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Sanction ne fut jamais rédigé par les Officiers du Roi inftruits des Loix & des Coutumes de la Monarchie. Ainfi que la plûpart des autres articles de la Pragmatique, (a) il a été tiré mot pour mot des Décrets du Concile de Bafle. D'ailleurs le point de cet article qui regarde les meres ne s'obferve pas. Ce que je vais

écrire fervira encore de nouvelle preuve à ce que je viens de dire concernant l'état & condition des Romains des Gaules fous nos Rois Mérovingiens.

CHAPITRE X I.

Du Gouvernement particulier de chaque Cité, fous le Regne de Clovis, & fous le regne de fes premiers Succeffeurs. Que chaque Cité avoit confervé fon Senat, & que ces Senats avoient été maintenus dans leurs principaux Droits. Que chaque Cité avoit auffi confervé fa Milice.

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Ous avons fuffifamment expliqué dans les Chapitres précedens, que les Rois Mérovingiens étoient à la fois Chefs, Souverains, ou Rois de chacune des Nations Barbares qui habitoient dans les Gaules; qu'ils étoient outre cela Princes des Romains de cette grande Province, & qu'en cette qualité ils exerçoient en leur propre nom fur ces Romains la même autorité que le Préfet du Prétoire & le Maître de la Milice exerçoient fur eux dans les tems précedens, au nom de l'Empereur. Nous avons auffi rapporté que nos Rois envoyoient dans chaque Cité pour y être le principal Officier, un Comte; ainfi c'étoit à ce Comte que devoient répondre tous les Supérieurs locaux, s'il eft permis d'employer cette expreffion, pour défigner l'Officier qui étoit le Chef ou le Supérieur des Romains du lieu, & celui qui étoit le Chef ou le Supérieur de chaque effain de Barbares établi dans le territoire de la Cité, & cela de quelque Nation que ces Barbares puffent être. L'autorité du Comté émanoit directement du Roi, & tous les Sujets du Roi, quels qu'ils fuffent, devoient par conféquent la reconnoître.

(a) Sequuntur qualificationes & ordo in | conferendis beneficiis...... Vel in utroque vel altero jurium Baccalaureis, qui per trien

nium fi Nobiles ex utroque parente, & ex antiquo genere, alias autem per quinquen nium, &c. Concil. Bafil. Trig, prima.

C'étoit donc au Comte de chaque Cité, que les Magiftrats Municipaux des Romains, ainfi que leurs Officiers Militaires devoient s'addreffer dans les affaires importantes. C'étoit au Comte que les Sénieurs des Francs & les autres Chefs des effains de Barbares devoient recourir. C'étoit lui qui dans les occafions leur intimoit les ordres du Roi, & qui avoit foin que la justice fût rendue & les revenus du Prince payés. C'étoit encore lui qui commandoit dans les occafions, les troupes que fon diftrict fourniffoit pour fervir à la guerre, & qui par conféquent ordonnoit aux Barbares comme aux Romains, de prendre les armes & de marcher. Le pouvoir civil, comme on l'a déja remarqué, n'étoit point féparé du pouvoir militaire fous les Rois Mérovingiens, ainfi qu'il l'avoit été fous les Empereurs fucceffeurs de Conftantin le Grand.

Nous avons déja obfervé que la divifion des Gaules en dixfept Provinces, n'avoit point eu de lieu fous nos Rois, du moins par rapport au plus grand nombre de ces Provinces. Ainfi l'on voit bien que les Comtes devoient répondre directement au Roi, & qu'en campagne ils devoient commander la Milice de leur district immédiatement fous lui ou fous le Général qu'il avoit nommé. Il faut cependant en excepter les Comtes dont les Cités se trouvoient enclavées dans les efpeces de Commandemens que nos Rois érigeoient de tems en tems, en mettant plufieurs Cités fous les ordres d'un feul Officier. Celui à qui l'on confioit ces efpeces de Gouvernemens, dont la durée & les bornes ont été d'abord purement arbitraires; & qui avoit plufieurs Comtes fous fes ordres, s'appelloit du même nom qu'on donnoit dans le bas Empire à ceux qui commandoient dans un Tractus ou Commandement Militaire, & il fe nommoit (4) Duc. Par exemple fous le regne des petits-fils de Clovis on forma de la Touraine & du Poitou un de ces Gouvernemens, dont Ennodius fut fait Duc. Mais comme je viens de le dire, il ne paroît point que ces Gouvernemens ayent jamais fait un Département ftable, ni pour user de cette expreffion, une Province permanente, ainfi que le faifoient les Gouvernemens de même genre, que les Empereurs Romains avoient érigés dans les Gaules, & qui s'appelloient Tractus. Il arrivoit donc que quelquefois un Comte avoit un Duc pour Supérieur, & quelquefois qu'il n'y avoit perfonne entre le Comte & le Prince, auquel cas le Comte recevoit immédiatement les (a) Turonicis vero atque Pictavis Ennodius Dux datus eft. Greg. Tur. Hift. Lib. 8. cap. 26.

ordres du Roi, & s'adreffoit directement au Souverain.

Voilà pourquoi Fredegaire, parlant d'une armée nombreuse que le Roi Dagobert I. fit marcher contre les Gafcons, dit, après avoir fait l'énumération des Ducs qui l'avoient jointe avec les troupes de leur Département: (a) » Qu'il s'y trouvoit en» core plufieurs Comtes, qui fous leurs propres aufpices, y » avoient amené les Milices de leurs Cités, parce qu'ils n'a>> voient point un Duc au-deffus d'eux.

Quoique les Rois conferaffent les emplois de Comte fuivant leur bon plaifir, ils avoient néanmoins quelquefois la complaifance de laiffer le choix de cet Officier au Peuple de la Cité même, qu'il devoit gouverner. (b) Gregoire de Tours rapporte comme un évenement affez ordinaire, que fon Diocèfe fe plaignant du gouvernement de Leudaftés, le Roi Chilperic premier donna commiffion à Anfoaldus de s'y rendre, pour mettre ordre au fujet de ces plaintes. Anfoaldus, ajoute l'Hiftorien, vint à Tours le jour de Saint Martin, & il defera au Peuple & à nous le choix d'un nouveau Comte ou Gouverneur. En conféquence de cette grace, Eunomius fut revêtu de l'emploi de Comte: cela fent-il l'esclavage?

Nous avons vû, en parlant de l'Etat des Gaules fous les Empereurs, qu'il y avoit dans chaque Cité un Senat, qui en étoit comme l'ame, & qui dans ce District, avoit la même autorité & le même crédit que le Senat de Rome avoit dans Rome fous le bas Empire. Ainfi dans chaque Cité, le Senat, comme nous l'avons dit, étoit du moins confulté par les Officiers du Prince, fur les matieres importantes, comme étoit l'impofition des fubfides extraordinaires. C'étoit encore lui, qui fous la direction des Officiers du Prince, rendoit ou faifoit rendre la juftice aux Citoyens, & qui prêtoit la main à ceux qui faifoient le recouvrement des deniers publics.

Que ces Senats ayent fubfifté fous les Rois Mérovingiens, on n'en fçauroit douter. On vient de lire dans le neuviéme chapitre de ce Livre, & on avoit lu déja dans d'autres endroits plufieurs paffages de Gregoire de Tours, où il donne la qualité de Sena

(a) Qui cum Duces decem cum exercitibus, id eft, Arimbertus.... Exceptis Comitibus plurimis qui Ducem fuper fe non habebant, in Vafconiam cum exercitus per

rexiffent.

mala quæ Leudaftes faciebat Ecclefiis Turonicis, & omni Populo, Anfoaldum illuc dirigit, qui veniens ad feftivitatem sancti Martini, data nobis & Populo optione, Eunomius in Comitatum erigitur.

Greg. Tur. Hiftor. Lib. quinto, cap. qua

Fred. Chron. cap. 78.
(b) Audiens autem Chilpericus omnia dragefimo octavo.

teur de la Cité d'Auvergne ou d'une autre, à des hommes qu'il a pû voir, & dont quelques-uns devoient être nés comme il l'étoit lui-même, depuis la mort de Clovis.

Il paroît que quelques-uns de ces Senats ont fubfifté non-feulement fous les deux premieres Races, mais encore fous la troifiéme, & que c'est à leur durée que plufieurs Villes ont dû l'avantage de conferver dans tous les tems le droit de Commune, & de fe maintenir dans fa jouiffance, quoiqu'elles fuffent enclavées dans les Domaines des grands Feudataires de la Couronne. C'est parce que ces Villes avoient confervé leur Senat, & que leur Senat avoit confervé la portion d'autorité dont il jouiffoit dès le tems des Empereurs Romains & fous les deux premieres Races, qu'on trouve que fous les Rois de la troifiéme Race, ces mêmes Villes étoient déja en poffeffion du droit de Commune d'un tems immémorial. En effet, on voit que certainement elles en jouiffoient fous le regne de tous ces Princes, fans voir néanmoins qu'elles l'euffent jamais obtenu d'aucun Roi de la troifiéme Race, fans voir fous quel Roi elles ont commencé d'en jouir. C'eft ce qu'il faut expofer plus au long; & pour l'expliquer mieux, je ne feindrai point d'anticiper fur l'Hiftoire des fiecles poftérieurs au fixième & au feptième. On ne fçauroit, & j'ai déja plus d'une fois allegué cette excufe, éclaircir avec le de fecours qu'il eft poffible d'avoir aujourd'hui, tout ce qui s'eft paffé dans ces deux fiecles-là, fans s'aider quelquefois de lumieres tirées de ce qui s'est passé dans les fiecles pofterieurs.

peu

Un des évenemens les plus memorables de l'Hiftoire de notre Monarchie, eft celui qui arriva fous les derniers Rois de la feconde Race, & fous Hugues Capet, Auteur de la troifiéme. Ce fut alors que les Ducs & les Comtes, abufans de la foibleffe du gouvernement, convertirent dans plufieurs contrées leurs commiffions qui n'étoient qu'à tems, en des dignités heréditaires, & qu'ils fe firent Seigneurs proprietaires des Pays, dont l'adminif tration leur avoit été confiée par le Souverain. Non-feulement, ces nouveaux Seigneurs s'emparerent des droits du Prince, mais ils ufurperent encore les droits du Peuple qu'ils dépouillerent en beaucoup d'endroits de fes libertés & de fes privileges. Ils oferent même abolir dans leurs Districts les anciennes Loix, pour y fubftituer des Loix dictées par l'infolence ou par le caprice, & dont plufieurs articles auffi odieux qu'ils font bizarres, montrent' bien qu'elles ne fçauroient avoir été mises en vigueur que par

la force. Les Tribunaux anciens eurent le même fort que les anciennes Loix. Nos Ufurpateurs fe referverent à eux-mêmes, ou du moins ils ne voulurent confier qu'à des Officiers qu'ils installoient ou qu'ils deftituoient à leur bon plaifir, l'administration de la Juftice. Enfin, ils fe mirent fur le pied d'imposer à leur gré les taxes, tant perfonnelles que réelles. Ce fut alors que les Gaules devinrent véritablement un Pays de Conquête.

Les fucceffeurs de Hugues Capet perfuadés avec raison que le meilleur moyen de venir à bout de rétablir la Couronne dans les droits qu'elle avoit perdus, étoit de mettre le Peuple en état de recouvrer les fiens, accorderent aux Villes qui étoient capables de les faire valoir, des Chartres de Commune qui leur donnoit le droit d'avoir une efpece de Senat ou une Affemblée compofée des principaux habitans nommés & choifis par leurs Concitoyens, laquelle veillât aux interêts communs, levât les revenus publics, rendît ou fît rendre la juftice à fes compatriotes & qui eût encore fous fes ordres une Milice reglée, où toutes les perfonnes libres feroient enrollées. C'étoit proprement rendre aux Villes, qui du tems des Empereurs Romains avoient été Capitales de Cité, & qui avoient eu le malheur de devenir des Villes Seigneuriales, le droit d'avoir un Senat & des Curies. C'étoit l'octroyer à celles d'un Ordre inferieur & qui ne l'avoient pas du tems des Empereurs, à celles que Gregoire de Tours défigne fouvent par le nom de Caftrum.

Les Seigneurs s'oppoferent bien en plufieurs lieux à l'érection des Communes; mais il ne laiffa point de s'en établir un affez grand nombre fous le regne de Louis le Gros & fous celui de Philippe Augufte. En quelques contrées les Seigneurs ne voulurent acquiefcer à l'établissement des Communes qu'après qu'il eût été fait. En d'autres, les Seigneurs confentirent à l'érection des Communes en conféquence de tranfactions faites avec leurs Sujets, ou pour parler plus correctement, avec les Sujets du Roi qui demeuroient dans l'étendue de leurs fiefs, & ces tranfactions laiffoient ordinairement les Communiers Jufticiables du Seigneur territorial en plufieurs cas. Qui ne fçait les fuites heureuses de l'établiffement des Communes?

Or comme je l'ai déja dit, on trouve dès le douzième fiecle un grand nombre de Villes du Royaume de France, & Capitales de Cité fous les Empereurs, comme Touloufe, Reims, & Boulogne, ainfi que plufieurs autres, en poffeffion des droits de Commune, & fur tout du droit d'avoir une Juftice Municipale,

tant

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