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tre. Il fe contenta de lui faire effuyer durant trois jours le châtíment ordinaire des efclaves, & au bout de ce tems il lui permit de s'en aller. Peu de jours après Aurelien vint à Soiffons (4) y rendre compte à Clovis de ce qui s'étoit paffé à Geneve & il lui redit exactement la réponse de Clotilde. Ce Prince perfuadé qu'il ne pouvoit faire mieux que de fuivre l'avis qu'elle lui avoit donné, envoya fur le champ des Miniftres revêtus du caractere d'Ambaf fadeurs, la demander en mariage à Gondebaud, l'aîné des Rois des Bourguignons, qui l'accorda parce qu'il n'eut point la force de la refufer, & parce qu'il crut mériter par un prompt confentement l'amitié de Clovis. Les Ambaffadeurs fiancérent donc la Princeffe, en lui donnant fuivant l'ufage des Francs, un fol d'or & un denier, & ils demanderent enfuite qu'il leur fût permis de la conduire au lieu où étoit leur Maître, afin qu'il s'y mariât avec elle. On leur accorda ce qu'ils demandoient, & l'on prépara en diligence à Châlons fur Saone le trouffeau & tout ce qui étoit neceffaire pour les nôces d'une Princeffe d'une fi grande condition. Ce fut donc en cette Ville qu'on remit Clotilde entre les mains des Ambaffadeurs de Clovis, qui la firent monter dans cette efpece de voiture, que les Gaulois appelloient une Bafterne, & its partirent fans perdre de tems, emmenant auffi avec eux plufieurs chariots remplis des effets qui appartenoient à leur Reine.. Ils étoient déja en route quand Clotilde reçut un avis qui l'informoit qu'Aridius étoit de retour de Conftantinople. Elle dit auffitôt aux Sénieurs des Francs; c'eft-à-dire ici, à fes conducteurs: Si vous avez bien envie de me mener jufqu'à la Cour de votre Roi, il faut abfolument que je monte à cheval afin de faire plus de diligence, car fi je continue à voyager en voiture, je n'arriverai jamais jufques-là. Les Francs trouverent que Reine avoit raifon. Elle monta donc à cheval, & gagnant pays, elle arriva où Clovis l'attendoit. La fuite fit voir que cette Princeffe avoit pris un bon parti. Dès qu'Aridius eut mit pied à terre à Marseille (b), & qu'il eut appris la nouvelle du mariage de Clotilde, il prit la pofte, & fe rendit en diligence à la Cour de Gondebaud, qui lui dit d'abord: Sçavez-vous, Aridius, que j'ai fait alliance avec les Francs, & que j'ai donné ma niece Clotil

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leur

niffet, dixit ei Gondobabus: Audifti quod amicitiam cum Francis inivimus, nepotem que meam Chlodoveo tradidi uxorem. Ref pondens Aridius, dixit: Non eft hoc ami citiæ cultus, &c.

Hift. Franc. Ep. cap. decimo nono,

de en mariage à Clovis. Ce mariage, répondit Aridius, loin d'être le fceau d'une aliance durable, doit être la fource de bien des guerres & de bien des malheurs. Vous deviez, Seigneur, lorfqu'on vous l'a propofé, vous fouvenir, (a) que vous avez fait tuer Chilpéric pere de Clotilde, & votre frere, que vous avez fait jetter dans un puits une pierre au col la mere de cette Princeffe, & que vous avez fait le même traitement à fes deux freres, après qu'ils eurent eu la tête coupée par votre ordre. Clotilde eft d'un caractere à venger cruellement fes parens, fi jamais elle eft en pouvoir de les venger. Envoyez inceffamment un bon corps de Cavalerie après elle, & qu'il la ramene ici. Il vaut mieux encore effuyer la bourafque que vous attirera cette efpece de violence, que , que de laiffer achever un mariage qui rendra les Francs vos ennemis, & les ennemis de vos defcendans. Gondebaud crut fon Miniftre, mais les troupes qu'il fit partir fur le champ ne purent pas atteindre Clotilde qui avoit pris les devans. Elles atteignirent feulement la voiture de cette Princeffe, & les chariots qui portoient fon bagage dont elles s'emparerent. (b) Quand Clotilde fe vit fur la frontiere de la Bourgogne, elle pria ceux qui la conduifoient d'y faire le dégat, ce qu'ils voulurent bien avoir la complaifance d'exécuter, après en avoir eu la permiffion de Clovis qui étoit alors à Villers ou à Villori. C'étoit dans un de ces lieux qui font tous les deux du territoire de la Cité de Troyes qu'il attendoit cette Princeffe. Elle plut beaucoup au Roi des Saliens, & après l'avoir époufée, il lui affigna un revenu confidérable, & il l'aima tendrement tant qu'il vécut. Voyons préfentement ce que dit l'Auteur des Geftes des Francs, touchant le mariage dont il s'agit.

Sur le rapport avantageux que les Miniftres envoyés en Bourgogne dans plufieurs occafions par Clovis, lui firent de la beauté, de la fageffe, & de toutes les bonnes qualités de Clotilde, il y dépêcha Aurelien pour négocier le mariage de cette Prin ceffe, & pour la demander en forme, lorfqu'il en feroit tems

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au Roi Gondebaud. C'étoit l'oncle de Clotilde. Comme elle étoit Catholique, elle ne manquoit point d'aller le Dimanche à l'Eglife. Aurelien qui vouloit commencer à exécuter fa commiffion par s'affurer du confentement de la Princeffe, fe déguifa en pauvre un Dimanche, & il fe mit parmi les mendians qui fe trouvoient à la porte de la Cathédrale. Quand la Meffe fut dite, Clotilde en fortant de l'Eglife, donna l'aumône à ces pauvres fuivant la coutume, & elle jetta un fol d'or à Aurelien, qui tendoit la main comme les autres. Aurelien en baifant par reconnoiffance la main de fa bienfaictrice, lui tira la robe avec affectation, & d'une maniere à faire comprendre qu'il avoit quelque chofe de fort important à lui communiquer. Elle envoya donc auffi-tôt qu'elle fut rentrée dans fon appartement, chercher par un de fes domeftiques, le pauvre qui vouloit lui parler en particulier. Aurelien fut introduit dans l'appartement de cette Princeffe, & après avoir mis derriere la premiere porte la beface qu'il portoit, & dans laquelle étoient les joyaux qu'il devoit donner pour préfens de nôces, il cacha dans le creux de fa main l'anneau de Clovis, qui étoit le garant de fa commiffion. Dès qu'il fut entré dans la chambre où étoit Clotilde, elle lui dit: Jeune homme, que je crois plûtôt une personne de confidération déguifée en mendiant, qu'un véritable pauvre,. pourquoi vous êtes-vous travefti, & pourquoi m'avez-vous tantôt tiré la robe avec affectation? Puis-je compter, répondit Aurelien, que je vous parle fans que perfonne m'écoute. Clotilde l'ayant affuré que perfonne qu'elle ne pouvoit l'entendre, il lui dit: Mon Maître, le Roi Clovis veut en vous époufant partager fon thrône avec vous. Son anneau que voici doit vous perfuader que c'eft véritablement par fon ordre que je vous parle, & je vais encore pour vous convaincre mieux que c'eft lui qui m'envoye, vous préfenter de fa part les joyaux qu'il vous donne pour préfent de nôces. Il fut auffi-tôt chercher la beface où il l'avoit laiffée, mais ce qui l'étonna beaucoup, il ne l'y trouva plus. Clotilde entra dans fa peine dès qu'elle en fut informée, & fur le champ elle donna de fi bons ordres, qu'un moment après la beface fut rapportée. On y trouva dès qu'elle eut été ouverte, les pierreries que Clovis envoyoit à la Princeffe, qui voulut bien les recevoir, & qui accepta même l'anneau de ce Prince. Sa réponse fut néanmoins: » (a) Saluez

(a) Chlodoveoque falutem reprecans dicere illi jubet: Non licet Christiane Paga

no nubere. Unde ut hanc caufam nemo refciat; fed ficut Dominus meus quem ego co

» votre Maître de ma part, Mais dites-lui en même tems qu'il » n'est point permis à une Chrétienne d'époufer un Payen. Cependant que la volonté du Dieu que je confeffe, & que j'adore publiquement, foit faite en toutes chofes. Qu'il vous ait » en fa garde durant le reste de votre voyage. Allez, & que perfonne n'apprenne rien de ce qui vient de fe paffer.

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En effet, le premier Concile d'Arles tenu fous l'Empereur En 3144 Conftantin le Grand, avoit deffendu aux filles Chrétiennes (4) d'époufer des maris Payens, fous peine d'être privées durant quelque tems de la Communion. Aurelien vint rendre compte à Clovis de fa commiffion, & pendant ce tems-là Clotilde fit fi bien qu'elle vint à bout de faire mettre l'anneau de ce Prince parmi les joyaux du trésor de Gondebaud.

que

L'année fuivante, Clovis envoya Aurélien revêtu du carac tere d'Ambaffadeur faire au Roi Gondebaud la demande en forme de fa niece Clotilde, comme s'il y avoit eu déja un engagement précedent, & comme s'il eût été question feulement de déclarer un mariage dont déja toutes les conditions auroient été arrêtées. Ce Prince fut très-étonné d'une pareille démarche. Mes Confeillers, dit-il, & mes Bourguignons verront bien que pour cette fois le Roi des Francs cherche à me faire querelle. Il n'a jamais eu de relation avec ma niece. Enfin il répondit à Aurelien: Il faut que vous ne veniez ici que pour épier ce qui s'y paffe, fi vous n'avez pas d'autre motif de votre voyage à nous alléguer, que le deffein de faire une demande telle l'eft celle que je viens d'entendre. Pour toute réponse, vous direz à votre Maître, qu'il n'y eut jamais aucun traité de mariage entre ma niece & lui. Aurelien répliqua fans changer de ton. Réflechiffez à loifir, grand Prince, fur ce que vous avez à faire. Le Roi des Francs mon Maître m'envoye donc vous de mander en mariage Clotilde qui lui eft déja promise. Les pré paratifs convenables pour recevoir dignement une Princeffe d'un rang auffi grand, font déja faits. Si vous refufez à Clovis fon épouse, il viendra bien-tôt à la tête de fon armée la chercher lui-même. Qu'il vienne done, repartit Gondebaud, il me trouvera auffi à la tête de la mienne, & peut-être ferai-je affez fortuné pour venger les malheureux du fang de qui fes mains font encore teintes. Les Principaux des Bourguignons informés

ram omnibus confiteor vult, fic fiat. Tu verò vade in pace.

Geft. Franc. cap. undecimo.

(a) De puellis Fidelibus quæ Gentilibus junguntur, placuit, ut aliquanto tempore à Communione feparentur. Canone undecimo.

feroit

de ce qui fe paffoit, & craignant d'avoir affaire à Clovis, confeillerent à Gondebaud d'approfondir avant toutes chofes, s'il n'y avoit rien fur quoi le Roi des Francs pût avec quelqu'apparence de raison, fonder les prétentions qu'il mettoit en avant? N'auriez-vous point, ajoûterent-ils, accepté quelque présent qui vous auroit été offert de la part de Clovis, & qui de telle nature que vous n'euffiez pas pû le recevoir fans prendre une espece d'engagement avec lui concernant le mariage de votre niece? Interrogez là-deffus vos Miniftres & les Officiers qui fervent auprès de votre Perfonne. Si Clovis eft affez violent pour vous déclarer la guerre, vous en fortirez victorieux; mais avant que de finir, elle coûtera bien du fang à votre Peuple. Plus il vous eft dévoué, plus vous devez prendre foin de le conferver. Sur ces représentations, Gondebaud fit faire les recherches convenables, & il fe trouva dans fon tréfor un anneau fur lequel la tête ou le nom de Clovis étoit gravé. Gondebaud en fut furpris, & manda fa niece pour éclaircir avec elle une telle avanture. Il me fouvient, répondit cette Princesse aux interrogations de fon Oncle, qu'il y a quelques années que vous donnâtes audiance à des Ambaffadeurs de Clovis, qui vous firent divers préfens de la part de leur Maître. Je m'y trouvai, & l'un de ces Miniftres me mit au doigt l'anneau dont vous êtes en peine. Je le reçus en votre prefence, & je le remis incontinent entre les mains de ceux qui gardent vos tréfors. Tout ce que je fis alors, fut fait fans deffein. Gondebaud comprit qu'il y en avoit affez pour donner à Clovis, s'il lui refufoit Clotilde en mariage, un prétexte plaufible de faire la guerre aux Bourguignons. Il confentit donc à cette alliance pour ne pas donner lieu à une rupture, & il remit fa niece entre les mains d'Aurelien. Cet Ambaffadeur partit auffi-tôt emmenant la nouvelle Reine avec lui, & il la conduifit jufqu'à (4) Soiffons où Clovis la reçut, & l'époufa folemnellement.

Il feroit bien à fouhaiter que nous euffions les Mémoires mêmes fur lefquels l'Abbréviateur & l'Auteur qui a compofé les Geftes des Francs, ont écrit leur récit du mariage de Sainte Clotilde; ces Mémoires pouvoient bien avoir été compilés fur ce que difoit elle-même la Reine touchant les particularités de fon mariage, dans le tems qu'elle paffoit fa vie aux pieds du tombeau de Saint Martin où elle s'étoit retirée après la mort

(a) Adduxeruntque eam Chlodoveo Sueffionis Civitate in Francia. Gefl. Franc. cap. 12.

do

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