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de l'aliener. Il pouvoit bien la remettre pour quelque tems, & en difpofer à fon gré comme d'une portion de fon revenu, mais non pas l'éteindre & en priver la Couronne pour toujours. En effet, nous voyons que les Eglifes d'Auvergne, cinquante ans après que Theodebert les eut affranchies du payement du Tribut public, en obtinrent une nouvelle exemption du Roi Childebert le jeune. (a) » Le Roi Childebert, dit Gregoire de Tours, » exempta du Tribut public par une pieufe magnificence, les » Monafteres & les Eglifes d'Auvergne, comprenant dans cette » grace les Clercs qui les défervoient, & même tous ceux qui » étoient fpécialement attachés au fervice de ces Temples.

Il est vrai que les Habitans de la Cité de Tours fe difoient exempts du Tribut public; mais comme j'ai déja eu occafion de le dire, ce privilege leur étoit contefté par nos Rois. Ce ne fut pas même en déclarant la Cité de Tours exempte du fubfide ordinaire, que Dagobert I. fit ceffer cette conteftation. Ce fut en cedant & tranfportant, comme on vient de le voir, le produit de cette impofition à l'Eglife de Tours, avec qui ce feroit déformais à fes Diocésains de s'accommoder. Voici le paffage de Gregoire de Tours qui concerne la conteftation dont nous venons de parler, & dans lequel il s'agit d'un incident furvenu environ quarante ans avant que Dagobert l'eût terminée. Ce paffage fera peu long, mais il contient tant de circonftances propres à confirmer ce que nous avons à prouver, que j'ai jugé à propos de le rapporter en entier, après avoir averti que l'évenement dont il s'agit arriva quand notre Auteur étoit déja Evêque de Tours, & à l'occafion de la nouvelle Defcription que Childebert le jeune fit faire dans fes Etats, c'est-à-dire, vers l'année cinq cens quatre-vingt-dix.

Florentianus Maire du Palais, & Romulfus un des Comtes » du Palais, à qui le Roi Childebert le jeune avoit donné la » commiffion de faire une nouvelle Description, fe rendirent à » Tours après avoir dreffé l'état des biens dans la Cité de Poi» tiers. (b) Dès qu'ils furent à Tours, ils s'y mirent en devoir

(a) Apud Arvernos vero...... In fupra dicta vero urbe Childebertus Rex omne Tributum tam Ecclefiis quam Monafteriis vel reliquis Clericis qui ad Ecclefiam pertinere videbantur, aut quicunque officium Ecclefiæ excolebant, larga pietate conceflit.

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Et fic Turonis funt delati. Sed cum Populis Tributariam functionem infligere vellent dicentes quia librum haberent præ manibus, qualiter fub anteriorum Regum tempore diffolviffent, refpondimus nos dicentes. Defcriptam urbem Turonicam Clotacharii Regis tempore, manifeftum eft, !i(b) Florentianus & Romulfus defcripto-brique illi ad præfentiam Regis abierunt

Ibid. Lib. ao. cap. 6. 7.

Tome II.

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d'imposer le fubfide ordinaire fur le Peuple, en difant que leur » intention n'étoit pas de lever une fomme plus forte que celle qu'il paroiffoit par les regiftres dont ils s'étoient faifis, avoir » été impofée fous les Rois précedens. Je m'oppofai à l'exécu» tion de leur entreprise, alleguant qu'il étoit bien vrai qu'on » avoit fait fous le regne de Clotaire fils de Clovis une Defcrip» tion de la Cité de Tours, & même que les cahiers de ce ca» dastre avoient été envoyés au Roi, mais qu'il étoit vrai auffi » que ce Prince par refpect pour la mémoire de Saint Martin les » avoit jettés au feu. J'ajoutai qu'après la mort de ce même » Prince le Peuple de Tours, en prétant ferment au Roi Charibert, avoit reçû de fon côté un autre ferment que Charibert » lui avoit fait, & par lequel il avoit promis de laiffer jouir les » Tourangeaux de tous les privileges & franchises, dont ils » avoient joui fous Clotaire fon pere, & de ne publier jamais » aucun Edit Burfal dans leur Patrie. J'ajoutai encore que s'il » étoit vrai que Gaifo, qui pour lors exerçoit l'emploi de Comte » dans mon Diocèfe, ayant recouvré une copie des cahiers dont

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je viens de parler, il s'étoit mis en devoir d'y lever le Tribut, » mais qu'il étoit vrai auffi que fur les oppofitions formées par » Eufronius mon prédeceffeur, l'affaire avoit été portée devant » le Roi; Que Gaifo s'étoit même rendu à la Cour, pour y » exhiber la copie du Canon en vertu de laquelle il avoit agi. Quelle fut, continuai-je, la fin de cette conteftation. Cha»ribert qui ne vouloit bleffer en rien le refpect dû à Saint Martin, brûla cette copie comme Clotaire en avoit brûlé l'original; & de plus il donna ordre de faire prefent à l'Eglife de l'Apôtre de la Gaule des deniers qui avoient été déja perçûs, » en proteftant encore qu'il ne fouffriroit jamais qu'aucune perfonne de la Cité de Tours fût impofée au Tribut public, à quelque titre que ce pût être. Après la mort de Charibert, continuai-je encore, nous avons été fous l'obéiffance de Sigebert fon frere, qui n'a point introduit le fubfide ordinaire » dans notre Diocèfe. Depuis quatorze ans que Sigebert eft » mort, & que nous fommes fous la domination de Childebert

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fed compuncto per timorem Sancti Martini antiftitis Rege, incenfi funt. Poft mortem vero Clotacharii Regis, Chariberto Regi Populus hic facramentum dedit, fimiliter etiam & ille cum juramento promifit ut leges confuetudinefque novas Populo non inHigeret, fed in illo quo quondam fub Patris

dominatione ftatu vixerant, in ipfo hic cos deinceps retineret neque ullam novam ordinationem fe inflicturum fuper eos quod pertineret ad fpolium fpopondit. Gailo vero Comes, &c.

Greg. Tur. Hift. Lib, 9, cap. 30.

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» fon fils, on ne nous a rien demandé à titre du Tribut public. » Nous n'avons pas eu fujet de nous plaindre. Vous êtes aujour» d'hui les dépofitaires de l'autorité Royale, dis-je en apoftrophant les Commiffaires, & comme tels, vous avez le pouvoir » d'établir ici le fubfide ordinaire, ou de nous laiffer jouir de » notre immunité: Mais fongez combien l'injuftice que vous » commettriez, en allant contre la teneur du ferment du Prince » qui vous employe, feroit criante. Quand j'eus ceffé de parler, » les Commiffaires répondirent en me montrant les registres

qu'ils tenoient à la main: (a) Voyez ces rôles; Les Habi» tans de la Touraine n'y font-ils pas employés au nombre de » ceux qui doivent le Tribut public? & n'y font-ils pas cottifés

comme tels? Ces cahiers, repartis-je, ne viennent pas du » Trefor Royal des Chartres, & jamais ils ne furent mis à exé>>cution. Il est bien vrai que les cahiers originaux, où mon Dio» cèse étoit cottifé, furent envoyés au Roi Clotaire, dans le » tems qu'il fit faire fa Defcription, mais ce Prince les fit jetter » au feu, fans vouloir qu'on s'en fervît. Charibert a traité de » même la copie que Gaifo lui en donna. Les rôles que vous re

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prefentez ne font donc qu'une feconde copie conservée à » mauvaise intention par quelque méchant Citoyen qui vous » l'a livrée, & que Dieu punira de la perverfité de fon cœur. » Dans le tems même de notre conférence, le fils d'Audinus,

celui-là même qui avoit mis entre les mains des Commiffaires » cette feconde copie dont je parle, fut attaqué d'une fievre fi » violente, qu'il mourut le troifiéme jour de fa maladie. Au fortir » de la conférence, j'envoyai à la Cour un Exprès chargé d'une » Lettre, dans laquelle je fuppliois le Roi Childebert de faire fçavoir fa volonté fur le point qui étoit en queftion entre » fes Commiffaires & moi. La réponse ne tarda point à venir. » Peu de jours après avoir expedié mon Courier, il me fut mis » entre les mains un ordre du Roi qui faifoit prohibition à fes " Officiers de faire état de la Cité, dont Saint Martin avoit été

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brum ipfum protulerat ipfa die à febre correptus die tertio expiravit. Poft hæc nos tranfmifimus nuntios ad Regem ut quid de hac caufa juberet mandata remitteret. Sed protinus Epiftolam cum auctoritate miferunt, ne Populus Turonicus pro reverentia fancti Martini defcriberetur. Quibus relictis ftatim viri qui ad hæc mifli fuerant ad patriam funt regreffi. Ibidem.

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Evêque, dans les rôles de l'impofition du Tribut public, & ces Officiers fe retirerent dès que je leur eus prefenté le Diplome du Prince. « Nous avons raconté d'avance qu'environ quarante ans après l'évenement dont on vient de lire le récit, Dagobert I. termina toutes conteftations, concernant l'exemption du Tribut public prétendue par la Cité de Tours, en faisant don du produit du Tribut public dans la Cité de Tours, à l'Eglife de Tours.

On voit par les Lettres de Caffiodore, que les Oftrogots, nonobftant tous les égards qu'ils affectoient d'avoir pour les Eglifes des Catholiques, ne laiffoient pas de lever le fubfide ordinaire fur tous les biens qui appartenoient à celles d'Italie. (a) Il cft ftatué dans une de ces Lettres écrite au nom de Theodoric, que les biens qui appartenoient à une certaine Eglife dans le tems que fon exemption lui avoit été octroyée, ne feroient pas fujets aux taxes ordinaires ni aux fuperindictions, mais que les biens qu'elle avoit acquis depuis cette exemption, feroient tenus de les payer fur le même pied qu'ils étoient payés par le poffeffeur, de qui cette Eglife les avoit eus..

Il fe prefente ici une queftion affez curieufe, & même de quelqu'importance dans l'explication de notre Droit public. Les Francs payoient-ils fous le regne des enfans de Clovis le fubfide ordinaire, ou ne le payoient-ils pas ? J'avoue que l'opinion commune eft qu'ils ne le payoient point, & qu'ils étoient même exempts de toutes charges, à l'exception de celle de porter les armes pour le fervice du Roi, lorfqu'ils étoient commandés? Combien de droits imaginaires n'a-t'on pas même fondés fur cette exemption prétendue ? Cependant je crois que fous la premiere ni fous la feconde Race, les Francs n'ont pas été plus exempts que les Romains mêmes du fubfide ordinaire. Je crois que les Francs étoient tous affujettis au payement du Tribut public, ainfi qu'ils l'étoient certainement, comme on le verra dans le Chapitre suivant, au payement des Douanes, des Péages, & des autres Droits de pareille nature, qui fe levoient alors dans les Gaules. Si quelques Francs étoient exemptés de payer aucune de ces impofitions, ce n'étoit pas en vertu de leur état, ce n'étoit point en vertu d'une immunité accordée à la Nation des Francs

(a) Faufto Prafecto Pratorii Theodericus Rex....... Unde quia Religiofi ftudii reverentia commonemur, &c. Ea vero quæ à tempore beneficii ad Ecclefiam veftram ab aliquibus eft tranflata poffeffio, commune

cum univerfis poffeffionibus onus folutionis
agnofcat, & illius fubjaceat functioni, cu
jus nacta eft jura Domini.
Caff, var, Lib. 1. Ep. 26.

en géneral, c'étoit en vertu d'un privilege particulier, accordé fpécialement à quelques perfonnes. Entrons en matiere.

Il faudroit, pour montrer que nos Francs euffent été exempts du fubfide ordinaire, le faire voir par des preuves bien pofitives. Cette prétendue exemption Nationale ne s'accorde gueres avec ce que nous fçavons pofitivement fur les ufages & fur les coutumes du fixiéme & du feptiéme fiécle, & avec ce que nous venons de voir..

En premier lieu, l'ufage des Romains n'étoit pas, lorfque le Prince avoit remis à quelqu'un la cotte-part qu'il devoit payer, de rejetter la cotte-part de l'exempté fur les autres contribuables, ainfi qu'il fe pratique aujourd'hui dans plufieurs Etats. L'ufage des Romains étoit, que le Prince paffat en recette le produit de cette cotte-part. Suppofé, par exemple, que la Communauté de laquelle Lucius étoit membre, dût payer cent fols d'or, dont Lucius fût tenu de contribuer la dixième partie, & que l'Empereur remît à Lucius fa cotte-part, alors l'Empereur prenoit en payement les dix fols d'or dont il avoit déchargé Lucius. La Communauté dont Lucius étoit membre, n'étoit plus tenue que de quatre-vingt-dix fols d'or. On voit dans les Lettres de Caffiodore plufieurs preuves de cet ufage, que les Oftrogots avoient confervé en Italie. Theodoric mande à la Curie de Trente, en lui écrivant fur l'exemption qu'il avoit accordée à un Prêtre nommé Butilianus. (4) » Nous avons exempté par ces Pré» fentes Butilianus de payer au Fife aucune redevance; mais » comme notre intention eft, que la libéralité qu'il nous plaît » d'exercer, foit faite à nos dépens & non pas aux dépens de nos bons Sujets, nous déduirons fur ce que vous nous devez pour » les bois & taillis dont jouit votre Cité, autant de fols d'or qu'il fe trouvera que nous en aurons remis à Butilianus.

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La néceffité où le mettoit le Prince de donner une indemnité toutes les fois qu'il accordoit une exemption, devoit être caufe qu'il en accordât très-peu. Aufsi voyons-nous dans les Lettres de Caffiodore, que de fon tems le Senat de Rome étoit ainfi que les autres Ordres de Citoyens, foumis aux impofitions qui fe levoient fous le nom de fubfide ordinaire. Theodoric dit dans une

(a) Et ideo præfenti autoritate cognofcite pro forte quam Butiliano Prefbytero noftra autoritate contulimus, nullam perfolvere debere Fifcalis calculi functionem, fed in ca præftatione quantum fe folidi comprehendunt, de Tertiarum illationibus vobis

| noveritis effe relaxandos. Nec inferri à quo quam volumus quod alteri noftra humanitate remifimus, ne quod dictum nefas eft, bene meriti munus, innocentis contingat effe difpendium.

Caff, var. Lib. 2. Ep, 17,

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