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pagne de quatre cens quatre-vingt-feize, ce qui fuppofe que cette Princeffe eût été mariée plufieurs années avant que Clovis partît pour cette campagne. Ainfi on ne fçauroit gueres placer le mariage de ce Prince avant la fin de l'année quatre cens quatrevingt-douze, ni le reculer beaucoup plus loin que l'année quatre cens quatre-vingt-treize. Cela eft d'autant plus plaufible, que dans tous nos monumens litteraires on ne trouve rien fur quoi l'on puiffe fe fonder pour placer le mariage de Clovis ou plutôt ou plus tard que je l'ai placé. Au contraire on lit dans l'Hiftoire du rétablissement du Monaftere de Saint Martin de Tournay, écrite par Hérimannus un de fes Abbés qui vivoit dans le douziéme fiécle, que ce fut la douzième année de fon regne, que Clovis époufa Clotilde. La douzième année du regne de Clovis tombe en quatre cens quatre-vingt-douze, ou en quatre cens quatrevingt-treize.

Nous voyons d'un autre côté que dans deux des Cités qui étoient des Provinces Obéïffantes lors de l'avénement de Cĺovis à la Couronne, & qui font dans le pays dont il s'agit ici, dans le pays compris entre la Somme, la Seine & le Soiffonnois; on datoit le commencement du regne de Clovis de l'année tre cens quatre-vingt-douze, ou de la fuivante.

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Dom Thierri Ruinart dit dans la Préface de fon Edition des Oeuvres de Grégoire de Tours, qu'il s'eft fervi pour donner correct le Texte de fon Auteur (4), de plufieurs Manufcrits, & entr'autres de deux Manufcrits de l'Histoire des Francs, qui font d'une antiquité refpectable, & qui fuivant le fentiment de toutes les perfonnes intelligentes dans la Diplomatique, doivent avoir été transcrits peu de tems après que Grégoire de Tours cut publié fon Ouvrage. On voit, ajoute Dom Thierri, par cette infcription, J'appartiens à l'Eglife de Saint Pierre de Beauvais, qui fe trouve écrite en plus d'un endroit fur la marge du premier de ces deux Manuscrits, qu'il appartenoit anciennement à l'Eglife Cathédrale de Beauvais, & nous le fçavons encore d'ailleurs. Le Chapitre de cette Eglife ayant bien voulu le prêter à Maître

(a) Et primo quidem Hiftoriæ libros | confulimus ad Codices duos veneranda antiquitatis quos nempe haud multo poft Gregorii noftri ætatem exaratos fuiffe confentiunt viri quotquot eos infpexerunt eruditi. Pertinuerunt olim ad Antonium Oyfellum Bellovacenfem...... Prior eorum qui ut accepimus & indicat non femel ad oram libri

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pofita hæc infcriptio, Ecclefia Sancti Petri Bellovacenfis, olim in majori Bellovacorum Ecclefia affervabatur..... Alter Codex qui ut teftatur infcriptio celebris Monafterii Corbeienfis in agro Ambianenfi olim fuit. ætate pofterior cenferi non debet.

Ruinart. in Praf. op. Greg. cap. 122.

Antoine Loifel Beauvaifin, & l'un des celebres Avocats du Parlement de Paris, il arriva que ce fçavant homme mourut avant que d'avoir rendu le livre, qui paffa entre les mains de fes héritiers. Monfieur Joly Chantre de Notre-Dame de Paris & petitfils de Maître Antoine Loifel ayant laiffé fa Bibliothéque dont étoit le Manufcrit en question, au Chapitre de fon Eglife, ce Chapitre le garde encore aujourd'hui. Voilà l'Hiftoire de notre premier Manufcrit. Quant au fecond qui n'eft pas moins ancien que l'autre, il vient de la celebre Abbaye de Corbie fituée dans le Diocèse d'Amiens. C'est ce dont fait foi une inscription mise fur ce précieux Livre.

Or on lit dans l'un & dans l'autre manufcrit, que ce fut la quinzième année de fon regne que Clovis alla faire la contre Alaric fecond Roi des Vifigots. Ces mots, ce fut la quin→ guerre ziéme année de fon regne, qui ne fe lifent point dans les autres manufcrits fe trouvent dans celui de Beauvais & dans celui de Corbie, non point à la marge, mais dans le corps du texte (4). Ce texte d'ailleurs n'a point été interpolé. Les mots dont il eft question y font écrits de la même main que ceux qui les préce dent & que ceux qui les fuivent. Il me paroît que la fingularité & la conformité de ces deux manufcrits font d'un grand fecours pour connoître en quelle année les pays qui font entre la Somme & la Seine, pafferent fous la domination de Clovis.

En effet, comme l'obferve très-bien Dom Thierri Ruinart, ce ne fut point la quinzième année de fon regne, mais la vingt fixième année de fon regne, à compter du jour de fon avenement à la Couronne, que Clovis fit la guerre contre Alaric, & qu'il le défit à la bataille de Vouglé, donnée dès la premiere campagne. Clovis qui fucceda au Roi Childéric fon pere, en quatre cens quatre-vingt-un, étoit déja du moins dans la vingtfixième année de fon regne, lorfqu'il déclara la guerre au Roi des Vifigots, ce qui arriva comme nous le verrons en cinq cens fept. Pourquoi donc nos deux manufcrits difent-ils, que ce fut la quinziéme année de fon regne que Clovis entreprit cette expédition? Je ne vois pas qu'on en puiffe alleguer d'autre raifon, fi ce n'est que dans le Diocèfe de Beauvais, & dans celui d'Amiens, on comptoit encore la quinzième année du regne

(4) Hic in Corbeienfi & Bellovacenfi in- | feruntur hæc verba, anno quinto-decimo,Chlodovechi, & quidem prima manu conftare tamen videtur pugnam Vogladenfem anno vi

gefimo fexto Chlodovei, id eft vulgaris æra
quingentefimo feptimo commiffam.
Ruin. in notis ad cap. 37. libr. fecun. hist..
Greg. Tur.

de Clovis, en cinq cens fept, parce qu'on n'y avoit compté la premiere année de fon regne que lorfque le pays avoit été foumis à la domination de ce Prince, ce qui n'étoit arrivé qu'à la fin de l'année quatre cens quatre-vingt-douze, ou plutôt au commencement de l'année fuivante. Jufques-là, l'on avoit dû y compter par les années du regne des Empereurs. Si nous avions des manufcrits de l'Hiftoire de Gregoire de Tours, qui fuffent auffi anciens que ceux de Beauvais & de Corbie, & qui euffent été copiés dans le Diocèse de Reims, & dans les autres Diocèles qui reconnurent le pouvoir de Clovis lorfqu'il étendit fa domination jufqu'à la Seine, peut-être y verrions - nous encore comme dans les deux qui viennent d'être cités: que ce fut la quinziéme année de fon regne que Clovis fit fa guerre Gothique.

On eft d'autant mieux fondé à le préfumer que nous fçavons pofitivement que dans le Diocèfe de Cambray on comptoit l'année cinq cens fept pour la vingt-cinquième année du regne de Clovis. Il y a dans la Bibliothèque du Chapitre de Cambray un Manufcrit de l'Hiftoire de Gregoire de Tours, dont les premiers livres ont été tranfcrits à peu près dans le même tems que le manufcrit de Corbie & le manufcrit de Beauvais. Or on lit dans le manufcrit de Cambray, que Clovis entreprit la guerre Gothique la vingt-cinquième année de fon regne. Le regne Clovis ayant commencé en quatre cens quatre-vingt-un pour les habitans de Cambray, qui fuivant Gregoire de Tours avoit été soumis aux Francs par Clodion, la vingt-cinquième année de ce regne, tomboit en l'année de Jefus - Chrift cinq cens sept.

de

Je fçais bien que Cambray ne fut foumis à Clovis, & nous le dirons quand il fera tems de le dire, qu'en l'année cinq cens dix, mais comme il étoit dès quatre cens quatre-vingt-un fous la domination de Ragnacaire ou de quelqu'autre Roi des Francs, on y devoit toujours compter les années du regne de Clovis Allié de ce Prince, du jour que Clovis avoit été élevé sur le pavois à Tournay Ville fi voifine du Cambréfis. Si le Copiste du manufcrit de Cambray eut voulu dater la guerre de Clovis contre Alaric, en prenant pour époque l'année où Clovis foumit cette Ville à fon pouvoir, il auroit fallu la dater en écrivant que cet évenement étoit arrivé trois ou quatre années avant le regne de Clovis. Il ne s'empara de Cambray, comme nous l'avons dit, qu'en cinq cens dix, & il fit fa guerre contre Alaric en

cinq cens fept. Il étoit donc plus commode de s'en tenir à l'époque déja établie à Cambray.

Tous ceux qui ont fait quelqu'étude de notre Hiftoire, sçavent bien qu'il eft arrivé fouvent que les années du regne du même Prince fuffent comptées differemment par les Sujets. En. une certaine Province on faifoit commencer le regne d'un Prince à une année, & dans d'autres Provinces on le faifoit commencer à une année differente; c'est de-là que provenoit la varieté d'époques qui avoit lieu même dans la Chancellerie des Princes. Quand on y expédioit une chartre, on la dattoit fuivant la maniere de compter les années du Prince, laquelle étoit en usage dans le pays où la chartre devoit valoir. Voici ce qu'on trouve au fujet de cette varieté d'époques dans un Factum publié en mil fept cens vingt-fix, par les Peres Benedictins de Compiegne, contre les prétentions de l'Evêque de Soiffons.

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» La difficulté de concilier ces époques a exercé nos plus "grands Critiques. Ils conviennent tous que ce feroit une té» merité de tirer de-là un moyen de faux. Le Pere Chiflet Jefuite, dans fon Hiftoire de Tournus, parle en ces termes des » années du Roi Conrart. Il n'y a bonnement aucun des an» ciens Rois & Empereurs qui n'ait divers commencemens de » fon regne, comme fçavent ceux qui font verfés en Hiftoire, » & qu'il eft très-neceffaire d'y prendre garde pour raifon des » dates appofées aux chartres par les Notaires & les Chance» liers, pour les ajufter avec la vraie Chronologie. Le Pere Papébrock & le Pere Viltheims Jefuites, établiffent le même principe. On peut encore confulter le Pere Mabillon à la "page 202. de fa Diplomatique, où il fait voir par la varieté qui fe trouve dans les chartres du Roi Henry premier, qu'il » falloit qu'il y eût diverfes manieres de compter les époques. "C'est ce qu'il prouve encore ailleurs dans la Diplomatique. » En un mot, tout ce qu'il y a d'habiles Critiques, convien» nent de ce principe.

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J'ajoûterai encore une raifon pour appuyer mon fentiment; Que dans tous les Etats de Clovis les Sujets ne comptoient point la même année pour la premiere année de fon regne, mais que chacun d'eux comptoit pour premiere année de ce regne, l'année où fon pays étoit paffé fous la domination de ce Prince. Ma nouvelle preuve fera tirée de ce qu'écrit Gregoire de Tours après avoir rapporté la mort de Clovis. Cet Historien avant que de dire en quelle année, à compter de la mort de

Tome 11.

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Saint Martin, époque affez en ufage dans les Gaules durant le fixiéme fiecle, Clovis étoit mort, écrit (a) » Clovis mourut cinq ans après la bataille de Vouglé, & il regna en tout » trente années. Pourquoi Gregoire de Tours donne-t'il ici pour une époque particuliere, la premiere année de la guerre Gothique ou fe donna la bataille de Vouglé; pourquoi en fait-il mention même avant que de faire mention de celle dont il étoit naturel de fe fervir; je veux dire, de l'époque tirée de la pre miere élevation de Clovis qui avoit été fon avenement à la Cou ronne de fon pere Childéric, mort en quatre cens quatre-vingtun? N'est-ce point parce que notre Hiftorien né dans la Cité d'Auvergne, étoit de plus Evêque de Tours, lorfqu'il compofa fon Ouvrage, & que dans ces deux Cités on comptoit pour la premiere année du regne de Clovis, l'année cinq cens fept, parce que c'étoit dans cette année-là que Clovis, après la bataille de Vouglé, avoit foumis la Cité de Tours, celle d'Auvergne & plufieurs autres de celles dont les Vifigots avoient été les maîtres jufques-là. Enfin on verra dans le Chapitre douzième du Livre fuivant, que bien que Theodoric Roi des Oftrogots regnât fut toute l'Italie dès l'année quatre cens quatre-vingt-treize, cepen dant les Romains d'Efpagne ne comptoient après qu'ils furent devenus Sujets de Theodoric, les années du Regne de ce Prince, qu'en commençant à l'année cinq cens dix, parce que c'étoit cette année-là que l'Espagne avoit paffé fous la domination de Theodoric. On comptoit encore en Espagne l'année fixième de Theodoric, quand en Italie on comptoit déja la vingt-troisième année du regne du même Prince.

Je conclus donc de tout ce qui vient d'être expofé, que le mariage de Clovis avec Clotilde, & la foumiffion volontaire des Cités fituées entre la Somme & la Seine, font deux évenemens arrivés dans l'efpace de douze mois, & qu'on peut par conféquent regarder le premier comme ayant été une des caufes du dernier. L'Auteur des Geftes & Hincmar ne parlent point de cette foumiffion comme d'une conquête. Il y a plus, Theodoric Roi d'Italie, dit pofitivement dans une Lettre écrite à Clovis immediatement après que le dernier eut défait les Allemands à Tolbiac en quatre cens quatre-vingt-feize: » Qu'il voit avec plai»fir la nouvelle gloire que les Francs viennent d'acquerir, après

(a) Migravit autem poft Vogladenfe bellum anno quinto, fueruntque omnes dies regni ejus triginta. Etas tota quadraginta

quinque anni. A tranfitu ergo Sancti Marti ni ufque ad tranfitum Chlodovechi Regis, &c. Greg. Tur. lib. 2. cap. 43.

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