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palement fur cette fauffe idée, qu'on a bâti le fiftême chimérique, qui fait venir de ces Francs, l'Ordre de la Noblesse exiftant aujourd'hui dans le Royaume, & qui voudroit revêtir cet Ordre d'une infinité de prérogatives & de droits, qu'on trouve bon d'attribuer à nos Francs, mais dont ils ne jouirent jamais. Nous allons voir qu'il en étoit des Francs comme des Romains, & des autres Nations qui habitoient dans les Gaules. Tous les Citoyens de ces Nations, faifoient bien profeffion des armes en un fens, parce que, comme il n'y avoit pour lors, que très-peu de troupes reglées, ils fe trouvoient fouvent dans l'obligation de manier les armes. Il y en avoit même quelques-uns d'entre eux, qui faifoient plus particulierement profeffion des armes, parce qu'ils compofoient la Milice ordinaire des Gaules, ou celle qui étoit toujours commandée pour marcher en campagne dès qu'il y avoit guerre. Tels étoient parmi les Romains, ceux qui poffedoient encore des benefices militaires, & les Sol dats des Légions, qui étoient paffées en quatre cens quatrevinge dix-fept au fervice de Clovis. Tels étoient les Francs qui poffedoient les Terres Saliques, dont nous parlerons inceffamment. Mais fi ceux des Francs, qui étoient dans une obligation particuliere d'aller à la guerre, ne faifoient point d'autre profef fion que celle des armes, du moins ceux qui n'avoient d'autre obligation de fervir, que celle qui étoit commune à tous les Citoyens, ne laiffoient pas d'exercer d'autres profeffions, & d'en faire leur occupation ordinaire. En un mot, il y avoit des Francs dans tous les états & conditions de la Societé.

Dès que la Nation cut été établie dans les Gaules, & qu'elle eut embraffé le Chriftianifme, il y eut plufieurs Francs qui entrerent dans l'Etat Eccléfiaftique, & qui prirent les Ordres facrés. Monfieur de Valois, après avoir fait l'énumeration des Evêques qui fignérent les Actes du Concile tenu dans Orleans, la vingt-fixième année du regne de Childebert fils de Clovis, dit qu'on reconnoît au nom que portoient trois des Prélats qui les ont foufcrits, (a) fçavoir Lauto Evêque de Coutance, Lubenus Evêque de Chartres, & Ageric Evêque de Verdun, qu'ils étoient fortis tous trois de la Nation des Francs. Les Actes d'un autre Concile Nationnal tenu à Orleans la trente-huitiéme année du regne du même Childebert, font auffi foi qu'il

(4) E quibus Lautonem, Leubenum & Agericum Francos fuiffe indicant nomina Valef. Rer. Franc. Tom. 1. pag. 424.

SIXIE' ME. avoit dès-lors plufieurs Francs déja parvenus à l'Epifcopat. En s49. les Actes de ce Concile font foufcrits par Genotigernus Evêque de Senlis, par Saffaracus Evêque de Paris, & par Mcdoveus Evêque de Meaux. On voit par le nom de ces trois Evêques, qu'ils étoient Barbares, & comme probablement il n'y avoit gueres alors d'autres Barbares établis dans leurs Diocèfes que des Francs, & comme d'ailleurs c'étoit le Peuple qui élifoit fes Evêques, il paroît évident que nos trois Prélats étoient des Francs qui s'étoient engagés dans les Ordres, & qui avoient été élûs par les bons offices de leurs compatriotes. Les Actes du Concile tenu à Paris en cinq cens cinquante-fept, font foufcrits par douze Evêques Romains, & par trois Evêques Barbares de Nation. On voit encore par les Actes des Conciles fuivans, que le nombre des Evêques fortis des Nations Barbares, alloit toujours en augmentant dans les Gaules par proportion au nombre des Evêques Romains de Nation, qui diminue de Concile en Concile. Un paffage d'Agathias qui a été rapporté, Hist. lib. 1à dit auffi, que les Francs, dans le tems que cet Historien écrivoit,c'est-à-dire, un peu-après le milieu du fixiéme fiécle, avoient des Evêques fortis de leur Nation, & un endroit de Theganus que nous avons fait lire dans le Chapitre precedent, montre que la plupart des Evêques qui manquerent à la fidélité qu'ils devoient à Louis le Débonnaire, étoient ou des Serfs affranchis qu'il avoit élevés à l'Epifcopat, ou des Barbares parvenus à cette Dignité.

Suivant l'apparence, Leuto, Génotigernus & les autres Francs que nous trouvons Evêques dès le milieu du fixiéme fiecle, n'avoient point été élûs avant que d'avoir pris les Ordres facrés, ni même peu de tems après les avoir pris. Il eft même apparent que les Peuples n'auront pas choifi pour leurs Evêques les premiers Francs qui auront pris les Ordres. Dans chaque Diocèfe, le peuple, qui pour la plus grande partie étoit compofé de Romains, aura voulu fçavoir par l'expérience, avant que d'élire des Francs pour fes Evêques, fi les perfonnes de cette Nation étoient propres au gouvernement Eccléfiaftique, dont l'efprit eft fi fort oppofé à celui du Gouvernement Militaire. Il aura fallu du tems aux Eccléfiaftiques Francs de Nation pour faire revenir les Romains de la prévention, dans laquelle il étoit naturel qu'ils fuffent, contre l'administration d'un Evêque né Barbare. D'ailleurs, quoique Leuto, Ageric, Genotigernus, Saffaracus & Medovcus, foient les premiers Evêques Francs que

nous connoissions, il fe peut bien faire qu'il y en ait eu d'autres auparavant. Si tous les Evêques des pays de la domination de Clovis, fe fuffent trouvés au premier Concile d'Orleans, peutêtre verrions-nous parmi les foufcriptions faites au bas de fes Actes, la fignature de dix ou douze Evêques Francs de Nation. Mais dira-t'on, tout ce que vous avancez, concernant la Nation dont étoient Genotigernus & les autres Evêques, qui ont foufcrit les Actes des Conciles Nationaux que vous citez, & concernant la Nation des Evêques qui ont foufcrit les Actes des Conciles poftérieurs dont vous avez parlé, n'eft point fondé fur les Actes de ces Conciles. Il n'y eft point dit que ces Evêques fuffent Francs. Chacun des Evêques qui les ont fignés, a bien ajouté à fon nom propre le nom du Diocèfe dont il étoit Evêque, mais il n'y a pas joint le nom de la Nation dont il étoit forti, Saffaracus énonce bien, par exemple, dans la foufcription qu'il étoit Evêque de Paris, mais il n'y dit point qu'il fût Franc de Nation; d'où tenez-vous le fecret de leur naiffance?

Je réponds que leur nom propre fait fuffifamment connoître qu'ils n'étoient pas Romains, & par conféquent qu'ils étoient Barbares. Tous les Ecrivains célébres pour avoir illuftré notre Hiftoire, fuppofent, & même quand la queftion fe prefente, ils foutiennent expreffément, que par le nom que portoit une perfonne qui vivoit dans le cinquiéme fiecle & dans les fiecles fuivans, on reconnoît fi elle étoit Romaine ou Germaine de Nation. Monfieur l'Abbé Fleuri de l'Académie Françoise, juge très-fouvent fur le nom de ceux dont il s'agit, de laquelle des deux Nations ils étoient. C'eft fur le nom des Evêques qui ont fouferit les Actes des Conciles des Gaules, qu'il juge que jufHiftoire du qu'au huitiéme fiecle, la plupart d'entr'eux ont été Romains. Droit Fr. pag. Mais je me contenterai de faire lire ici ce que dit à ce fujer-là Monfieur de Valois, parce que les autres Auteurs font de même Annal. Coin- fentiment que lui. Ce fçavant homme, après avoir rapporté ce qu'on lit dans Gregoire de Tours, concernant Deuteria, l'une des femmes du Roi Theodebert, fils de Thierri I. ajoute: (4)

16.

tiani. Tom. I. pag. 127.

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"On voit affez par le nom feul de Deuteria qu'elle étoit Gau» loife, ou comme on le difoit alors, Romaine, car on doit fçavoir, que toutes les perfonnes de ce tems-là, dont notre » Hiftoire fait mention, & qui portent un nom Grec ou Ro>> main, étoient Gauloifes. Les noms propres Gaulois avoient » ceffé depuis long-tems d'être en ufage. Au contraire, on doit » tenir pour Francs de Nation, ou du moins pour Germains, les perfonnes de ce tems-là, qui portent des noms tirés de la Lan»gue Germanique. On peut même, en fuivant ce principe, » diftinguer les Vandales des Romains d'Afrique, les Visigots » des Romains d'Efpagne, les Oftrogots des Romains d'Italie, » enfin les Bretons Infulaires des Anglois. Monfieur de Valois, qui dans le paffage dont on lit la traduction, traite d'un évenenement arrivé vers le milieu du fixiéme fiecle, ajoute: » Il est » vrai que dans les tems poftérieurs, quelques-uns des Francs, non-contens d'époufer des femmes Gauloifes, prirent aufli » des noms & des furnoms Romains, & que d'un autre côté, quelques-uns des Romains prirent des noms Francs. C'est ce » qu'il fuffira d'avoir remarqué une fois.

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Je dirai en paffant, qu'on peut confirmer par le témoignage de l'Abbréviateur, ce qu'avance Monfieur de Valois en conféquence de fon principe général, concernant Deuteria la femme de Theodebert en particulier, l'Abbréviateur écrit en termes exprès, que cette Deuteria, (4) étoit Romaine de Nation.

portent,

En effet, comme la plupart des noms propres viennent de quelque mot de la langue maternelle, de ceux qui les il s'enfuit qu'on connoît de quelle Nation font les perfonnes que l'Hiftoire nomme, dès qu'on peut fçavoir de quelle langue font dérivés les noms propres que l'Hiftoire leur donne. Ainfi nous pouvons aisément reconnoître les Romains à leur nom, tirés du Latin ou du Grec, qui étoit devenu une langue trèscommune parmi eux. Quant aux noms Barbares, on les reconnoît pour tels, foit parce qu'on fçait ce qu'ils fignifient en langue Germanique, foit parce qu'on en voit porter de femblables à des perfonnes, qu'on fçait d'ailleurs avoir été Barbares, foit enfin parce qu'ils ne font pas Romains. Je n'en dirai point davantage fur ce fur ce fujet, dans la crainte qu'il ne parût, fi je le traitois plus au long, que j'aurois voulu m'approprier comme une nouvelle découverte, une obfervation faite par d'autres, & fuffi

(4) Theudebertus relinquens Vifigardem, Theoteriam genere Romanam duxit uxòrem. Ep. Cap. 39.

famment autorifée par le nom feul de fes Auteurs.

Au refte comme les Francs, qui prenoient le parti de l'Etat Eccléfiaftique, fe faifoient couper les cheveux pour s'habiller à la façon des Romains, & comme tout Eccléfiaftique (a), vivoit felon la Loi Romaine, ces Francs étoient réputés avoir quitté leur Nation pour se faire de la Nation des Romains, & par conféquent ils étoient tenus pour inhabiles à remplir aucune des dignités particulieres à la Nation des Francs, & fur tout à parvenir à la Royauté, où il eft bien apparent que l'on ne pouvoit point afpirer fans être de cette Nation. La raison le veut ainsi, & d'ailleurs il eft certain qu'on ne pouvoit pas prétendre à la Royauté des Vifigots qu'on ne fût Vifigot, ainsi qu'il est déclaré (6) dans un Canon du cinquiéme Concile de Tolede, tenu depuis la converfion des Vifigots à la Religion Catholique. Voilà pourquoi Clovis, comme nous l'avons vu, fit couper les cheveux à Cararic & à fes enfans, lorfqu'il voulut les rendre incapables d'être Rois d'aucune des Tribus des Francs. Voilà pourquoi Childebert & Clotaire donnerent à fainte Clotilde le choix de voir couper les cheveux des fils de Clodomire, dont ils vouloient ufurper le Royaume, ou de voir poignarder ces jeunes Princes. Enfin voilà pourquoi faint Cloud, le troifiéme des fils de Clodomire fut regardé comme mort civilement pour les Francs, dès qu'il eut coupé fes cheveux, & qu'il fe fut fait Ecclefiaftique. Auffi Gregoire de Tours obferve-t'il, que ce Prince fe coupa les cheveux de fa propre main, & pour ainfi dire, que ce fut lui-même qui s'immola. Qu'il me foit permis de hazarder une conjecture? Il n'eft point apparent, que l'on coupât les cheveux au Franc qui fe faifoit Eccléfiaftique, fans quelque cérémonic. Un Acte tel que celui-là qui changeoit l'état d'un Citoyen, devoit être un Acte autentique, & dont il reftât des preuves. Je conjecture donc qu'il a donné lieu à la cérémonie de la Tonfure, qui eft le premier pas pour entrer dans l'Etat Eccléfiaftique. Ce qui peut appuyer cette pensée, ce font les paroles que la perfonne à qui l'on confere la Ton

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(a) Omnis Ordo Ecclefiarum fecundum Legem Romanam vivat.

Baluz. Cap. primo, Tom. I. pag. 690. (b) Inexpertis & novis morbis, nova decet invenire remedia. Quapropter quia funt inconfideratæ quorumdam mentes & fe minime capientes quos nec origo ornat neç virtus decorat, qui paffim putant licenterque ad Regiæ Majeftatis pervenire faftigia,

| Hujus rei caufa noftra omnium cum invocatione divina profertur fententia, ut fi quis talia meditatus fuerit quem nec electio omnium præficit, nec Gothica Gentis nobilitas ad hunc apicem trahit, fit confortio Catholicorum privatus & divino ana❤ themate condemnatus.

Concil. Toletan. quint. Can. tertio,

fure,

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