles, lorfqu'il s'agit de la ceffion de pareils droits, que s'il étoit queftion de délaiffer la plus petite des Provinces: dont ils font en pleine poffeffion. Mais dès que Théodoric eût fait valoir les droits qu'on lui avoit tranfportés, dès qu'il eûc conquis l'Italie, Anaftafe fucceffeur de Zénon réclama en quel que forte, comme nous le verrons, contre la convention faite par fon prédeceffeur, & dans la fuite Juftinien un des fuccef feurs d'Anaftafe, fit encore davantage. Il entreprit la guerre contre les Oftrogots d'Italie, & après les avoir vaincus, il les traita d'ufurpateurs..

On voit dans ce qui fe paffa entre Zénon & les Oftrogots, une image fenfible de ce qui s'eft paffé entre les Empereurs d'Occident & les Nations Barbares établies dans les Gaules. Ces Princes perdirent à la fin entierement cette grande Province, à force de ceder à diverfes reprises aux Barbares une contrée conferver les autres.

(a) Theodoricus non vi captam, fed Zenonis antea ipforum Regis permiffu fibi adjunxerat Italiam, nihil Romanis eripiens, jam enim ca privati erant: Quin potius ca

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fo Odoacro, omnia quæ ejus erant belli ja re occupavit.

Agathias de Rebus Juftin. lib. primo.

Ce fut l'année (4) quatre cens quatre-vingt-neuf, que Théodoric se mit en marche pour fon expédition d'Italie. Ódoacer voulut lui difputer le paffage de la riviere d'Ifonzo, mais il fut battu, & Théodoric pénétra dans le pays; néanmoins Odoacer ne fe tint pas défait, & après avoir raffemblé fes troupes, fe campa près de Véronne pour empêcher fon ennemi de s'avancer davantage. On en vint donc aux mains pour la feconde fois, & le fort des armes fut encore favorable à Théodoric.

il

L'année fuivante, il fe donna une troifiéme bataille auprès de l'Adda. Les troupes de chaque Parti étoient aguerries, & les mauvais fuccès précedens n'avoient point découragé celles d'Odoacor. (b) Cependant il y fut encore défait, & réduit à s'enfermer dans la Ville de Ravenne, devant laquelle fon ennemi vint camper.

Le fort des armes continua d'être favorable à Théodoric. L'année quatre cens quatre-vingt-onze, Odoacer étant sorti de Ravenne la nuit avec un corps de troupes, apparemment dans le deffein de rallier quelqu'un des fiens, & de tenir la campagne, Théodoric le fuivit, l'atteignit (c) à trois milles. de cette Ville, & là il le défit pour la quatrième fois. Ce fut la même année que Zénon Empereur des Romains d'Orient mourut, & qu'Anaftafe dont il fera parlé plus d'une fois dans cette Hiftoire, lui fucceda.

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Il fe conclut l'année (d) fuivante une espece d'accord entre Odoacer & Théodoric, mais leur réconciliation ne dura long-tems. Un an après, c'eft-à-dire, en quatre cens quatrevingt-treize, (e) Théodoric entra dans Ravenne, où il avoit

(a) Probinus & Eufebius. 'His Confulibus feliciffimus atque fortiffimus Dominus nofter Theodoricus intravit Italiam, cui Odoacer ad Ifontium pugnam parans, vi&tus cum tota Gente fugatus eft. Eodem anno repetito conflictu Veronæ fugatus eft Odoacer.

Caff. Faft. ad ann. 489.

Probino & Eufebio. His Confulibus ingreffus eft Theodoricus Rex in Italiam Ponte Ifontii.

Mar. Aven. Chr. ad ann. 489.

(b) Fauftus junior Conful. Hoc Confule ad Ducam Fluvium, Odoacrem Dominus nofter Theodoricus Rex tertio certamine fuperavit, qui Ravennam fugiens obfidetur inclufus.

Caffiodorum legitur ad Ducam Fluvium.

Valef. Rer. Franc. tom. pr. pag. 244. (c) Olybrius V. C. Conful. Hoc Confule Odoacer cum Erulis egreffus Ravenna noEturnis horis, ad Pontem candidum à Domino noftro Rege Theodorico memorabili certamine fuperatur..... .. Eodem anno Zeno occubuit Conftantinopoli, cui Anaftafius in Orientali fucceffit Imperio.

Caffiod. Faft. ad ann. 491.

(d) Quod dum nihil proficeret missa legatione Oduacer pacem fupplicat. Cui & primum concedens Theodoricus, poftmo dum hac luce privavit.

Jornandes de rebus Get. cap. 57.

(e) Albinus V. C. Conful. Hoc Confule Dominus nofter Theodoricus Rex Ravennam ingreffus, Odoacrem molientem fibi Ad Aduam Fluvium non ut mendofe apud infidias interemit. Faft. Caff, ad ann: 4931.

Caffiod. Faft. ad ann. 490.

été convenu que fon rival fe tiendroit. Le Roi des Oftrogots y fit querelle de nouveau à Odoacer, qu'ilaccufa, foit à tort, foit avec raifon,d'avoir tramé une confpiration contre lui, & ille fit mourir.

Cette mort dut faire pofer les armes à tous les Barbares du Parti d'Odoacer. Aufli ne voit-on pas que Théodoric ait trouvé dans la fuite aucune oppofition, de leur part, à l'établissement de fon autorité. Nous verrons que celles qu'il effuya, vinrent d'ailleurs. Il y avoit déja trois ans, avoit déja trois ans, dit Jornandès, que Théodoric fe trouvoit en Italie, où il étoit entré en vertu d'un décret de l'Empereur Zénon (4), lorfqu'il vint à bout de fe défaire enfin d'Odoacer. Auffi-tôt après la mort de ce Prince, ajoûte notre Historien, Théodoric quitta le vêtement qu'il portoit comme Patrice, & il reprit avec l'habit ordinaire de fa Nation, les marques de la Royauté, comme pour donner à entendre qu'il vouloit regner fur les Romains, ainfi qu'il regnoit fur les Of trogots, c'est-à-dire, gouverner les Romains en qualité de Roi. On verra dans la fuite de cet Ouvrage plus en détail quelle fut la conduite de Théodoric, ainfi que fa broüillerie, & fon racommodement avec l'Empereur d'Orient. Ici nous nous contenterons de faire quelques réflexions fur l'effet que la nouvelle de la ceffion faite par l'Empereur Zénon au Roi des Oftrogots, & celle des heureux fuccès de ce dernier, durent produire dans les Gaules.

Cette ceffion y aura découragé la plupart de ceux qui fe flattoient encore de voir le Partage d'Occident rétabli dans fon ancienne fplendeur, & gouverné par un Empereur Romain de Nation: Ils auront renoncé à cette efperance, jufques-là leur unique confolation, quand ils auront vû l'Empereur d'Orient renoncer lui-même en faveur d'un Peuple Barbare aux droits qu'il avoit encore fur le Partage d'Occident. Les progrès de Théodoric, & la fin heureuse de fon entreprife auront fait faire de nouvelles réflexions à ceux des Romains des Gaules qui étoient encore libres. Le Roi des Oftrogots, fe feront-ils dit, & le Roi dès Viligots font de la même Nation, & de la même Secte. Dès que Théodoric fera paifible poffeffeur de l'Italie, il aidera fans doute Alaric à faire valoir les droits de

Albino & Eufebio. His Confulibus occifus eft Odoacer à Rege Theodorico in Lau

reto.

Mar. Aven. Ch. ad ann. 493.

(4) Tertioque, ut diximus, anno ingreffus in Italiam Zenonis Imperatoris conful

to, privatum habitum fuæque Gentis veftitum reponens, infigne regii amicus quali jam Gothorum, Romanorumque regnator, adfumit.

Jornandes de rebus Get. cap. $7.

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