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Childebert, fils du Roi Sigebert, envoya vers l'Empereur Maurice, dit, qu'elle étoit compofée de trois Miniftres, & il raconte que des trois Ambaffadeurs l'un étoit, qu'on me permette ces expreffions, Soifonnois, l'autre Arlefien, & le troifiéme Franc. (a) Voici fes paroles. » Les trois Ambaffadeurs se trouvoient » alors dans ce lieu-là. L'un étoit Bodégifile fils de Mummo» lenus de Soiffons; l'autre, Evantius fils de Dynamus d'Arles; » & le troifiéme, Grippo Franc de Nation.

Je conclus donc que toutes les fois que Gregoire de Tours fait mention d'une Milice qu'il défigne par un furnom dérivé du nom d'une des Cités des Gaules, il entend parler d'une Milice compofée des anciens Habitans de cette Cité-là, c'est-à-dire, de Romains. C'eft d'eux qu'il parle pour citer un exemple, lorfqu'en faifant le dénombrement de l'armée que Chilpéric affembla fur la Vilaine, pour la mener contre les Bretons Infulaires établis dans la troifiéme des Provinces Lyonoifes, il dit: (b) Qu'on y voyoit les Tourangeaux, les Poitevins, les Beffins, les Angeviens, les Manceaux, & les Milices de plufieurs autres Cités. Pourquoi auroit-on quelque peine à croire que les Rois Mérovingiens fe foient fervi des Milices des Cités des Gaules, quand on a vû que Clovis avoit pris à fon fervice les Légions qui gardoient la Loire, & que fes fucceffeurs confioient le commandement de leurs troupes à des Généraux Romains de Nation?

(a) Erant enim ibi tunc, ut diximus, Le- | gati Bodegifilus filius Mummoleni Sueffionici & Evantius filius Dynamii Arelatenfis, & hic Grippo genere Francus. Gr. Tur. Hift. Lib. 10. cap. 2.

(6) De hinc Turonici, Pictavi, Baiocaffini, Cenomannici, Andegavi cum aliis multis in Britanniam ex juffu Chilperici Regis abierunt.

Gr.Tur. Hift. Lib. 4. cap. 27.

CHAPITRE

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Que les Francs n'en uferent pas avec l'ancien Habitant des Gaules, ainfi que la plupart des autres Nations Barbares en avoient ufé avec l'ancien Habitant des Provinces où elles s'étoient établies, & qu'ils ne lui prirent point une portion de ses Terres, Des Terres Saliques.

L

OPINION ordinaire eft que les Francs en uferent quand ils s'établirent dans les Gaules, ainfi que les Bourguignons & les Vifigots en avoient ufé quand ils s'y étoient établis, s'autorifant, felon les apparences, fur ce qui s'étoit paffé fous le regne d'Augufte, quand ce Prince ôta une partie de leurs terres aux Citoyens de plufieurs Cités pour les diftribuer à fes Soldats. On Le figure donc que ces Francs ôterent à l'ancien Habitant des Provinces qu'ils foumirent, une portion de fes terres & qu'ils l'approprierent à leur Nation, de maniere que cette portion de terre en prit le nom de Terre Salique. Je tombe d'accord que fous les Rois de la premiere & de la feconde Race, & même fous les premiers Rois de la troisième, c'est-à-dire, tant que la diftinction des Nations qui compofoient le Peuple de la Monarchie, n'a point été pleinement anéantie; il y a eu dans le Royaume des efpeces de fiefs qui s'appelloient Terres Saliques, & qui étoient affectés spécialement à la Nation des Francs, mais je nie que ces terres fuffent des terres.dont nos Rois avoient dépouillé par force les particuliers des Provinces qui s'étoient foumises à la domination de ces Princes. Je regarde l'opinion ordinaire comme une des erreurs nées de la fuppofition que nos Rois avoient conquis à force ouverte les Gaules fur les Romains, & qu'ils en avoient réduit les Habitans dans un état approchant de la fervitude. Tâchons donc à déméler ce qu'il y a de vrai d'avec ce qu'il y a de faux dans l'idée qu'on a communément des Terres Saliques.

On ne fçauroit douter que prefque tous les Francs ne fe foient tranfplantés dans les Gaules fous le regne de Clovis, & fous celui de fes quatre premiers fucceffeurs. L'amour du bien être, naturel à tous les hommes, vouloit qu'ils en ufaffent ainsi. Dès que

Tome II.

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cette aimable contrée eut paffé fous le pouvoir de Rois de leur Nation, fon féjour étoit pour eux par bien des raifons, dont il a été parlé dès le premier Livre de cet Ouvrage, plus agreable que celui de l'ancienne France. D'ailleurs les hommes les plus belliqueux fe laffent à la fin de vivre toujours au milieu des allarmes, & pour ainfi dire, d'être toujours en faction. C'étoit néanmoins la destinée des Francs, tandis qu'ils habitoient au-delà du Rhin. Comme l'ancienne France avoit peu de profondeur, comme elle n'étoit point remparée par fes rivieres, qui la traverfoient fans la couvrir, ni mife à l'abri par des Villes fortifiées, un effain de Barbares venu de fort loin, pouvoit en devançant le bruit de fa marche, penetrer jufques dans le centre du Pays, & furprendre fes Habitans, les uns à la charuë, les autres dans leur maison. On n'étoit point auffi expofé dans les Gaules à ces fortes de surpri fes, que dans la Germanie, d'autant qu'elles étoient couvertes par Rhin, & remplies de Villes & de lieux fortifiés. On y vivoit plus tranquillement, parce qu'on n'y craignoit que lorsqu'il y avoit réellement à craindre. Il n'étoit prefque pas poffible, depuis que tout le Pays eût été foumis aux Francs, qu'on y fût attaqué à l'imprévû. Auffi l'Hiftoire nous apprend-elle que dès les dernieres années de Clovis, l'ancienne France étoit déja tellement denuée d'Habitans qui puffent la deffendre, que les Turingiens s'emparerent dès-lors d'une partie de ce Pays, & que peu d'années après les Frifons vinrent occuper la Contrée qui est au Nord des embouchures du Rhin, abandonnée auffi par les Francs.

Il cft encore très apparent que Clovis & fes fucceffeurs outre les autres recompenfes qu'ils diftribuerent aux Francs, auront conferé à plufieurs d'entr'eux une certaine portion de terres à condition de les fervir à la guerre, & qu'elles furent nommées les Terres Saliques par la même raifon qui a fait donner à la Loi commune des Francs le nom de Loi Salique, c'eft-à-dire, parce que la Tribu des Saliens étoit la premiere & la plus confidérable des Tribus de cette Nation, celle à qui toutes les autres Tribus à l'exception de la Tribu des Ripuaires, avoient été incorporées.

Le nom de Terre Salique, eft celui que donne aux poffeffions dont il s'agit ici, la Loi Salique rédigée fous le regne de Thierri fils de Clovis, & d'ailleurs ce qu'elle ftatue concernant ces fortes de terres, en ordonnant qu'elles ne pourroient (4) jamais paffer à une femme, montre affez qu'elles étoient des veritables

(a) De Terra vero Salica nulla portio hæreditatis tranfit in mulierem, fed hoc virilis

fexus acquirit, hoc eft filii in ipfa hæreditate fuccedunt. Pactus Leg. Sal. Ecc.p. 107.

benefices militaires, des biens chargés d'obligations qu'une femme ne pouvoit pas remplir. Nous l'avons déja dit dans le Chapitre de ce Livre, où nous avons traité de la Loi de fucceffion. Enfin ces terres Saliques étoient à plufieurs égards de même nature que nos fiefs nobles, & fuivant toutes les apparences, elles en font la premiere origine. On a même quelquefois donné le nom de Terres Saliques à nos fiefs. Bodin qui écrivoit dans le fciziéme fiecle, dit: Et n'y a pas long-tems qu'en un Teftament ancien d'un Gentilhomme de Guyenne produit en procès au Parle- publ. Liv. 6. ment de Bordeaux, le pere divife à fes enfans la Terre Salique, cap. s. que tous interprétent les fiefs.

Il n'y a rien de plus vrai que tout ce qui vient d'être exposé, mais cela ne prouve point que Clovis ait ôté aux Romains une partie de leurs terres, pour en compofer les benefices militaires ou les terres Saliques, dont il vouloit gratifier fes Francs. Le contraire me paroît même très - vrai - femblable par deux raifons. La premiere, eft que Clovis a pû donner des terres Saliques à fes Francs, fans enlever aux Romains des Gaules unc partie de leurs fonds. La feconde, eft que les monumens litteraires de nos Antiquités ne difent, ni ne fuppofent en aucun endroit que Clovis ou quelqu'un, foit de fes predeceffeurs, foit de fes fucceffeurs, ait ôté aux Romains une partie de leurs fonds pour les repartir entre les Francs, & que ce filence feul montre qu'aucun de nos Princes n'a commis une pareille violence. Traitons ces deux points un peu plus au long.

Je commencerai ce que j'ai à dire fur le premier point par deux obfervations. La premiere, eft que nous avons déja fait voir, en parlant de l'avenement de Clovis à la Couronne, que la Tribu des Saliens, l'une des plus confiderables de la Nation des Francs, ne faifoit gueres que trois mille combattans. Suppofé donc que les fix ou fept autres Tribus des Francs, l'Histoire ne nous fait point entrevoir qu'il y en eut davantage, fuffent auffi nombreuses que celles des Saliens, la Nation entiere n'aura pas fait plus de vingt-quatre ou vingt-cinq mille combattans, comme il l'a été remarqué dans l'endroit de notre Ouvrage qui vient d'être cité: voilà l'idée que le Preambule de la Loi Salique même nous donne de la quantité d'hommes qui fe trouvoient dans la Nation des Francs, lorfqu'il les loue d'avoir fait de grands exploits, bien qu'ils fuffent en très-petit nombre. Ma seconde obfervation roulera fur ce que Clovis lorfqu'il mourut, avoit réduit fous fon obéiffance les deux Provinces Germaniques

& les deux Provinces Belgiques, Pays où il devoit y avoir des benefices militaires en plus grand nombre que dans aucun autre canton de l'Empire Romain.

Dès le premier Livre de cet Ouvrage le Lecteur a vû que les benefices militaires des Romains, dont Alexandre Severe avoit été l'un des premiers Fondateurs, étoient femblables aux Timars que le Grand-Seigneur donne encore aujourd'hui à une partie de fes Soldats pour leur tenir lieu de paye. Ces benefices confiftoient donc dans une certaine quantité d'arpens de terre, dont le Prince accordoit la jouiffance à un Soldat, à condition de porter les armes pour fon fervice toutes les fois qu'il en feroit befoin, & ils paffoient aux enfans du gratifié, pourvû qu'ils fiffent profeffion des armes. Or comme les deux Provinces Germaniques & les deux Provinces Belgiques étoient les plus expofées de l'Empire à cause du voisinage des Germains, les Romains y avoient tenu dans tous les tems plus de troupes à proportion que par-tout ailleurs. Il eft donc très-probable qu'il y avoit auffi plus de benefices militaires que par-tout ailleurs, proportion gardée. Ainfi Clovis aura fait d'un grand nombre de ces benefices militaires des terres Saliques, parce que lorfqu'ils feront venus à vacquer il les aura conferés à des Francs fous les mêmes conditions qu'ils étoient auparavant conferés à des Romains. Il aura ainfi recompenfé plufieurs de fes anciens Sujets, fans dé pouiller aucun des nouveaux..

On voit donc en comparant la difpofition faite par Alexandre Severe concernant les benefices militaires & celle que la Loi des Francs fait concernant les terres Saliques, que ces deux poffeffions étoient des biens de même nature, affujettis aux mêmes charges, & dont conféquemment les femmes étoient également exclufes. Clovis aura encore converti en terres Saliques d'autres fonds qui n'étoient pas des benefices militaires, mais qui se seront trouvés être à fa difpofition, parce qu'ils avoient été du Domaine des Empereurs, ou parce qu'ils feront devenus des biens devolus au Prince, à titre de desherence, de confifcation ou autre. Les devaftations & les guerres qui fe firent dans les Gaules durant le cinquiéme fiecle & le fixiéme, doivent y avoir fait vacquer un nombre infini d'arpens de terre, au profit du

Souverain.

On ne fçauroit même faire la question. Où les Francs prirent ils ce qui leur étoit néceffaire pour mettre en valeur les terres Saliques? ni en inferer que pour faire valoir les benefices mili

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