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ne l'étoit pas. Gregoire de Tours dit en parlant d'un des Peres, dont il écrit la Vie: (a) » Le Bienheureux Patroclus étoit fils » d'Etherius de la Cité de Bourges. Dès que notre Saint fut à l'âge de dix ans, on lui donna la commiffion d'avoir foin de plufieurs troupeaux de moutons appartenans à fa famille, » parce qu'Antémius fon frere avoit pris le parti de s'avancer » par l'étude. L'un & l'autre, ils n'étoient pas Nobles, mais ils » étoient nés libres. Or il eft fenfible par le nom que portoit Patroclus, comme par le nom de fon pere & par celui de fon frere, que ce Patroclus étoit Romain. On verra quand il en fera tems, que Monfieur de Valois & les autres Ecrivains Sçavans dans nos Antiquités, enfeignent qu'on reconnoît au nom propre de celui dont parlent les Auteurs du cinquiéme fiecle ou des fiecles fuivans, s'il étoit Romain. Ainfi le paffage de Gregoire de Tours prouve feulement que de fon tems, les Citoyens de la Nation Romaine, qui habitoient dans les Gaules, étoient encore divifés en trois Ordres, comme nous l'avons déja dit au commencement de ce Chapitre, & comme nous le dirons encore. Le paffage dont il s'agit, ne prouve donc rien concernant la Nation des Francs.

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Ainfi je conclus de tout ce qui vient d'être expofé, que la Nation des Francs, il n'y avoit point aucunes familles de Citoyens, qui en qualité de Nobles, formaffent un Ordre particulier, & au fang defquelles il y eût des prérogatives & des droits tellement attachés, qu'ils s'acquiffent par la feule filiation. La conftitution de la Societé dans la Nation des Francs, étoit à cet égard la même qu'elle eft encore aujourd'hui dans le Royaume d'Angleterre. En Angleterre tous les Citoyens font du même Ordre, en vertu de la naiffance. Si les Lords ou les Seigneurs y forment comme Pairs, un Ordre diftingué de celui des Čitoyens communs, fi ces Lords jouiffent de plufieurs prérogatives & droits qui leur font particuliers, ils n'en jouiffent qu'en vertu de la poffeffion actuelle d'une dignité, qui bien qu'héréditaire, eft originairement un emploi attributif de commandement & d'autorité dans une portion du Royaume. C'eft en vertu de cette dignité, qu'ils ont plufieurs privileges dans les affaires civiles, comme dans les procês criminels, & qu'ils ont acquis le droit

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d'entrer de leur chef dans les affemblées représentatives de la Nation, où ils forment, fous le nom de Chambre des Pairs ou de Chambre Haute, un College, un Sénat particulier. C'est fi bien à la poffeffion de leur dignité, érigée en premier lieu par le Roi, que les droits des Lords font attachés, que leurs freres, iffus du même fang, ne jouiffent point en vertu de leur naiffance d'aucune prérogative qui ne leur foit pas commune avec tous les autres Citoyens. Si ces freres entrent dans l'affemblée représentative de la Nation, c'est seulement dans la Chambre baffe, & comme Députés élus volontairement par leurs Concitoyens. Les freres des Lords, quelque titre que la courtoifie leur faffe donner dans le monde, n'ont aucun privilege dans leurs procés civils ou criminels, & les Anglois ne les comprennent pas fous le nom de Nobleffe. On ne comprend en Angleterre fous le nom de Nobilti, que les Seigneurs. En un mot, le frere du premier Pair ou du premier Baron d'Angletere, n'eft que du fecond Ordre, en vertu de sa filiation. Il y a plus; Le Sujet, fils aîné d'un Pair, & qui eft appellé au titre de fon n'est que pere, du fecond Ordre, tant que fon pere vit; & fi pour lors il entre dans le Parlement, il n'y entre qu'en qualité de Député, élu par fes Concitoyens, pour fervir dans la Chambre des Communes.

Quoique j'aye été un peu long à traiter la queftion; Si dans les premiers tems de notre Monarchie, la Nation des Francs étoit divisée ou non en plufieurs Ordres, j'efpere que le Lecteur ne me reprochera point d'avoir été prolixe hors de propos. Comme je l'ai déja dit dans le Difcours que j'ai mis à tête de cet Ouvrage, il eft impoffible de bien expliquer le Droit public, en ufage fous les Rois de la troifiéme Race: Le Droit public qui eut lieu dès que les Nations differentes qui habitoient les Gaules eurent été confondues, & n'en firent plus qu'une, fi l'on n'a pas bien éclairci auparavant le Droit public, en ufage fous les Rois des deux premieres Races; & le point que je viens de traiter, eft un des plus importans dans tout Droit public.

CHAPITRE V.

Continuation de ce qui regarde la Nation des Francs en particulier. On reconnoît fi les perfonnes, dont l'Hiftoire parle étoient des Romains ou des Barbares, au nom propre qu'elles portoient. Que le Pouvoir Civil fut réuni au Pouvoir Militaire fous les Rois Merovingiens. Quelle étoit fous ces Princes la Langue commune dans les Gaules.

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PRE'S avoir vu quelle étoit la Loi des Francs, voyons quelles étoient les perfonnes préposées pour la faire obferver. Les Rois auffi jaloux d'exercer par eux-mêmes le pouvoir civil que le pouvoir militaire, faifoient fouvent les fonctions de premier Magiftrat. A cet égard ils imitoient les Empereurs Romains. On en verra une infinité de preuves dans la fuite. Il paroît même par le Capitulaire de Childebert II. que fuivant ce qui fe pratique encore en Angleterre, on n'exécutoit aucun Citoyen à mort que la fentence de fa condamnation n'eût été renduë, ou du moins confirmée par le Prince. Il eft dit dans ce Capitulaire. » En conféquence de la réfolution prife dans le Champ de Mars » tenu à Cologne, nous avons ordonné que dès qu'un Juge aura » connoiffance d'un vol commis dans fon reffort, il fe tranfpor» tera à la demeure du malfaiteur, & qu'il s'en affurera. Si le vo» leur eft de condition libre, il fera traduit devant nous; mais » s'il eft de condition fervile, il fera pendu fur les lieux (a). J'ai traduit ici Francus non point par Franc, mais par Homme de condition libre, fondé fur deux raifons. La premiere, c'eft que dès la fin du fixiéme fiécle, & le Capitulaire de Childebert a été fait vers l'année cinq cens quatre-vingt quinze; Francus fignifioit non-feulement un homme de la Nation des Francs, mais auffi quelquefois un homme libre en général : C'està-dire un Citoyen de quelque Nation qu'il fût. M. Ducange dans fon Gloffaire, prouve très-bien que le mot Francus a été pris

(a) Similiter Kalendis Martii Colonia convenit & ita bannivimus ut unufquifque judex criminofum latronem audierit, ad cafam fuam ambulet, & ipfum ligare faciat,

ita ut fi Francus fuerit ad noftram præfentiam dirigatur, & fi debilior perfona fuerit in loco pendatur.

Capitul. Baluz. tom. 1. pag. 19..

fouvent dans cette acception-là, car les paffages que cet Auteur y rapporte ne laiffent aucun donte fur ce fujet. Ma seconde raifon eft que Francus eft ici oppofé fenfiblement à un homme ferf de quelque genre que fût son esclavage, & non pas un homme d'une autre Nation que celle des Francs. Jamais on ne trouvera les Citoyens des autres Nations que celle des Francs, défignés par l'appellation de Debilior perfona, qui revient au capite minutus des Romains. Le titre foixante & dix-neuvième de la Loi Ripuaire, rapporté ci-deffus, parle encore de voleurs pendus après avoir été jugés par le Roi. Il semble, à la maniere dont Thierri fit exécuter Sigvéald, & par l'Ordre qu'il donna de faire mourir le fils de Sigévald fans forme de procès, que nos Rois jugeoient les criminels en la maniere qu'il leur plaifoit, fans être aftraints à aucune forme, & ce qui eft plus dur, même fans être obligés d'entendre l'accufé. Cela paroît encore par les termes qu'employent les Hiftoriens en parlant de quelques exécutions faites en conféquence d'un Jugement du Prince. Rauchingus, Bozon-Gontran, Urfio & Bertefridus, (a) dir Fredegaire, ayant confpiré contre la vie de Childebert, ce » Prince ordonna lui-même de tuer ces Seigneurs. « En un mot, on voit dans differens endroits de notre Hiftoire, que les Rois Merovingiens s'attribuoient le droit de juger leurs Sujets, de quelque conditions qu'ils fuffent, auffi arbitrairement que le Grand Seigneur juge les fiens. Ils exerçoient fur les particuliers la même autorité que Clovis exerça fur le Franc, qui avoit donné un coup de hache d'armes fur le vafe d'argent reclamé par S. Remy. Auffi ces Princes ont-ils fouvent éprouvé tous les malheurs aufquels les Sultans des Turcs font exposés. Nous reviendrons encore à ce fujet-là, en parlant de l'étendue du pouvoir de nos Rois.

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Ceux qui commandoient aux Francs immédiatement fous les Rois, s'appelloient Seniores, ou les vieillards. Ces Sénieurs, s'il eft permis d'employer ici dans cette acception, un mot qui n'eft plus en ufage parmi nous, que pour fignifier les anciens de quelques Compagnies, étoient à la fois les principaux Officiers du Roi, tant pour le civil que pour le militaire. » Parmi les Germains, dit Monfieur de Valois, on appelloit les Sénieurs, ceux qui avoient rempli les principaux emplois civils ou mili

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(a) Ipfo quoque tempore Rauchingus & Bozo - Guntramnus, Urfio & Bertefridus Optimates Childeberti Regis eo quod cum

tractaverant interficere, ipfo Rege ordi-
nante interfecti funt.
Fredeg. Chron. Cap. 8.

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taires, & ils avoient beaucoup de part au Gouvernement. Lorqu'il arrivoit quelqu'évenement, le Roi les mandoit, & » ils lui difoient leur avis en toute liberté. On lit dans les Com» mentaires de Céfar, que les Ufipétes & les Tancteres, deux » Nations Germaniques qui habitoient fur les bords du Rhin, » vinrent le trouver, ayant à leur tête leurs anciens & les » fonnes principales de chaque Nation (a). « M. de Valois après avoir rapporté plufieurs paffages d'Auteurs anciens, où il eft fait mention des Sénieurs des Germains, ajoute : » Parmi » les Francs qui étoient un Peuple Germanique, on appelloit » donc les Sénieurs, ceux qui ayant occupé les premiers emplois, foit dans les armées, foit dans le gouvernement civil, foit à la Cour, & fe trouvant avancés en âge & décorés en » même tems, demeuroient ou dans les Villes de la domina» tion des Rois des Francs, ou bien dans leurs propres Métai

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ries, comme des perfonnes, à qui leurs travaux paffés » avoient acquis le droit de jouir d'un repos honorable. Ils » étoient en grande confidération, & ils fervoient de Confeil»lers aux Ducs comme aux Comtes lorfqu'ils rendoient la Juftice, & de Miniftres à nos Rois, à la table defquels ils pou» voient manger. L'Auteur que je continué de traduire, rapporte enfuite des endroits de notre Hiftoire, où il est fait mention de plufieurs Sénieurs des Francs; après quoi il dit: » Dans » un Concile tenu à Clermont, en cinq cens trente-cinq, fous » le bon plaifir du Roi Theodebert, il fut ordonné par le cinquiéme Canon: Que les Sénieurs des Francs & les Anciens qui fe trouveroient dans leurs Châteaux ou bien à la fuite de » la Cour, feroient tenus à Pâques, à la Pentecôte, & à Noël,

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(a) Apud Germanos Seniorum qui honores gefferant & pace ac bello inclaruerant, maxima erat autoritas. Eorum præcipuè confilio Refpublica gerebatur. Hi fi quid adveniffet evocati convenire, & à Regibus confuli ac libere dicere fententiam confueverant. Caius Cæfar in quarto Commentariorum de Ulupetibus & Tencteris Germanis Gentibus Rheni accolis, fic fcribit. Germani frequentes omnibus Principibus, Majoribufque natu adhibitis, ad cum in caftra venerunt.. ... Apud Francos Gentem Germaniæ ficuti apud cæteros Germanos Seniores five Majores natu erant atque vocabantur qui poftquam Civiles aut Militares Magiftratus gefferant, aut in Palatio militaverant jam ut ætate fic dignita

re provecti, pars in Urbibus regni Francia, pars in villis fuis agebant tanquam emeriti atque veterani. His magnus ab omnibus honor habebatur. Hi Comitum & Ducum jus dicentium, hi regum noftrorum confiliarii atque adceffores ac convivæ erant. . . . . Concilium in Urbe Arvernis habitum eft confenfu Regis Theodeberti poft Consulatum Paulini junioris anno Chrifti quingentefimo trigefimo quinto, cujus Canon decimus quintus, Senioribus, Francis feu Majoribus natu qui in villis fuis vel in aula commorantur præcipit, Natalem Domini, Pafcha & Pentecoften in fua quemque Urbe & apud fuum quemque Epifcopum celebrare. Val. Not. Gall. ad voc. Rothomagum. pag. 484.

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