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né aux Francs cette riche Contrée. (a) Procope rapporte qu'un Ambaffadeur de ces Gépides, à qui Juftinien avoit, comme on vient de le dire, donné des quartiers auprès de Sirmich, & qui avoient abusé de cette conceffion, dit dans fon audience à cet Empereur: Qu'il fe flate que quelques Contrées occupées par fa Nation fur le territoire Romain, ne feront pas un fujet de guerre sous le regne d'un Prince qui fent fi bien qu'il a plus befoin d'amis que de terres, qu'il vient de céder aux Francs, & à d'autres Peuples des Provinces entieres.

Avant que de perdre de vûë le paffage de Procope, dans lequel la cellion des Gaules aux Francs eft rapportée, il eft à propos de réflechir fur quelques détails qu'il contient, & de dire pourquoi cet Hiftorien affecte de les écrire.

Dès qu'on eft au fait des coutumes & des ufages des Romains, on n'eft pas furpris que Procope obferve que les Princes Francs voulurent auffitôt qu'ils eurent été reconnus Souverains des Gaules par l'Empereur, donner dans Arles des jeux à la Troyennc. En effet, ces jeux qui reffembloient en plufieurs chofes à nos Carouzels, avoient été inventés par les Troyens (b), de qui les Romains fe faifoient honneur de defcendre, & ce fpetacle National, s'il eft permis de le dire, leur étoit d'autant plus agreable, qu'il étoit en quelque maniere une preuve de leur origine. C'étoit celui des jeux du Cirque à qui cette Nation fi éprise des fpectacles, étoit le plus affectionnée. Dans les autres, on voyoit ordinairement des Efclaves, ou tout au plus. des perfonnes à gages qui divertiffoient le peuple, au lieu que dans les jeux à la Troyenne, (c) c'étoit les enfans des meilleures Maisons, qui, pour ainfi dire, donnoient eux-mêmes cette fête domestique. D'ailleurs, les Magiftrats, les fimples Citoyens

(4) Proinde Longobardi Sirmium oppi- | dum & cætera Dalmatia loca belli vobis caufam fore prætendunt, tametfi Imperatori tibi Civitatum tantum & locorum fuperfit, ut vel nationes nonnullas perquiras quibus Imperii partem aliquam ad incolendam concedas, quemadmodum Francos Erulorumque gentem, vel iftos infuper Longobardos tot tantifque vel Civitatibus vel locis donafti, ut ea vix quifpiam queat enu

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Rettulit, & prifcos docuit celebrare Lati

nos;

Quo puer ipfe modo fecum, quo Troïa pubes

Albani docuere fuos, hinc maxima por

ro

Accepit Roma & patrium fervavit hono

rem,

Trojaque nunc, pueri Trojanum dicitur agmen.

Virg. Æn. Lib. quinto.

(c) Sed & Troja ludos edidit frequentiffime majorum minorumve puerorum dilectu, prifci decorique moris exiftimans, claræ ftirpis indolem fic clarefcere.

Sueton. in Aug. cap. 42.

Liv. 17.

4.

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pouvoient bien donner au Peuple à leurs dépens, des combats de Gladiateurs, des reprefentations de Tragédie ou de Comédie, & d'autres fêtes, mais il n'y avoit que l'Empereur qui pût le faire jouir du plaifir de voir les Jeux Equeftres dont nous parlons. Augufte, fuivant le confeil (a) de Mecenas, avoit refervé au Prince feul le droit de donner ce fpectacle. Il eft vrai que Mécenas avoit aufli confeillé à Augufte de ne point celebrer ces jeux fi diftingués ailleurs que dans la Capitale. (b) Les Romains étant auffi épris des fpectacles qu'ils le furent toujours, c'étoit les mettre en quelque façon dans la néceffité de venir de tems en tems dans une Ville, où le Souverain devoit être encore plus le maître qu'ailleurs. C'étoit donner un luftre particulier à la Capitale. Mais les Rois Francs devenus Souverains indépendans des Gaules, ne fe feront point tenus obligés à l'obfervation de cette Loi. Au contraire ils auront été bien aifes d'attacher à la Ville d'Arles qui leur appartenoit, les droits & les prérogatives de Rome. Ainfi nos Rois, en préfidant à ce fpectacle dans Arles, qui fous les derniers Empereurs, avoit été comme la Capitale des Gaules, faifoient connoître qu'ils étoient revêtus de tous les droits des Céfars, & que c'étoit le pouvoir Impérial qu'ils exerçoient fur cette grande Province de la Monarchie Romaine.

Notre feconde obfervation roulera fur ce qu'écrit Procope, que les Rois Francs ne commencerent qu'après cette ceffion à faire fabriquer des efpeces d'or à leur coin. Nous remarquerons pour confirmer ce qu'avance Procope, que comme il a Ch. été obfervé déja, nous n'avons aucunes médailles d'or des prédeceffeurs de Clovis premier, & qu'il eft très-incertain que les monnoyes d'or qu'on voudroit lui attribuer, ainfi que celles qu'on veut attribuer à Thierri fon fils, portent la tête, & qu'elles appartiennent à ces Princes morts avant que Juftinien eût cédé Le Blanc, Tr. la pleine Souveraineté des Gaules aux Francs; mais au contraire noyes de Fran- nous avons plufieurs monnoyes d'or qui portent le nom & la ce, pag. 14. tête de Theodebert, de Childebert & des autres Princes qui regnoient quand cette ceffion fut faite, ou qui ont regné depuis. Je crois donc conformément au récit de Procope, que tous les Princes qui avoient regné fur les Francs avant la ceffion dont il s'agit, n'avoient point fait frapper aucune espece d'or à leur

hift des Mon

19. & 21.

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(b) Porro ludos equeftres nulli aliį Ur. bi exhibenda cenfeo.

Dio. lib. 52. & 530

coin, c'est-à-dire, avec leur nom & leur tête. Ils auront laiffé les Monétaires des Villes où leur autorité étoit reconnue, en liberté de fabriquer les efpeces d'or au coin de l'Empereur regnant qui étoit toujours réputé le Seigneur fuprême du territoire où ils s'étoient établis. Voilà pourquoi toutes les médailles d'or qu'on trouva en grand nombre dans le cercueil de Childeric lorfqu'il fut découvert à Tournai au milieu du dernier fiecle, font des monnoyes frappées au coin des Empereurs Romains. Si Childeric eut fait fabriquer des efpeces d'or avec fon nom & fon cffigie, on auroit plûtôt enterré avec lui de ces efpeces-là, que des monnoyes fur lefquelles il n'y avoit rien qui pût fervir à perpétuer fa mémoire.

Pourquoi les Rois Barbares s'abftenoient-ils de faire battre dans les Pays où ils étoient les maîtres, des monnoyes d'or à leur coin? Procope nous le dit. Les Barbares eux-mêmes les euffent rebutées, parce qu'ils auroient douté de la bonté de semblables efpeces. A plus forte raifon, les Romains qui habitoient avec cux, auroient-ils refufé de recevoir ces monnoyes. Comment venir à bout de la repugnance que les uns & les autres ils auroient eue à les prendre pour bonnes? Les remedes propres la vaincre n'étoient gueres connus de nos premiers Francs peu inftruits dans cette partie du gouvernement civil qu'on appelle la Police des Marchés. Ainfi les premiers Rois Francs élevés dans une forte de vénération pour le nom Romain, auront mieux aimé tolerer que les monnoyes des Villes, où ils étoient les maîtres, & dont les Officiers étoient probablement Romains, continuaffent à frapper au coin des Empereurs les efpeces d'or qu'ils fabriquoient, que de fe jetter dans un embarras dont ils n'étoient pas affurés de fortir à leur honneur.

Monfieur le Blanc croit que Procope a tort quand il écrit que les autres Rois Barbares, & même celui des Perfes n'ofoient faire frapper de la Monnoye d'or à leur coin.

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Quelque peu vraisemblable, dit cet Auteur dans fon Traité hiftorique des Monnoyes de France, que foit ce que Procope » dit du Roi de Perfe, dont la puiffance étoit fi redoutable aux Empereurs d'Orient, que Juftinien même fut obligé de lui » demander la paix, & de lui payer un tribut annuel, les Sça»vans n'ont pas laiffé de croire cet Hiftorien fur fa parole..... » Pour moi l'avantage que Procope donne à nos Rois au deffus » de celui des Perfes, qui en écrivant aux Empereurs Romains, prenoit le titre de Grand Roi & de Roi des Rois, ne sçauroit

Tome II.

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Pag. 31.

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m'empêcher d'être d'un fentiment contraire, & d'affurer que » ce qu'il dit, eft un effet de la vanité Grecque, & qu'il a vou»lu dans cet endroit flatter les Empereurs aux dépens de la » verité. Il n'en faut pas aller chercher des preuves plus loin » que dans le Cabinet de Sa Majefté, où il y a vingt-quatre » fols d'or très-fins & très - confervés, qui portent le nom & l'image de plufieurs Rois Vifigots qui ont regné en » Espagne.

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Il ne me paroît point difficile de juftifier la fincerité de Procope contre les reproches fondés fur les deux faits allegués par l'Auteur moderne qui vient d'être cité. Quant au premier, je dirai que l'Hiftorien Grec n'entend point parler du Roi qui regnoit fur la Monarchie des Perfes, du Prince qui s'intituloit le Roi des Rois ou le Grand Roi, mais bien du Chef de quelque Peuplade de Sujets de la Monarchie des Perfes fortis de leur Pays par differens motifs, & qui s'étoient enfuite établis dans un certain Canton du territoire de l'Empire d'Orient, où ils vivoient fur le même pied que les Barbares Hôtes de l'Empire d'Occident vivoient fur le territoire de cet Empire avant fön renversement arrivé fous Auguftule. Qu'il n'y eut plufieurs Peuplades de Sujets du Roi des Perfes, qui fuffent alors établies fur le territoire de l'Empire d'Orient, c'eft de quoi il n'eft pas permis de douter. On voit en lifant le panégyrique de Maximilien Hercule, que dans les Pays fitués au-delà de l'Euphrate (a) & qui après avoir été long-tems une partie du Royaume des Perfes fe donnerent volontairement à l'Empereur Diocletien, il étoit demeuré un nombre de Perfes qui avoient reconnu volontairement son voir, à condition qu'on les laiffât vivre fous le gouvernement de Chefs de leur Nation, qui, conformément à l'ufage de ces tems-là, avoient pris le titre de Roi. C'est ce qu'il me paroît que fignifie Regna Perfarum dans le paffage que je rapporte. Prifcus (b) Rhétor Auteur du cinquiéme fiecle dit, que de fon tems, l'Empereur Léon reçut des Ambaffadeurs que le Roi des Perfes lui envoyoit pour fe plaindre que fes Sujets, qui se réfugioient fur le territoire de l'Empire d'Orient, y fuffent reçus,

(a) Credo itidem opimam illam fertilemque Syriam amplexu fuo tegebat Euphrates, antequam Diocletiano fponte fe dederent regna Perfarum.

Mam, in Paneg. Maxi. Herc. Ed. Cellarii, pag. 13.

(b) Venit & legatio à Perfarum Rege

pou

quæ multos è Perfide ad Romanos Eoos confugere querebatur & Magos atque alios qui jam inde à prifcis temporibus Romanorum finium funt incolæ, à patriis moribus, legibus & inftitutis & antiquo religionis cultu abduci.

Prifc. Rh. in excer. Leg. Canto. Edit. p. 70.

& que
les Romains lui débauchaffent même tous les jours ceux
qui habitoient fur la frontiere de fes Etats. Il paroît en lifant une
des lettres de Sigifmond Roi des Bourguignons à l'Empereur
Anaftafe, que le Chef ou le Roi particulier de la Nation des
Parthes, qui pour lors (4) étoit un des Peuples foumis à la Mo-
narchie des Perfes, traitoit actuellement pour fe retirer à cer-
taines conditions fur le territoire de l'Empire d'Orient.

Il fe peut faire encore que ce Roi des Perfes, dont parle Procope, fut un des defcendans d'Hormifdas frere aîné de Sapor le Roi des Perfes, contre qui l'Empereur Julien fit la guerre où il fut tué. Cet Hormifdas qui s'étoit établi dans l'Empire, laiffa certainement un fils qui s'appelloit Hormifdas comme lui, & de qui Ammien Marcellin & Zofime parlent dans leurs Hiftoires.

Am. Mar. lib.

Zol. Lib. 4.

P. 209.

Ce qui acheve de prouver que Juftinien avoit des Perfes, quels 26. qu'ils fuffent, au nombre de fes Sujets, c'eft qu'il employa un grand nombre de Soldats & d'Officiers de cette Nation dans la guerre contre les Oftrogots. Procope parle en plufieurs endroits des Perfes qui portoient les armes pour le fervice de ce Prince en Italie. Il dit dans un de ces endroits: (b) » Cabadés fils de Zamis & petit - fils de Cabadés Roi de Perfe, s'étoit réfugié depuis long-tems fur le territoire de l'Empire, pour éviter les embuches de fon oncle Chofroés, & il commandoit un corps compofé de Perses transfuges. Comme on appelloit en Occident Roi des Francs abfolument un des Rois qui regnoit fur les Francs, comme on y appelloit abfolument Roi des Bourguignons un des Rois qui regnoient fur les Bourguignons, on aura de même appel-. lé dans l'Orient Roi des Perfes tous les Rois qui regnoient fur les Perfes. Ainfi l'on aura nommé abufivement fi l'on veut, Rois des Perfes, les Chefs des Peuplades de Perfes établies fur le territoire de ce Partage. C'eft de ces Chefs que Procope aura dit, qu'ils ne pouvoient point faire battre de la monnoye d'or à leur coin.

Quant aux Rois des Vifigots, les vingt-quatre monnoyes d'or de ces Princes, lefquelles M. le Blanc cite, & dont même il donne l'eftampe, ne prouvent en aucune façon que les Rois Vifigots ayent fait fabriquer des monnoyes d'or à leur coin, dans les tems où de leur aveu, ils n'étoient encore que les Hôtes de l'Empire d'Occident, & que par conféquent Procope ait tort gis nepos, qui nt in libris fuperioribus rettuli, exitium fibi à Chofroe patruo decretum effugerat. Chanarangis opera, feque ad Romanos multo ante receperat.

(4) Parthicus ductor propter pacis com. | modum in Romanum Imperium gaudeat tranfire. Aviti Ep. 83.

(b) Perfas multos transfugas ducebat Cabades Zamis filius & Cabadis Perfarum Re

Procop. de Belle Goth. lib. 4. cap. 26.

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