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Bretons réfugiés dans les Gaules, ont vêcu durant les premiers tems de leur établissement.

Quant aux Juifs dont nous avons obfervé déja, qu'il y avoit déja un grand nombre dans les Gaules lorfque les Francs s'y établirent, je crois qu'ils y furent regardés comme faifant une portion de la Nation Romaine, mais la portion la plus baffe.

Nous avons donc vû que le Peuple de la Monarchie fe divifoit premierement en Barbares & en Romains, que les principales Nations Barbares étoient les Francs dits abfolument, les Ripuaires, les Bourguignons, les Allemands & les Bavarois, qui tous avoient leur Loi particuliere fuivant laquelle ils vivoient. Nous avons auffi parlé des Etrangers qui ne faifoient point un Corps confiderable, & qui fe trouvoient établis dans le territoire de la Monarchie, comme les Teifales, les Saxons & les Bretons Infulaires. Il paroît qu'après cela il fallut, pour fuivre l'ordre de la premiere divifion, parler à prefent des Romains, & leur donner un Chapitre à part. Mais ce que nous avons à en dire, est tellement lié à tout ce qu'il convient d'expofer, pour donner une idée de l'Etat & Gouvernement général des Gaules, fous Clovis & fous fes premiers Succeffeurs, qu'afin d'éviter les redites nous ne ferons point un Chapitre particulier, pour expliquer quelle étoit fous ces Princes la condition des Romains des Gaules.

CHAPITRE VIII.

Du Gouvernement général des Gaules, fous Clovis & fous fes
premiers Succeffeurs. Du ferment que prêtoient les Rois
à leur Inauguration.

L

Des Evêques & de leur Pouvoir.

E préjugé vulgaire eft, que Clovis, après avoir conquis les Gaules l'épée à la main, les gouverna avec un fceptre de fer, & même qu'il y réduifit les anciens Habitans à une condiBoulain. Ori- tion approchante de la fervitude, attribuant à fes Francs une gine & Droits autorite fur le Peuple Gaulois, avec une diftinction formelle, telle que du Maître à l'Efclave. Je crois donc devoir commencer ce Chapitre par quatre obfervations, qui prévenant le Lecteur contre ce préjugé fans fondement, le rendent capable de fe con

de la Noblef

le, pag. 24.

vaincre lui même en lifant les faits qui feront rapportés dans la fuite, qu'il eft abfolument faux que nos Rois ayent jamais réduit les Romains des Gaules dans une efpece d'efclavage, & qu'il eft vrai au contraire, que ces Princes ne changerent rien à la condition des Sujets, & qu'ils changerent très-peu de chofes à la forme du Gouvernement qui avoit eu lieu dans cette grande Province de la Monarchie Romaine, fous les derniers Empereurs.

En premier lieu, on remarquera que, comme on l'a déjà vû dans le premier Chapitre de ce fixiéme Livre, nos Rois de la fe. conde Race prêtoient à leur avénement à la Couronne un ferment à tous leurs Sujets, par lequel ils promettoient de conferver à chaque Nation, fa Loi, fes Ufages & fes Libertés. On voit d'un autre côté par un grand nombre de paffages des Capitulaires rapportés dans cet Ouvrage, que plufieurs de ces Sujets vivoient fuivant la Loi Romaine; elle étoit donc une des Loix dont ces Monarques avoient promis l'obfervation. Or un Prince ne prête pas ferment aux Efclaves de fes Sujets. Il ne le prête qu'à des Citoyens de condition libre. Il n'y a point lieu de douter, attendu la reffemblance qui a été entre le Gouvernement du Roïaume, fous la premiere Race & fous la feconde Race, que l'ufage de ce ferment d'inauguration, n'ait été en ufage dès la premiere. Mais il y a plus, comme je l'ai déja obfervé. Gregoire de Tours, dit pofitivement: Que lorfque le Roi Charibert petit-fils de Clovis, prit poffeffion de la Touraine, ce Prince reçut le ferment de fidélité des Tourangeaux, & qu'il leur en fit un auffi de fon côté, par lequel il promettoit de leur confever leur Loi, & (4) de les laiffer jouir de leurs franchises, & exemptions. Il paroît même en lifant la fuite de ce paffage de Gregoire de Tours, que nous rapporterons dans le quatorziéme Chapitre de ce Livre, que ce ne fut point à une des Nations Barbares établies en Touraine, mais à tout le Peuple du Pays, que Charibert prêta le ferment dont il y eft parlé.

J'obferverai en fecond lieu, que Clovis, comme on l'aura remarqué, n'a rien conquis dans les Gaules fur les Romains, en fubjuguant par force les anciens Habitans du Pays, fi ce n'eft. peut-être la cité de Tongres, celle de Soiffons, & le peu de païs que Syagrius pouvoit tenir dans le voisinage de la derniere. Nous

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mifit, ut leges confuetudinefque novas, populo non infligerer.

Greg. Tur. Hift. Lib. nano, cap. 30.

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ignorons même fi l'inclination des Romains pour Clovis n'eut point beaucoup de part à ces conquêtes-là. Ce fut enfuite par voye de négociation que ce Prince étendit fon Royaume d'abord jufqu'à la Seine, & puis jufqu'à la Loire. Or le premier article de toutes les Capitulations ou conventions qui fe font dans ces changemens de Maîtres, portent que le nouveau Souverain maintiendra fes nouveaux Sujets dans la jouiffance de leurs biens, droits, priviléges & libertés. On a vû auffi, que lorfque Clovis conquit fur les Vifigots les deux Aquitaines & quelques Contrées voifines de ces Provinces, il y étoit appellé par des Romains du Pays, qui ne contribuerent pas peu au fuccès de fes armes.

Ainfi quand nous n'aurions plus la Lettre qu'il écrivit aux Evêques après la fin de fa guerre Gothique, & que nous avons rapportée, il faudroit encore penfer que ce Prince ne dégrada point les Romains des Provinces nouvellement unies à fa Couronne. Le traitement qu'il avoit fait à ces Romains, fes fils l'auront fait aux Romains des Provinces qu'ils conquirent fur les Bourgui gnons, & aux Habitans de celles que fes Oftrogots leur remirent vers cinq cens trente-fept. L'Hiftoire ne rapporte rien de contraire. Elle ne dit en nul endroit que ces Romains ayent fait aucun effort, qu'ils ayent fait aucune démarche, pour ne point paffer fous la domination de Maîtres, qui réduifoient les Gaulois en fervitude. La Vie de faint Céfaire parle de la foumiffion d'Arles aux Rois des Francs, comme d'un événement heureux pour cette Cité. Il y a plus, Gregoire de Tours dit pofitivement: Que toutes les Gaules fouhaitoient fous le regne de Clovis, d'être au pouvoir des Francs. Nous avons rapporté les paffages de ces Auteurs où cela eft dit.

Ma troifiéme observation, c'eft que Clovis lorfqu'Anaftafe lui confera la Dignité de Conful, étoit déja Maître de prefque tous les pays qu'il poffédoit le jour qu'il mourut. L'Empereur des Romains d'Orient, auroit-il revêtu de fon autorité, un Prince qui eût enchaîné les Romains? Juftinien lorfqu'ik transporta aux enfans de Clovis tous les droits de l'Empire fur les Gaules, n'eût-il pas exigé d'eux, en leur faifant cette ceffion, de laiffer jouir les Romains de cette grande Province, de leur état & condition s'ils y euffent été troublés? Le filence de Procope à ce fujet, devroit feul nous perfuader que Juftinien, content du traitement que les Francs faifoient aux Romains des Gaules, ne ftipula rien quant à ce point-là. Je ferai encore une autre réflexion. Nous avons plufieurs Lettres écrites par les Rois Mérovingiens

aux Empereurs de Conftantinople, & l'on peut juger par ces Lettres du contenu des dépêches, aufquelles elles fervoient de réponse. Or l'on n'y voit point que les Romains d'Orient fe foient jamais plaints du traitement que le Franc faifoit aux Romains d'Occident leurs Concitoyens. Theodebert dans la Lettre où il juftifie la Mémoire de Clovis contre les reproches de Juftinien, ne dit rien d'où l'on puiffe inferer que Justinien eût accufé Clovis ni fes Succeffeurs, d'avoir manqué aux conventions qu'ils avoient faites avec les Romains des Gaules.

On a vu dans le premier Livre de cet Ouvrage, que les Gaulois, pour fe rendre agreables aux Romains, & que les Romains pour fe concilier les Gaulois, avoient fuppofé que l'un & l'autre Peuple avoient la même origine, & qu'ils defcendoient également des anciens Troyens. Les Francs dès qu'ils furent établis dans les Gaules, témoignerent qu'ils avoient eu les mêmes vûes qu'avoient eues les Romains. Les Francs voulurent auffi defcendre des Habitans d'Ilion, & par conféquent avoir une origine commune avec celle de tous les Habitans de cette Province, dont les uns defcendoient des Romains qui s'y étoient établis, & les autres defcendoient des anciens Gaulois.

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L'Abbréviateur qu'on croit avec fondement avoir été Frédégaire Franc de Nation, & qui a vêcu environ foixante ans après Gregoire de Tours, écrit: (a) » Les Auteurs qui ont parlé des >> anciens Rois des Francs, difent, que ces Princes defcendoient » des Habitans de Troye, qui comme Virgile le raconte, fut prife fous le regne de Priam, par un ftratagême d'Uliffe. Les Troyens qui s'échapperent alors, eurent d'abord Friga pour "Roi. Les Sujets de ce Prince fe partagerent enfuite en deux. » Peuplades. Une de ces Peuplades s'établit dans la Macédoine. » L'autre qui demeura toujours fous la conduite de Friga, alla » s'établir fur les bords du Danube. Cette derniere Peuplade » fut encore subdivisée en deux Colonies. Une de ces Colonies » dont Francion étoit Roi, prit à caufe de lui le nom de Francs, » & traversant toute la Germanie, & menant avec elle & fem» mes & enfans, elle vint s'établir fur la rive droite du Rhin.

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En 455.

L'Auteur des Geftes qui paroît auffi avoir été Franc de Nation, & qui a écrit fous les derniers Rois de la premiere Race, dit (a): Qu'après la prise de Troye, une partie de fes Habitans vint s'établir fous la conduite d'Enée en Italie, mais que douze mille Troyens qui avoient à leur tête Priam & Anténor, se fauverent fur des vaiffeaux, qui les porterent jufqu'aux Palus Méotides, où ils firent un établissement, qui par fucceffion de tems, devint très-confiderable. Notre Auteur parle enfuite des fervices qu'ils rendirent à l'Empereur Valentinien, qui leur donna le noms de Francs; & puis il ajoute, que les Francs s'étant brouillés avec cet Empereur qui envoya contr'eux une armée formidable, ils prirent le parti d'abandonner leur patrie, pour venir s'établir fur le Bas-Rhin, où ils occuperent le canton de la Germanie, que nous apellons dans cet Ouvrage, l'ancienne France.

Je fçais bien que cette fable ne mérite aucune croyance. Auffi ne la rapportai-je point comme la véritable Hiftoire de l'origine des Francs, mais uniquement comme une preuve que les Francs étoient bien-aifes que les Romains des Gaules les regardaffent plutôt comme des parens ignorés long-tems, que comme des étrangers. Quoique les gens d'efprit puiffent penfer de ces fables, qui donnent à deux Peuples une origine commune, elles ne laiffent pas d'avoir leurs effets. Croit-on que l'opinion qui fait des Irlandois une Peuplade fortie d'Efpagne, n'ait pas un peu contribué au grand attachement qu'ils ont eu dans le feiziéme & dans le dix-feptiéme fiécle pour les Efpagnols ? D'ailleurs les Francs en affectant de publier dans les Gaules durant le fixiéme fiécle & les fiécles fuivans, qu'ils avoient la même origine que les anciens Habitans du Pays, ne difoient rien qui fût plus contre la vraisemblance que ce qu'y avoient débité autrefois les Romains, & que ce qu'y avoient débité depuis les Vifigots. Ces derniers avoient publié dans leurs quartiers, qu'ils defcendoient de Mars auffi-bien que Romulus, & qu'ainfi les Vifigots & les Romains devoient vivre en freres, puifque les uns & les autres ils étoient fortis d'une tige commune. Theodoric II. Roi de cet

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