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Romains & de Barbares de differentes Nations? Je l'ignore, & même je ne nierois pas qu'ils ne fuffent prefqu'auffi anciens, du moins dans plufieurs Cités, que leur réunion à notre Monarchie.

Nous avons déja obfervé plufieurs fois, que dans les cas où les monumens litteraires de nos Antiquités ne nous apprennent point affez diftinctement ce qui fé pratiquoit en certaine occafion dans la Monarchie Françoife, la raifon vouloit que nous jugeaffions de l'ufage qui s'y obfervoit en ce cas-là, par l'ufage obfervé en même cas dans les Royaumes, que les Gots & les autres Barbares avoient établis durant le cinquième fiécle, fur le territoire de l'Empire d'Occident. Or nous allons voir que la précaution que Theodoric, Roi des Oftrogots, avoit prife pour empêcher que dans les procès, entre perfonnes de differentes Nations, les Parties euffent à fouffrir de la prédilection des Juges pour leur propre Nation, revient à peu près à l'expédient dont nous avons imaginé qu'on pouvoit fe fervir alors dans le Royaume des Francs. Voici le contenu de la Formule des Lettres que ce Prince adreffoit aux Romains d'une de fes Provinces, lorfqu'il y envoyoit un Oftrogot, pour y adminiftrer la Justice aux Oftrogots qui s'y trouvoient établis.

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(a) Etant informé que par un effet de la Providence, plu. » fieurs Oftrogots fe trouvent domiciliés dans votre district, » nous avons cru néceffaire d'y envoyer un tel en qualité de » Comte. C'est un Sujet dont le bon caractére nous eft connu, » & qui conformément à nos Edits, prononcera fommaire»ment fur toutes les conteftations qui furviendront entre un

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Oftrogot & un Oftrogot. Pour celles qui pourront naître en»tre un Oftrogot & un Romain, il ne les décidera qu'en pre»nant pour fecond Juge, un Romain homme fage & prudent. » Quant aux procès où les deux Parties feront des Romains, » ces procès feront terminés à l'ordinaire par les Officiers Ro» mains que nous avons départis dans nos Provinces. Ainfi cha» cun jouira de fes droits & priviléges, & les Tribunaux, bien » que compofés de Juges de Nations differentes, fuivront una

(a) Cum Deo juvante fciamus Gothos vobifcum habitare permixtos, ne qua inter confortes ut affolet indifciplinatio nafceretur, neceffarium duximus illum fublimem virum nobis hactenus bonis moribus comprobatum ad vos Comitem deftinare qui fecundum Edicta noftra inter duos Gothos lites debeat amputare. Si quod etiam fortaffe inter Gothum & Romanum fuerit negotium,

adhibito fibi prudente Romano certamen poffit æquabili ratione difcingere. Inter duos autem Romanos, Romani audiant quos per Provincias dirigimus cognitores ut unicuique fua jura ferventur, & fub diverfitate Judicum una Juftitia complectatur univerfos, & divinitate propitia dulci otio per fruantur.

Caffiod. Var. Lib. 6. Form. 30.

pag. 327.

» nimement, en rendant leurs Sentences, les maximes de la "Juftice. Il nous a paru que c'étoit-là le moyen le plus certain » de faire vivre les Oftrogots & les Romains en bonne intel ligence.

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On fe doute bien que comme le Comte Oftrogot prenoit des Oftrogots pour Affeffeurs, lorfque fon Tribunal devenoit une Chambre mi-partie, de même le Romain que le Comte avoit choifi pour fecond Juge, fe faifoit aflifter par des Affeffeurs Romains. Les Succeffeurs de Theodoric obferverent la maxime de gouvernement que ce Prince avoit fuivie. Voici ce qu'écrit Athalaric concernant le fujet dont il s'agit, dans une Lettre adressée à Gildas, un Oftrogot qui exerçoit à Syracuse l'emploi de Comte.

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» (a) On vous accufe de vouloir contraindre deux Romains qui font en procès l'un contre l'autre à s'en tenir à votre déci » fion. Si le fait eft vrai, n'entreprenez plus rien de femblable, & >> ne vous rendez pas coupable par un défir inconfidéré de faire » regner la Juftice. Ne troublez point les Magiftrats ordinaires » dans les fonctions de leur miniftere, & vous contentant de prêter main-forte à la Justice, laiffez plaider les Romains de»vant les Tribunaux Romains.

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Pourquoi nos Rois n'auroient-ils pas eu à cœur de faire rendre une bonne & briéve justice à leurs Sujets, autant que l'avoit le Theodoric dont nous parlons? Pourquoi n'auroient-ils pas auffi-bien que lui, donné de tems en tems de ces exemples rigoureux qui retiennent les Juges dans leur devoir bien plus effica cement que des Edits, des Déclarations & toutes les Loix pof Cron. Alex. fibles? Le Continuateur de la Cronique d'Alexandrie qui doit être né à la fin du fixiéme ficcle, rapporte que Juvenilia, une Dame Romaine, qui plaidoit depuis trois ans contre Formus, un Patricien, préfenta au Roi des Oftrogots une Requête par laquelle il étoit fupplié de faire enfin juger fon procès. Theodo ric envoya chercher les Juges, & dès qu'il leur eut enjoint de le terminer promptement, ils le jugerent en deux jours. Auffi-tôt que Theodoric fut inftruit du fait, il fit couper la tête à ces Jeges iniques, pour avoir fait durer un procès qu'ils pouvoient finir en fi peu de tems. Nos Rois n'étoient pas plus familiarisés

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que Theodoric avec l'iniquité d'un délai de justice affecté.

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Je tomberai d'accord, autant qu'on le voudra, que nos Rois & leurs Officiers ne pouvoient point empêcher toutes les prévarications qui fe commettoient à l'abri de la diversité des Codes en vigueur dans la Monarchie. Comme le dit Hincmar : (a) Lorfque le Comte croit fe rendre le maître d'une affaire, en » la faifant juger fuivant le Droit Romain, il veut qu'elle foit »jugée fuivant ce Droit-là. Ne trouve-t'il pas fon compte à la » faire juger fuivant le Droit Romain, il prétend qu'elle doive » être jugée fuivant les Capitulaires? Il arrive fouvent de-là » qu'on elude la difpofition du Droit Romain par les Capitu"laires, & celle des Capitulaires par le Droit Romain. « Comme les Capitulaires étoient des Loix faites par nos Rois qui étoient les Chefs fuprêmes de toutes les Nations qui compofoient le Peuple de leur Monarchie, ces Capitulaires devoient avoir une autorité fupérieure à celle de toutes les Loix Nationales, lorfqu'ils fe trouvoient en oppofition avec elles. Ces Loix devoient plier devant les Capitulaires émanés immédiatement du Pouvoir législatif, comme nos Coutumes plient aujourd'hui devant les Edits de nos Rois.

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Ainfi je dirai volontiers, comme le difoit Agobard dans fes représentations à Louis le Débonnaire contre la Loi des Bourguignons : Qu'il eût bien mieux valu (6) que les Sujets de la Monarchie Françoife n'euffent jamais eu qu'un Roi, & qu'ils cuffent tous vêcu felon la même Loi, parce qu'alors il » y auroit eu plus d'union entr'eux, & qu'ils auroient trouvé » plus d'équité dans leurs Concitoyens.

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Il ne nous convient pas trop neanmoins de traiter d'hommes encore à demi-fauvages, les Princes qui ont fouffert que cette pluralité de Codes differens entr'eux, fût en usage dans le même district. N'a-t'on pas vû regner en France, dans le tems qu'elle étoit déja très-polie, un abus à peu-près pareil à celui de fouffrir dans le même Royaume des Nations distinctes, dont chacune devoit être jugée fuivant fon Code particulier ? J'entends parler ici de l'ufage général introduit dans la Monarchie fous les Rois de la troifiéme Race, & fuivant lequel les crimi

(a) Quando fperant lucrari aliquid Comites ad Legem Romanam fe convertunt, quando verò per Legem non æftimant acquirere ad Capitula confugiunt ficque interdum fit at nec Lex nec Capitula obferventur, fed pro nihilo habeantur.

Hincmar. de poteft. Regum, cap. 15.

(b) Ut Franci fub Rege uno, una omnes tenerentur Lege. Id enim valiturum profe&to multum ad concordiam civium Dei & æquitatem populorum.

Agob. adv. Leg. Bur. cap. 14.

nels n'étoient point jufticiables du Juge du lieu où ils avoient commis leur délit, mais du Juge du lieu de leur domicile. Par excmple, il falloit renvoyer le Bourgeois d'Orleans qui avoit commis un affaffinat à Reims, pardevant le Bailli d'Orleans. Que les perfonnes qui connoiffent par expérience quels font les inconvéniens qui ne font que retarder le cours de la Justice, & quels font ceux qui empêchent qu'elle ne puiffe être rendue, décident fi l'obligation de traduire les criminels devant le Juge de leur domicile, ne devoit pas retarder plus long-tems la punition des coupables, & même empêcher enfin qu'elle ne fût faite, que de la diverfité des Codes, de laquelle il eft ici question? Croit-on que le Juge du lieu où un délit avoit été commis par un homme domicilié ailleurs, fît de grandes diligences pour s'affurer de la perfonne du coupable, & pour ne point laiffer périr les preuves, quand ce n'étoit point à lui de juger le coupable? Quels frais ne falloit-il pas faire pour le tranfport de l'accufé & pour le voyage des témoins? Malgré tous ces inconvéniens & plufieurs autres qu'il eft aifé d'imaginer, l'ufage qui vouloit que les criminels fuffent jufticiables du Tribunal auquel leur domicile reffortiffoit, a fubfifté en France jufques fous le regne de Charles IX. L'habitude qui fait regarder les abus les plus grof. fiers comme des coutumes tolerables, & qu'il feroit même dangereux de changer, avoit tellement prévenu les François en faveur de l'ufage de renvoyer les accufés devant le Juge du lieu de leur domicile, que le Chancelier de l'Hôpital n'ofa l'attaquer qu'avec ménagement. Il fe contenta donc d'abord d'engager le Ordonn. de Roi Charles IX. à ftatuer: Que fi le délinquant étoit pris au lieu Rouillon, du délit, fon procès feroit fait & jugé en la Jurifdiction où le délit auroit été commis, fans que le Juge fût tenu de le renvoyer à une autre Jurifdiction fous laquelle l'accufé prifonnier fe prétendroit domicilié. Ce ne fut que trois ans après, que Charles IX. acheva de fupprimer l'ufage abufif dont nous parlons, en ftatuant dans l'Ordonnance de Moulins: Que la connoiffance des délits appartiendroit au Juge du lieu où ils auroient été commis, nonobftant que le coupable n'eût été pris en flagrant délit, & en reglant que le Juge du domicile du délinquant feroit tenu, lorfqu'il en feroit requis, de renvoyer le délinquant au lieu du délit.

Art. 19.

Art. 39.

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CHAPITRE X.

La divifion des Romains dans les Gaules en trois Ordres a fubfsisté fous nos Rois. Que les Romains avoient part à tous les Emplois de la Monarchie, & qu'ils s'allioient par mariage avec

les Francs.

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E's le premier livre de cet Ouvrage, on a vû que dans les Gaules, ainfi que dans les autres Provinces de l'Empire, les Citoyens Romains étoient par rapport à leur état civil divifés en trois Claffes ou Ordres, & que cette divifion avoit lieu dans toutes les Cités. On a vû encore que le premier Ordre renfermoit toutes les familles Sénatoriales, c'est à-dire, celles où il y avoit eu des Sénateurs, & dont le fang pouvoit donner le droit d'entrer préferablement aux autres Citoyens dans le Sénat de la Cité, lorfqu'il y vacquoit quelque place. On a vû auffi que le fecond Ordre étoit compofé de ceux qui poffedoient dans le district de la Cité des biens fonds à eux appartenans en toute proprieté & qui n'exerçoient que des profeffions honorables, & même que c'étoit pour cela que les Empereurs donnoient fouvent le titre d'honorables aux Citoyens de ce fecond Ordre. Les uns, & nous l'avons dit de même, s'appelloient Curiales ou Gens des Curies, parce qu'ils avoient voix active & paffive dans la collation des emplois municipaux de la Cité, & les autres s'appelloient fimplement Poffeffores ou Poffeffeurs, parce qu'ils n'avoient point ce droit-là. Enfin on a vû que le troifiéme Ordre étoit compofé d'affranchis ou de fils d'affranchis, qui ne s'étoient point encore élevés au-deffus de la condition de leurs peres. Les uns étoient membres des Collèges ou des Communautés d'Artifans établies dans chaque Cité, & les autres faifoient valoir la portion de terre que le Maître qui les avoit affranchis leur avoit abandonnée, à charge de payer une redevance annuelle.

Il eft fait mention de ces trois Ordres dans ceux des livres de l'Hiftoire de Gregoire de Tours, où il raconte ce qui s'eft paffé dans les Gaules fous les Rois fucceffeurs de Clovis ; & il y en eft fait mention comme d'Ordres fubfiftans actuellement. Dans le catalogue des Evêques de Tours que cet Ecrivain nous donne à

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