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quantes, pour montrer que dans tous les tems l'Echevinage de Reims avoit adminiftré la Juftice à fes Habitans, non seulement en matiere criminelle, mais auffi en matiere civile, & entr'autres il produit un témoignage rendu en faveur de fa caufe dès le douziéme fiécle & rendu par une perfonne défintereffée. Ce témoignage mérite bien d'être rapporté.

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Jean de Salisbury qui avoit fuivi en France faint Thomas de Cantorbery, fut fpectateur de plufieurs mouvemens qui arriverent dans Reims, à l'occafion des démêlés que l'Archevêque Henri fils du Roi Louis le Gros, y eut avec les Citoyens concernant leurs franchises & leur Jurifdiction Municipale. Or cet Anglois dit dans une Lettre écrite à l'Evêque de Poitiers pour l'informer de tous ces démêlés & de leurs fuites: (4) Les Citoyens » de Reims fe font d'abord humiliés devant leur Archevêque, » & même ils prétendent qu'ils prirent alors la réfolution de » porter dans les coffres deux mille livres pefant d'argent, à » condition qu'il n'entreprît point fur leurs droits, & qu'il les » laiffat en poffeffion d'avoir une Juftice telle qu'ils l'avoient » dès le tems de faint Remi l'Apôtre des Francs. « Il est vrai que le texte de Jean de Salisbury dit Legem & non pas Justitiam. Des Seig. ch. Mais comme Loyfeau l'observe, Loi, fignifie Juftice en nos Cou

16. art. 47.

tumes.

Auffi le Parlement de Paris a-t-il jugé plufieurs fois que la Ville de Reims étoit bien fondée dans fes prétentions lorsqu'il s'agit de l'exécution de l'Edit de Moulins. La Cour, dit Bergier, ordonna par fon Arrêt du vingt-cinquiéme Mai mil cinq cens foixante & buit, que lesdits Echevins jouiroient de leur Juftice & de leur Jurifdiction nonobftant l'Edit de Moulins, ainfi qu'ils avoient fait ci-devant, parce qu'il fut reconnu qu'il ne fe devoit étendre fur les Villes de cette qualité, qui en jouissoient avant que la France fût en Royaume.

Les Jurifconfultes du feizième fiecle qui ont eu occafion de parler des Procès aufquels l'exécution de l'Edit de Moulins donna lieu & qui furent portés devant les Cours Souveraines, écrivent que plufieurs autres Villes alléguoient les mêmes raifons que celle de Reims, comme des moyens qui devoient les exempter de fubir la Loy générale. Voici ce qu'on trouve dans Loyfeau à ce fujet-là.

(4) Et primo quidem ei humilitatem exhibuerunt parati duo millia librarum ficut multi teftantur, conferre in ærarium ejus, dummodo cos jure tractaret, & Legibus vi

vere pateretur quibus Civitas continuo ufa eft à temporibus fancti Remigii Francorum Apoftoli.

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Or quand on voulut exécuter cette Ordonnance de Mou- Des Seig. ch. "lins, & ôter en effet aux Villes la Juftice civile, plufieurs 16. art. 82. » Villes y formerent oppofition, les unes difant que cette Ju»ftice leur appartenoit de toute ancienneté, même avant l'éta» bliffement de la Monarchie Françoife..... Les Habitans de Boulogne foutinrent hautement contre Monfieur le Procu»reur Général, qu'ils avoient leur Juftice de toute ancienneté, qu'ils s'étoient donnés & joints à cette Monarchie à condi"tion qu'elle leur demeureroit, & en avoient toujours joui depuis. Leur fait fut reçu, & neanmoins faute d'en faire apparoir " promptement par titres, il fut dit par Arrêt du mois de Jan» vier mil cinq cens foixante & onze, que par provifion l'Or» donnance feroit exécutée. Autant en fut ordonné dans la » cause de ceux d'Angoulême en mil cinq cens foixante & » douze.

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René Chopin dit: (4) » Les Habitans de Boulogne fur mer » foutinrent auffi un procès contre Monfieur le Procureur Gé » néral, & ils y mirent en fait, que leur Juftice étoit plus an»cienne que la Monarchie Françoife. La Cour ordonna qu'elle en délibereroit. On aura peine à croire, attendu la qualité des Parties, que le Parlement de Paris eut furfi au Jugement définitif du procès de Boulogne, comme à celui de quelques autres Villes, fi les Habitans de ces Villes- là n'euffent point appuyé leurs Moyens par des preuves, du moins très-vraifemblables. Suivant la Notice des Gaules, rédigée du tems de l'Empereur Honorius, Boulogne étoit la Capitale d'une des douze Cités de la feconde Belgique, Angoulême, étoit celle d'une des fix Cités de la feconde Aquitaine.

La Faille, Ann. de Tou

loufe, tom. 1.

Le Capitole de Toulouse qui eft encore aujourd'hui en poffeffion de rendre la juftice en matiere criminelle, & qui n'a été dépouillé du droit de la rendre en matiere civile qu'en vertu de l'Edit de Moulins, foutient qu'il jouiffoit, & de la prérogative qu'il a confervée, & de celle qu'il a perdue, avant que la Ville de Toulouse fût foumife à la domination de Clovis, & qu'il en pag. ss. a joui fous les trois Races de nos Rois. Lyon prétend que fon Corps de Ville ne foit originairement autre chose que le Senat qui régiffoit la Cité de Lyon du tems des Empereurs Romains, & qui auroit continué l'exercice des fonctions fous les Rois

(4) In eumdem Procuratorem generalem | nem jactitent Monarchia Francica antiquio experti funt judicio Bononiæ Belgicæ Cives rem. Senatus de eo deliberandum ftatuit. de fua Jurifdictione, cujus nempe creatio- Chop.de Dom. Franc. Lib. 3. tit. 20.

Bourguignons, fous les Rois Francs, fous les Empereurs modernes, & enfin fous les Rois de France.

On fçait encore que jufques au regne de Charles VI. qui créa des Elus en titre d'Office, c'étoient les Corps de Ville qui impofoient & qui levoient les deniers des Tailles & ceux des Aides, mais l'entiere difcuffion de cette matiere, appartient à l'Hiftoire du Droit public, en ufage fous les Rois de la troifiéme Race.

Comme les Francs eux-mêmes entroient dans les Senats des Villes, où ils exerçoient tous les emplois Municipaux, ainsi qu'il le paroît par le paffage d'Agathias, que nous avons rapporté & que nous avons cité tant de fois, il n'eft point étonnant que les Senats ayent fubfifté fous nos Rois Mérovingiens. Il femble même qu'ils cuffent quelquefois plus d'autorité que le Comte

même.

En effet nous voyons des Comtes n'avoir point affez de crédit pour empêcher que les Cités où chacun d'eux commandoit, ne priffent les armes l'une contre l'autre. Nous voyons que ces Officiers du Prince ne peuvent venir à bout de faire ceffer cette guerre privée, autrement que par voie de médiation. Quelles étoient donc les troupes avec lefquelles ces Cités s'entrefaifoient la guerre ? C'étoient les mêmes Milices qu'elles avoient fous les Empereurs Romains, & dont elles fe fervoient lorsqu'elles en venoient aux voies de fait l'une contre l'autre.

Comme les troupes que les Empereurs Romains foudoyoient dans les Gaules, ne les mettoient pas toujours en état de prévenir ces fortes de guerres civiles, de même les Milices des Francs & des autres Barbares, que les Rois Mérovingiens avoient dans cette vafte contrée, ne pouvoient pas toujours être mises fur pied affez tôt, pour empêcher que les anciens Habitans du Pays, que les Romains, Sujets de ces Princes, ne répandiffent le fang les uns des autres. Quelquefois les Francs, dont les quartiers étoient dans le voisinage des lieux, où s'allumoit la querelle, feront restés neutres. Ils auront attendu, les bras croifés, que le Gouvernement la terminât. En quelques occafions, les Francs auront épousé la querelle du Romain leur Compatriote, & par un malheur qui ne leur arrivoit que trop fouvent, ils fe feront battus les uns contre les autres. Peut-être même que la Nation des Francs qui n'étoit pas bien nombreuse, & qui cependant avoit à tenir en fujetion un Pays fort étendu, & dont les Habitans font naturellement belliqueux, ne voyoit pas avec beaucoup de peine les Romains prendre les armes contre les Ro

mains. Leurs diffentions & leurs querelles faifoient fa fûreté. Les faits que nous raconterons dans le Chapitre fuivant, mais qui ne font pas les feuls que nous pourrions rapporter, prouveront fuffisamment tout ce qui vient d'être avancé.

CHAPITRE X I I.

Des Guerres que les Cités des Gaules faifoient quelquefois l'une contre l'autre fous les Rois Merovingiens.

Quand Gregoire de Tours défigne ceux dont il fait mention par le nom propre de leur Pays, il entend parler des Romains de ce Pays-là, & non pas des Barbares qui s'y étoient établis.

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PRE'S la mort de Chilpéric, dit Gregoire de Tours, (a) les Habitans de la Cité d'Orleans s'étant alliés à » ceux du Canton de Blois, qui étoit compris dans la Cité de » Chartres, contre les Habitans du Dunois, qui étoit un autre » Canton de la Cité de Chartres: ces Alliés entrerent à l'impré» vû dans le Dunois, dont ils dévasterent le Plat-Pays, em»portant avec eux tout ce qu'ils purent enlever, mettant le » feu au refte, & même aux maifons. Mais les Habitans du » Dunois ayant été joints par les Habitans d'autres Cantons de la Cité de Chartres, ils prirent bientôt leur revanche, Ils en>>trerent donc à main armée dans le Territoire de la Cité d'Or-' »leans & dans le Canton de Blois, & ils ne laifferent point

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pierre fur pierre dans tous les lieux où ils camperent. Cette >> guerre auroit eu de plus longues fuites, fi le Comté de la Cité » de Chartres & le Comte de la Cité d'Orleans ne fe fuffent » pas entremis, & s'ils n'euffent fait convenir les deux Partis; » premierement, d'une ceflation d'armes, durable jufqu'à ce » qu'on eût prononcé fur les prétentions réciproques, & fe » condement, d'un compromis qui obligeoit celui des deux

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(a) Defuncto igitur Chilperico, Aure-: commoventes defavirent & Aurelianenfet lianenfes cum Blæfenfibus juncti fuper Ducontra contra hos arma concuterent, intercedenti nenfes incurrunt cofque inopinantes prote- bus Comitibus pax ufque in audientiam da runt....... Quibus difcedentibus conjun--ta eft, feilicet ut in die quo judiciumeras ful &ti Dunenfes cum reliquis Carnotenis de veItigio fubfequuntur fimili forte cos adficientes........ Cumque adhuc inter fe jurgia Tome II.

curum pars que contra, partem injufte ex
arferat, juftitia mediante componeret; Et fic,
à bello ceffatum eft. Gr. Tur, bist, lib. 7.6. 24

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» Partis qui feroit jugé avoir eu le tort, à indemnifer l'autre » du ravage fait dans fon Territoire. Ce fut ainfi que finit la » guerre.

On obfervera qu'il faut que ces voies de fait, ne fuffent point reputées alors ce qu'elles feroient reputées aujourd'hui, je veux dire, une infraction de la paix publique & un crime d'Etat, puifque le compromis ne portoit pas que ce feroit celui qui avoit commis les premieres hoftilités, qui donneroit fatisfaction au lefé, mais bien celui qui feroit trouvé avoir une mauvaise cause. Il pouvoit arriver que par la Sentence du Roi, ou par le Jugement arbitral des Comtes, il fut ftatué qu'au fond c'étoit la Cité d'Orleans & le Canton de Blois qui avoient raison, & qu'ainfi ceux qui avoient fait les premieres violences reçuffent une fatisfaction de ceux qui avoient fouffert ces premieres violences.

Il paroît en lifant avec réflexion l'Hiftoire de ce qui s'eft paffé dans les Gaules, fous les Empereurs Romains & fous les Rois Mérovingiens, que chaque Cité y croyoit avoir le droit des armes contre les autres Cités, en cas de déni de Justice. Cette opinion pouvoit être fondée fur ce que Rome, comme nous l'avons obfervé déja, ne leur avoit point impofé le joug à titre de Maî tre, mais à titre d'Allié. Les termes d'Amicitia & de Fœdus, dont Rome fe fervoit en parlant de la fujetion de plufieurs Cités des Gaules, auront fait croire à ces Cités qu'elles confervoient encore quelques-uns des Droits de la Souveraineté, & qu'elles en pouvoient ufer du moins contre leurs égaux, c'est-à-dire, contre les Cités voisines. Dès qu'on fouffroit à quelques-unes de nos Cités de s'arroger le droit d'attaquer hoftilement les autres, le droit naturel donnoit à ces dernieres le pouvoir de se deffendre auffi par les armes, & la plupart du tems, on ne peut fe bien deffendre qu'en attaquant. Rome qui n'avoit pas trop d'interêt à tenir unies les Cités des Gaules, leur aura laiffé croire ce qu'elles vouloient, & aura même toleré qu'elles agîffent quelquefois conformément à leur idée. Nous avons parlé affez au long dans notre premier Livre, des guerres que les Cités des Gaules faifoient les unes contre les autres, même fous le regne des premiers Céfars. L'idée dont je viens de parler, & qui étoit fi flateufe pour des Peuples également legers & belliqueux, fe fera confervée dans nos Cités, malgré la converfion des Gaulois à la Religion Chrétienne, Elle y aura fubfifté même fous les Rois Merovingiens. Enfin elle s'y fera perpetuée, de maniere

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