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regloit dans les affaires fpirituelles & les matieres Ecclefiafti ques. Gregoire de Tours dit en parlant de Salvius Evêque d'Alby, lequel avant que d'embraffer (a) l'état Ecclefiaftique avoit fervi dans les Cours de Judicature Laïques : Qu'il avoit été vêtu long-tems comme les perfonnes du fiecle, & qu'il avoit travaillé avec les Juges du monde aux Procès qui doivent être terminées fuivant la Loi du Monde.

Il eft encore dit dans le ferment de Charles le Chauve. (b) » Nous promettons à tous nos Sujets, de quelqu'Ordre qu'ils puiffent être de faire rendre justice à chacun d'eux, suivant » les décifions des Loix Eccléfiaftiques, comme fuivant les dé»cifions des Loix du Monde, qui feront applicables à fa cause. Il eft fi clair que ce n'eft point la Loi Civile d'aucune Nation particuliere, qui fous le nom de Loi du Monde, eft opposée au Droit Canonique dans le ferment de Charles le Chauve, mais bien la collection des Loix Civiles de toutes les Nations fou

mifes à Charles le Chauve; qu'il me paroît furprenant que des Auteurs modernes ayent crû que par la Loi du Monde il fallut entendre feulement le Droit Romain.

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Il eft dit encore dans un Capitulaire de Carloman fils de Louis le Begue (c) » Le Comte enjoindra à fon Vicomte, à » fes Centeniers, & aux autres Officiers de la République, auffi » bien qu'aux Citoyens habiles dans l'intelligence de la Loi du Monde, de prêter leur miniftere aux Evêques & aux pauvres » toutes les fois qu'ils en feront requis par les uns & par les » autres. « Si la Loi du Monde eût voulu dire feulement le Code Theodofien, Carloman cut ajouté, & dans les autres Loix Civiles. Il devoit être question tous les jours d'agir & de juger fuivant toutes ces Loix-là.

Un des plus précieux monumens litteraires de nos Antiqui tés, c'est la Lettre écrite par Hincmar Archevêque de Reims, à Charles le Gras, pour l'inftruire en détail de la maniere dont Charlemagne avoit gouverné la Monarchie Françoife. Hincmar avoit vû Charlemagne, & nous avons déja dit plufieurs

(a) Diu in habitu fæculari commoratus, cum Judicibus fæculi Mundiales caufas exercuit.

Greg. Tar. Hift. Lib. 7. cap. 1.

(b) Et unicuique corum in fuo ordine fecundum fibi competentes Leges tam Ecclefiafticas quam mundanas rectam rationem & juftitiam confervabimus.

Baluz. Cap. tom. 1. pag. 269.

(c) Comes præcipiat fuo Vicecomiti fuifs que Centenariis ac reliquis Miniftris Reipublicæ nec non Francis hominibus Mundana Legis documentis cruditis, ut pro amore Dei omnipotentis ac pace fanctæ Ecclefiæ & fidelitate noftra ex hoc adjuvent quantum melius potuerint, quoties Miniftri Epifcopo rum five etiam ipfi pauperes cos appellave rint. Ibid. pag. 288.

"

que

le cas

fois, que le Gouvernement de cette Monarchie avoit été fous
les Rois Carlovingiens, le même à peu-près qu'il avoit été fous
les Rois Mérovingiens. Notre Prélat écrit donc à fon Prince!
» Un des principaux foins du Comte du Palais, étoit, que tous
» les procès mûs ailleurs, & qui étoient portés devant le Roi,
» foit
par voye d'appel ou autrement, y fuffent terminés de
» maniere, que Dieu & le monde approuvaffent le Jugement.
» S'il arrivoit que le cas fût tel, qu'il ne fe trouvât rien de sta-
» tué à son sujet dans les Loix Mondaines, ou bien
» dont il s'agiffoit y fût décidé trop rigoureufement, parce que
» le Code qu'on devoit fuivre, avoit été redigé quand la Na-
» tion à laquelle il fervoit de Loi, étoit encore Payenne, & ne
» connoiffoit point l'efprit de douceur que refpire le Chriftianif
»me, pour lors le Procès s'examinoit en prefence du Roi, afin
» que ce Prince en ordonnât par l'avis de ceux de fes Confeil-
»lers qui fçachant la Loy Mondaine & la Loy de l'Evangile,
» avoient encore plus de refpect pour la derniere que pour l'au-
» tre. Alors on mettoit d'accord ces deux Loix s'il étoit poffi-
ble, & s'il ne l'étoit pas, il falloit que la Loi du fiécle fe tût
» devant la Loy de Dieu (a).

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On voudra bien obferver, qu'Hincmar en difant au pluriel les Loix Mondaines, enfeigne évidemment que la Loi Mondaine étoit non pas un feul Code, mais un Recueil de plufieurs. Ce paffage ne me paroît point avoir befoin d'aucun autre Commentaire. Enfin le Lecteur peut voir dans les Notes de Monfieur Baluze fur les Capitulaires, plufieurs autres paffages qui Tom, 2. font foi, qu'on oppofoit la Loi mondaine aux Saints Canons. 111 Cette divifion du Peuple d'une Monarchie en plufieurs Nations distinctes ne paroît plus auffi extraordinaire qu'on la trouve d'abord, après qu'on a fait réflexion qu'encore aujourd'hui il y a même en Europe, plufieurs Contrées où deux Nations differentes habitent ensemble depuis plufieurs générations, fans être pour cela confondues. Les defcendans des Anglois qui s'établirent en Irlande il y a déja plufieurs fiécles n'y font point encore confondus avec les anciens Habitans de cette Ifle. Les

(4) Si quid vero tale effet, quod Leges Mun- | danæ hoc in fuis diffinitionibus ftatutum non haberent, aut fecundum Gentilium confuetudinem, crudelius fancitum effet quam Chriftianitatis rectitudo, vel fancta autoritas merito non confentiret, hoc ad Regis moderationem perduceretur, ut ipfe cum his Tome II

qui utrumque Legem noffent, & Dei magis
quam humanarum Legum ftatuta metuerent,
ita decerneret, ita ftatuerer, & ubi utrum-
que fervari poffet, utrumque fervaretur
fin autem lex fæculi merito comprimeretur,
juftitia Dei confervaretur.

Hinc. Ep. 2. Cap. 21.

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Turcs établis dans la Grece depuis trois fiecles, y font toujours une Nation differente de celle des Grecs. Les Armeniens, les Juifs, les Egyptiens, les Syriens & les autres Chrétiens Sujets du Grand Seigneur, ne font pas plus confondus avec les Turcs que le font les Grecs. Il y a plus, toutes ces Nations ne fe confondent pas enfemble dans Conftantinople ni dans les autres lieux de l'Empire Ottoman où elles habitent pefle mefle depuis plufieurs fiecles. La difference de Religion ou de Secte qui eft entre toutes ces Nations contribue beaucoup, dira-t-on, à faire subsister la distinction dont il s'agit, j'en tombe d'accord. Mais la prévention de nos Barbares en faveur de leur Nation, leur eftime pour la Loi & pour les ufages de leurs Peres, & d'un autre côté l'attachement des Romains à leur droit & à leurs mœurs, auront operé dans la Chrétienté, ce qu'opere la difference de Religion dans les Etats du Grand Seigneur. Si la politique des Sultans entretient avec foin cette difference Nationale, qui empêche que tous les Sujets d'une Province n'entreprennent rien de concert contre le gouvernement, pourquoi nos premiers Rois n'auront-ils point auffi penfé que leur autorité feroit mieux affermie fi leur peuple demeuroit divifé en plufieurs Nations, toujours jaloufes l'une de l'autre, que fi ce peuple venoit à n'être plus compofé que d'une feule & même Nation?

On voit encore le Peuple d'une même Contrée divifé en pluficurs Nations dans les Colonies que les Européans ont fondées en Afie, en Afrique ou en Amérique, & principalement dans celles que les Caftillans ont établies dans cette derniere partie du monde. Je dis quelque chofe de femblable, car il s'en faut beaucoup que la difference qui étoit entre les diverfes Nations. qui habitoient ensemble dans les Gaules, dans l'Italie & dans l'Espagne durant le fixiéme & le feptiéme fiécles, fût auffi grande & pour ainsi dire, auffi marquée, que l'eft par exemple la difference qui fe trouve entre les diverfes Nations dont le Mexique eft habité, foit par rapport aux ufages & aux inclinations, foit par rapport à la condition de chacune d'elles, comme au traitement qu'elles reçoivent du Souverain. Les Espagnols, les Indiens & les Negres libres dont eft compofé le peuple du Mexique, font originairement des Nations bien plus differentes par l'exterieur & par les inclinations que ne l'étoient les Habitans de la Germanie & ceux des Gaules, lorfque les premiers Germains s'établirent dans les Gaules. D'ailleurs les Espagnols fe font établis dans le Mexique, en fubjuguant les armes à la

main les anciens Habitans du Pays, & les Negres qui s'y trou vent, y ont été tranfportés comme efclaves achetés à prix d'argent, ou bien ils defcendent d'ayeux qui ont eu cette destinée. Au contraire les Francs & les autres Germains qui s'établirent dans les Gaules, s'y établirent non pas fur le pied de conquerans, mais fur celui d'Hoftes & de Confederés ; c'eft-à-dire, pour y vivre fuivant les conventions qu'ils faifoient avec les anciens Habitans du Pays.

CHAPITRE I I.

De la Royauté de Clovis & de celle de fes Succeffeurs. Etabliffement de la Loi de Succeffion. Que l'Article de cette Loi qui exclut les Filles de France de la Couronne, eft contenu implicitement dans les Loix Saliques.

L

E pouvoir de Clovis & celui des Rois fes fucceffeurs confiftoit en ce que ces Princes étoient non-feulement Souverains & Rois des Francs, mais auffi en ce qu'ils étoient en même tems les Rois ou les Chefs fuprêmes de chacune des Nations dont le Peuple de leur Monarchie étoit compofé. Par exemple, Theodebert étoit non-feulement Roi des Francs Saliens & des Francs Ripuaires établis dans fon Partage, mais il étoit encore Roi des Bourguignons, Roi des Allemands, Roi des Romains, en un mot, Roi particulier de chacune des Nations établies dans ce Partage. C'eft ce qui fut dit à ce Prince même par Aurelianus Evêque d'Arles dans la Lettre dont nous nous fommes fervis à la fin de notre cinquiéme Livre. (a) » ne parlerai point, écrit ce Prélat à Theodebert, de la gran» deur de votre Maison. Je ne m'amuferai point à faire valoir » que vous gouvernez avec le même Sceptre plufieurs Socie»tés differentes, que votre Royaume renferme diverfes Na» tions unies fous un feul Maître, & que d'un Trône folide»ment établi vous donnez des ordres également respectés dans » des Pays éloignés les uns des autres; mais je ne puis me re

(a) Prætereo generis tui ftemma fidereum: Taceo illud quod unicus fceptris, multiplex populis, gente varius, Dominatione unisus, folidus regno, diffufus imperio, Illud ta

» Je

men quod ftylo rerum magnitudo fuggerit, non tacebo. Dicam igitur quod ortum moribus tranfcendifti, &c.

Du Ch. tom. I. pag. 857.

» fufer de parler de vos vertus encore plus grandes que votre » élevation. « On a vû que Saint Remi écrivoit à Clovis peu de tems après le Baptême de ce Prince. « (4) Vous avez un grand État à conduire, & fi la Providence le permet, à ré»tablir: Vous êtes le chef & le conducteur de plus d'une » Nation.

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Comme nous voyons aujourd'hui que plufieurs Etats indépendans les uns des autres, n'ont tous cependant qu'un feul & même Chef politique, & qu'ils compofent ainfi cette efpece d'affemblage de Souverainetés que les Jurifconfultes du Droit Public des Nations, appellent un Systême d'Etat : Comme nous voyons, par exemple, que le Royaume de Hongrie, le Royaume de Bohême, le Duché de Brabant, & les autres Souverainetés qui compofent le patrimoine ou le Mayorafque de l'aîné de la Maifon d'Autriche, n'ont toutes qu'un feul & même Chef politique, l'Empereur Charles, fixiéme; quoiqu'elles foient point incorporées enfemble; quoiqu'elles ayent chacune fon Sceau particulier, & qu'elles foient même indépendantes l'une de l'autre : De même on voyoit dans les Gaule durant le fixiéme fiecle & durant les fiecles fuivans, les differentes Nations qui les habitoient, n'avoir toutes, quoiqu'elles fuffent diftinctes l'une de l'autre, qu'un feul & même Chef ou Prince qui s'intituloit fimplement fuivant l'ufage de ce tems-là, Roi des Francs, parce que ce titre étoit le plus ancien titre dans la Maifon dont il fortoit. Voilà même pourquoi, lorfqu'il arrivoit qu'il y cût plufieurs Rois de cette Maifon, parce que la Monarchie étoit partagée en plufieurs Royaumes, tous ces Princes portoient alors le même titre. J'ajouterai encore, que comme les Bohêmiens n'obéïffent point à Charles VI. parce qu'il eft Roi de Hongrie, mais parce qu'il eft Roi de Bohême; de même les Romains des Gaules n'obéïffoient point à Dagobert I. par exemple, parce qu'il étoit Roi des Francs; mais parce qu'il étoit leur Souverain, leur Chef fuprême, ou fi l'on veut, le Prince des Romains des Gaules. C'eft le titre que donne (b) à Dagobert un Auteur fon contemporain qui le qualifie expreffément de Roi des Francs & de Prince des Romains. Dès le tems du haut Empire la dénomination de Frinceps ou de Prince, étoit

(a) Manet vobis regnum adminiftrandum, & Deo aulpice procurandum. Populorum caput eftis & regimen fuftinetis.

Du Chefne, Tom. pr. pag. 849.

(b) Dagobertus Rex Francorum & Ro mani Populi Princeps, cum multis & variis eventibus premeretur. Vita S. Martini Vertav. Du Ch. Tom. 1. pag. 655.

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