ÆäÀÌÁö À̹ÌÁö
PDF
ePub

celle par laquelle on défignoit dans l'ufage du monde, le Souverain, & pour parler notre ftyle, l'Empereur, celui qui réuniffoit fur la tête toutes les Dignités dont l'on a pû voir dès le premier Livre de cet Ouvrage que le Diadême Impérial, étoit pour ainfi dire compofé. Quand l'Empereur Othon veut faire entendre à fes Soldats qu'ils doivent refpecter le Sénat, l'ouvrage des Dieux & de Romulus le Fondateur de Rome, & qui après avoir fubfifté avec fplendeur fous les autres Rois ainfi que dans les tems que Rome fe gouvernoit en République, avoit encore continué de fubfifter dans fon éclat fous les Empereurs : Othon (a) dit que le Sénat a continué de fleurir fous les Princes. Enfin Prince fignifioit la même chofe que le nom d'Auguste abfolument dit. Auffi voyons-nous, que fi la vie de Saint Martin de Vertou donne à Dagobert le titre de Prince des Romains, quelques médailles de Theodebert, donnent aux enfans de Clovis le nom d'Augufte. Quelqu'avantage qu'ils avoient remporté, s'y trouve défigné par la Légende, Victoria Auguftorum. Si 'Empereur d'Orient trouva mauvais à deux cens ans de-là, que Charlemagne prît auffi-bien que lui le titre d'Augufte & d'Empereur, c'eft que nos Rois n'avoient point encore pris ces titres dans les Lettres qu'ils avoient écrites à l'Empereur d'Orient. On ne fçauroit dire que l'appellation de Princeps n'eût pas confervé fous le bas Empire la même acception qu'il avoit fous les premiers Céfars. On feroit démenti par Severe Sulpice qui a vêcu dans le cinquiéme fiecle de l'Ere commune. Cet Auteur voulant dire que Conftantin le Grand a été le premier Empereur Chrétien, il écrit (b) que Conftantin a été le premier Prince des Romains qui ait profeffé la Religion Chrétienne.

Comme la réunion du droit de fuccéder à plufieurs Etats indépendans l'un de l'autre, laquelle fe fait fur une feule & même tête, ne les incorpore point; comme elle ne fait, pour ufer de l'expreffion ufitée en cette occafion, que les vincoler en leur donnant toujours le même Maître à chaque mutation de Souverain, de même la réunion du droit de regner fur plufieurs Nations, faite fur la tête des Rois de la premiere Race, n'incorporoit point ces Nations. Ce droit laiffoit fubfifter chacune d'elles en forme de focieté diftincte. Par exemple, fi la Loi de fucceffion obligeoit les

(4) Hunc Senatum aufpicato à parente & conditore urbis noftræ inftitutum, & à Regibus ufque ad Principes continuatum. Tacit. Lib. Hift. pr.

(6) Namque tum Conftantinus rerum po tiebatur, qui primus omnium Romanorum Principum Chriftianus fuit.

Sev. Sulp. Hift. Lib. Sec.

Romains des Gaules à reconnoître pour Souverain le Prince, qui étoit appellé à la Couronne des Francs, ce n'étoit point parce qu'il devenoit Roi des Francs, mais c'étoit parce qu'il fe trouvoit en même tems appellé à la Principauté des Romains en vertu des conventions qu'ils avoient faites avec Clovis, & en vertu des Diplomes des Empereurs.

Perfonne n'ignore que dans les Monarchies héréditaires on appelle Loi de fucceffion abfolument, la Loi qui regle la succesfion à la Couronne, & qu'on y regarde avec raifon comme leur plus ferme foutien, parce qu'empêchant les interregnes, & difpenfant des Elections, elle prévient la plus dangereufe des conteftations qui puiffent naître dans un Etat ; celle de fçavoir, qui doit y fucceder. Elle eft d'autant plus funefte, qu'il eft ordinaire qu'elle dégenere en guerres civiles, durables & fatales fouvent à l'Etat même: En effet la Loi de fucceflion oblige nonfeulement le Peuple à reconnoître pour Souverain celui des Princes de la famille regnante, que l'ordre de fucceder tel qu'il eft établi dans l'Etat, appelle à remplir le Trône dès qu'il est devenu vacant ; mais elle oblige auffi le Prince dont le rang pour monter au Trône eft venu, à fe charger du poids du gouvernement, fans qu'il puiffe fe refufer à fa vocation, ni même abdiquer la Couronne, qu'avec le confentement du Peuple. Dès que le pacte qui engage réciproquement un certain Peuple à une certaine Famille, & une certaine Famille à un certain Peuple, a été fait, dès que la Loi de fucceffion dont ce pacte eft la baze a été une fois établie : D'un côté le mort faifit le vif, qui n'est point obligé à demander le confentement de perfonne pour exercer un droit qu'il ne tient plus que de Dieu feul, qui par une Providence particuliere l'a fait naître dans le rang où il est né, & dont par confequent il n'y a point de pouvoir fur la Terre qui puiffe le dépouiller malgré lui: D'un autre côté les Sujets ont droit de proclamer ce Succeffeur fans attendre fon confentement, & de le déclarer chargé de tous les foins attachés à la Royauté. Si ceux qui compofent le peuple font nés pour être fes Sujets, il eft né pour être leur pere.

La Monarchie Françoife ayant été héreditaire dès fon commencement, il doit y avoir eu une Loi de fucceffion dès le regne de Clovis qu'on peut regarder en quelque maniere comme fon Fondateur. Tâchons donc d'expliquer en premier licu comment cette Loi y a été établie par la réunion de tous les droits acquis par fon Fondateur, & faite par lui à la Couronne des Francs

Saliens qui étoit héréditaire. Nous examinerons enfuite de quels articles elle pouvoit être compofée.

&

On a pû obferver déja que la Nation des Francs tandis qu'elle habitoit encore dans la Germanie, étoit divifée en differentes Tribus, dont chacune avoit fon Chef ou fon Roi particulier; & qu'il eft très probable que toutes elles choififfoient leurs Rois entre les Princes d'une même famille, dans la famille qu'on avoit nommée à cause de cela la Maison Royale, lorfqu'il arrivoit un interregne. On voit encore plus diftinctement en lifant le commencement de nos Annales, que les Couronnes des diverfes Tribus des Francs étoient héréditaires, du moins en ligne directe, que les fils des Princes qui avoient été une fois élûs, fuccedoient à leur pere, fans avoir befoin pour cela d'une Election perfonnelle. Ils étoient réputés avoir été compris dans la vocation de leur pere. En effet, lorfque Clovis propofa aux Ripuaires de le prendre pour Roi, il appuya fa demande de la raifon : Que la pofterité de Sigebert qu'ils avoient élû pour regner fur eux étoit éteinte. Le difcours de Clovis à cette Tribu fuppofe qu'elle n'auroit point été en droit d'élire Clovis, s'il fût resté quelque defcendant mâle de Sigebert. Quand Gregoire de Tours fait mention de l'avenement de Clovis à la Couronne des Saliens, il fe fert d'expreffions qui donnent l'idée d'une fucceffion & non point d'une Election. Childeric étant mort, dit cet Hiftorien, fon fils Clovis regna en fa place. Si ces preuves ne paroiffent point décisives, qu'on faffe attention, qu'elles deviennent telles par la nouvelle force qu'elles tirent de l'ufage obfervé dans la Monarchie depuis la mort de Clovis; & cette force eft d'autant plus grande, qu'il ne fe trouve rien dans les monumens de notre Hiftoire qui les contredise.

Lorsque Clovis réunit un an avant fa mort à la Couronne des Saliens, les Couronnes des autres Tribus de la Nation des Francs, ce fut des Couronnes héréditaires qu'il réunit à une Couronne héréditaire. Le nouveau Diadême se trouva donc être pleinement héréditaire par fa nature. Il étoit composé d'Etats déjà héreditaires avant leur reunion."

Il eft vrai que la Couronne de la Monarchie Françoise n'étoit pas formée uniquement des Couronnes de toutes les Tribus des Francs. Elle étoit compofée de ces Couronnes, &, pour user de cette expreffion, du Diadême Confulaire que l'Empereur Anaftafe avoit mis fur la tête de Clovis, & qui rendoit ce dernier le Chef des Romains des Gaules, non-feulement pendant la durée

de cette Magiftrature, qui, comme on le fçait, étoit annuelle, mais pendant un tems indéfini; car il eft vrai-semblable, comme nous l'avons déja infinué, qu'Anastase en conferant à Clovis le Confulat pour une année, lui avoit conferé en même tems la puiffance Confulaire pour les tems postérieurs à cette année-là. Clovis devoit très-probablement continuer après que cette année auroit été expirée, à jouir de l'autorité Confulaire, quoiqu'il ne fût plus Conful. C'eft ce qu'on peut inferer de la narration de Gregoire de Tours, dans laquelle on lit, qu'on s'adreffoit à Clovis, après qu'il eut été revêtu de cette Dignité, comme on s'adreffoit au Conful, comme on s'adreffoit à l'Empereur. En effet, ces derniers mots paroiffent fe rapporter aux tems pofterieurs à l'année du Confulat de Clovis, après laquelle on ne fe fera plus adreffé à lui comme au Conful, mais comme à celui qui exerçoit toujours l'autorité Impériale. Dans cette fuppofition, Anastase n'aura fait pour Clovis qu'une chose à peu près semblable à celle que l'Empereur Arcadius avoit faite pour Eutrope, qui après avoir été Conful en l'année trois cens quatre-vingt dix-neuf, & après être forti de Charge en l'année quatre cens, puifque Stilicon & Aurelianus, fe trouvent infcrits fur les Faftes Confulaires de cette derniere année, conferva encore long-tems le pouvoir Confulaire. Zofime ne dit-il pas pofitivement (4): Que le Confulat d'Eutrope étant expiré, on ne laiffa point de s'adreffer toujours à lui, comme à un Conful, & qu'il fut dans la fuite revêtu de la Dignité de Patrice. Si mon opinion ne juftifie point quelques Auteurs d'avoir fuppofé, que Clovis n'eût point été Conful, du moins elle les justifiera d'avoir écrit que Clovis avoit été Patrice.

Il femble que ce pouvoir confié à Clovis perfonnellement, ne dût point être hereditaire. J'en tombe d'accord. Mais il fe peut faire que le Diplome de l'Empereur Anastase n'eût point nommé Clovis perfonnellement Conful, & qu'attendu l'état où étoient les Gaules en cinq cens neuf, il eût conferé cette Dignité au Roi des Francs Saliens abfolument, & quel qu'il fût. Il se peut faire qu'Anaftafe eût uni-le pouvoir Confulaire fur les Gaules à la Couronne des Francs, ainfi que l'Empereur Gallien avoit uni l'administration d'une portion de l'Afie à la Couronne des Palmireniens. Du moins est-on porté à croire, qu'il s'étoit fait

(a) Eutropius ad fummum jam potentiæ faftigium elatus, adeo quidem ut inter Confules defignaretur & Confulatus appellatio

nem diutius retineret & Patriciorum deni
que Dignitatem adeptus effet.
Zof. Lib. Hift. 5, p. 312.

dèse

dès-lors quelque chofe d'approchant, quand on obferve qu'après la mort d'Odénat Roi des Palmireniens, à qui Gallien avoit conferé ce pouvoir, Ermias Vabalatus fils d'Odénat s'en mit en poffeffion, & même que Zenobie femme d'Odénat & mere de Vabalatus, l'exerça durant le bas âge de fon fils.

Dans la fuppofition que nous hazardons ici, concernant le contenu au Diplome, par lequel le Confulat fut conferé à Clovis, les enfans de ce Prince auroient eu droit de fucceder au pouvoir Confulaire, parce qu'ils avoient droit de fucceder à la Couronne de leur pere. C'eft ainfi que les Princes qui ont droit de fucceder à l'Electorat de Baviere, ont droit de fucceder en même tems à la Dignité de Grand Maître de l'Empire, attachée à cet Electorat. Il en eft de même des Princes appellés aux autres Electorats par rapport aux grandes charges de l'Empire, réunies aux bonnets de ces Principautés.

Quoi qu'il ait été ftatué dans le Diplome de l'Empereur Anaftafe, la question à laquelle il aura pû donner lieu, fut pleinement décidée par la ceffion des Gaules, que Juftinien fit aux Rois des Francs. Après la ceffion dont je viens de parler, les Romains de cette grande Province devinrent pleinement Sujets de nos Rois, & le droit de Souveraineté fur ces Romains fut totalement réuni à la Couronne des Francs, & la portion du Diadême Imperial à laquelle les Gaules étoient, pour parler ainfi, annexées, furent joints indiffolublement. Il en fut de même du droit de Souveraineté fur les Bourguignons & fur les Turingiens, dès que les enfans de Clovis eurent fubjugué ces Nations. Je reviens à Clovis.

Si l'on pouvoit douter que ce Prince & fes Prédeceffeurs euffent été des Rois héreditaires, on ne fçauroit douter du moins que fes Succeffeurs ne l'ayent été. Il est évident par l'Histoire, que ces Princes monterent fur le Trône par voye de fucceffion, & non point par voye d'élection.

En premier lieu, Gregoire de Tours ne fait aucune mention d'Election dans les endroits de fon Ouvrage, où il parle de vingt mutations de Souverains des Francs, arrivées dans les tems dont il écrit l'Hiftoire. Combien de fois cependant, auroit-il eu occafion de parler des Affemblées tenues pour l'Election d'un Roi, fi l'on en avoit tenu à chaque mutation de Souverain? Nos Affemblées fe feroient-elles paffées fi tranquillement, qu'elles n'euffent jamais fourni aucun de ces évenemens, tels qu'un Historien fous les yeux de qui ils font arri

Tome II.

Ddd

« ÀÌÀü°è¼Ó »