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corps. Il étoit véritablement le Maître dans les Etats, où tout lui étoit fubordonné, & qu'il gouvernoit prefque comme les Empereurs gouvernent. (4) Tacite en parlant des mœurs des Germains dit: » Les Germains n'ont gueres plus de confidéra» tion pour les Affranchis que pour les Efclaves. Ces Affranchis » ne font employés qu'au fervice domeftique de leur Maître, auprès duquel ils peuvent tout au plus acquerir quelque crédit. » Mais ils n'ont aucune part au gouvernement de la Cité où ils vivent, fi ce n'eft dans les Etats qui font fous un Roi. Dans »ces Etats-là, on voit des Affranchis devenir importans & s'é» lever au-deffus des Citoyens nés libres, & même au-deffus » des Citoyens des plus anciennes Familles. Quant aux autres » Etats, le peu de confidération qu'on y témoigne pour l'Affranchi, eft une des marques de la liberté des Sujets. Croit-on les Rois qui pouvoient donner tant de confidération aux Efclaves qui avoient trouvé grace devant leurs yeux, fuffent des Princes dont l'autorité fût fi bornée ? Les Tribus des Francs étoient-elles gouvernées en République au-delà du Rhin? Je pourrois encore appuyer cette confidération par un grand nombre de faits tirés de l'Hiftoire Ancienne. Revenons à notre fujet.

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que

Je ne rapporterai que deux preuves de l'autorité abfolue de Rois Merovingiens fur tous leurs Sujets, mais elles font telles, que les Lecteurs qui ont quelqu'idée du Droit public des Nations & de la conftitution des Etats, ne m'en demanderont point davantage. La premiere montrera que le Roi condamnoit à mort, & qu'il faifoit exécuter les plus Grands de l'Etat, fans être affujetti à leur faire leur procès fuivant d'autre forme que celle qu'il lui plaifoit de garder. L'autre fera voir, que nos Rois augmentoient les impots, fans être obligés d'obtenir le confentement de perfonne, & par conféquent qu'ils étoient maîtres abfolus de la levée des deniers.

Je crois que pour rendre la premiere preuve complette, il fuffira de rapporter deux ou trois exemples de juftices faites par les Rois Mérovingiens, & quelques Loix qui fuppofent fenfiblement que ces Princes étoient en droit de juger & de faire exécuter leurs Sujets de toute condition, fans être astraints à

(a) Liberti non multum fupra fervos funt, rari aliquod momentum in domo, nunquam in Civitate; exceptis duntaxat iis Gentibus quæ regnantur. Ibi enim & fuper Ingenuos

& fuper Nobiles afcendunt. Apud cæteros impares libertini, libertatis argumentum funt. Tacit. de moribus Ger.

leur faire auparavant leur procès fuivant une certaine forme. Frédegaire commence la Cronique par l'éloge de la débonnaireté du Roi Gontran. De bonitate Regis Gumtramni. Ce Prince néanmoins ordonna que Chundo, l'un des principaux Seigneurs de l'Etat, fubiroit l'épreuve du Duel pour un cas très-frivole, puifque le crime dont il étoit accufé, n'étoit autre que celui d'avoir tué un Taureau Sauvage. Le fuccès du Duel dont nous avons rapporté l'hiftoire dans le fixiéme Chapitre de ce Livre, n'ayant pas juftifié Chundo, Gontran le condamna d'être affommé à coups de pierre, ce qui fut exécuté. On a vû par le récit de Gregoire de Tours que Gontran jugea feul. Cependant notre Historien ne reproche rien à ce Prince fur la forme du Jugement rendu contre Chundo. Il y a plus. Gontran lorfqu'il vint à fe repentir de ce qu'il avoit fait, ne fe reprocha rien fur la forme de ce Jugement. (4) Ce qu'il regretta, ce fut d'avoir condamné à mort par un premier mouvement & pour un fujet bien leger, un homme fort attaché à fa perfonne & très-capable de fervir fon Souverain. Cela montre bien que Gontran n'avoit pas jugé Chundo d'une maniere extraordinaire & odieufe.

Rauchingus étoit Franc de Nation, puifqu'il fe prétendoit Fils de Clotaire premier, & il étoit employé en qualité de Duc par Childebert le jeune. (b) Cependant lorfque ce Prince le fit mourir comme coupable d'un crime de Léze-Majefté au premier chef, ce fut fans aucune forme de procès. Childebert ayant averé le fait par des informations qui lui paroiffoient apparemment fuffifantes, il manda Rauchingus, l'interrogea dans fa chambre, & il le congedia. Au fortir de ce lieu Rauchingus fut faifi par ceux qui avoient reçû l'ordre de l'exécuter, & qui le firent mourir. Bref, il fut exécuté à peu près comme Meffieurs de Guise le furent à Blois en mil cinq cens quatre-vingt-huit, & comme le Maréchal d'Ancre le fut à Paris en mil fix cens dixfept. Frédegaire dit en parlant de cet évenement. » Dans ce » tems-là Rauchingus, Gontran-Bofon, Urfion, & Bertefre» dus qui étoient des plus grands Seigneurs des États de Chil

(a) Multum fe ex hoc deinceps Rex pœnitens ut fic eum ira præcipitem reddidiffet, ut pro parvulæ caufa noxa fidelem fibique neceflarium virum tam celeriter interemif. fet. Greg. Tur. Hift. Lib. 1o. cap. 10.

(b) At ille diligenter inquirens quæ ei nuntiata fuerant, veraque effe cognofcens, arceffiri Reuchingum juffic....

Et ex ipfis divitiis valde fuperbus in tan

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Ipfo quoque tempore Rauchingus & BoloGuntchrannus, Urfio & Bertifredus Optimates Childeberti Regis eo quod tractaverint eum interficere, ipfo Rege ordinance interfecti funt.....

Fredeg. Chron.cap. 8.

debert, ayant conjuré contre fa perfonne, furent mis à mort par ordre de ce Prince.

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Je vais rapporter maintenant des articles des Loix en ufage pour lors, lefquels confirment ce que j'ai à prouver. Voici un article de la Loi Nationnale des Bavarois rédigée par les foins & fous le regne de Dagobert premier. » Celui qui aura tué un » homme par l'ordre du Roi ou par l'ordre de l'Officier qui » commande en chef dans la Province, ne pourra point être » recherché pour ce fait-là, ni être condamné à aucune forte » d'amende, d'autant qu'il aura agi par l'ordre d'un Supérieur

auquel il ne lui étoit pas permis de défobéir. Ainfi l'homi»cide & fes enfans feront fous la protection fpéciale du Duc. » Si le Duc fous le Gouvernement de qui le cas fera arrivé, » vient à mourir, fon fucceffeur fera chargé de donner à l'ho» micide ci-deffus défigné, la même protection. (a)

On doit préfumer que cette Loi étoit la Loi génerale de la Monarchie, quoiqu'elle ne fe trouve pas dans les autres Codes. En premier lieu, il n'y a point d'apparence qu'une pareille Loi ait eu lieu parmi une des Nations qui compofoient le Peuple de la Monarchie fans avoir eu lieu en même tems parmi les autres. Pourquoi n'eft-elle donc pas écrite dans tous les Codes? Peutêtre leurs rédacteurs l'ont ils crue fuffifamment autorisée par l'ufage? Peut-être fe trouvoit elle déja dans quelques Capitulaires de Clovis ou d'un autre Roi de la premiere Race, lefquels nous n'avons plus? Ce qui rend ce fentiment plaufible, c'eft que le contenu dans l'article de la Loi des Bavarois fur lequel nous raifonnons ici, fe trouve énoncé diftinctement dans les Capitu laires des Rois de la feconde Race, que l'on fçait bien avoir été des Loix faites pour être obfervées par tous les Sujets de la Monarchie. Il eft dit dans l'article trois cens foixante & fept du cinquiéme Livre des Capitulaires. (b) » Celui qui aura tué un » homme par ordre du Roi ou par l'ordre du Duc qui com» mande dans une Province, ne pourra point être recherché

(a) Si quis hominem per juffionem Regis aat Ducis qui illam Provinciam in poteftate habet, occiderit, non requiratur ei, nec faidofus fit quia juffio Domini fui fuit, & non potuis contradicere juffionem, fed Dux defendat eum, & filios ejus pro eo. Et fi Dux ille mortuus fuerit, Dux qui in loco ejus defendat eum.

Lex Baj. Titul. 2. cap. 8.

(b) Si quis juffione Regis vel Ducis illius

qui ipfam Provinciam regit hominem occi-
derit, non requiratur er, nec propterea fai-
dofus fit quia lex & juffio Dominica occidit
cum & ipfe non potuit contradicere. Prin-
ceps vero & fucceffores ejus defendant eum
& toram progeniem ejus, ne ob hoc perear
& malum patiatur. Quod fi propterea ipfe:
aut ejus progenies aliquid mali patli fuerint
aut occifi, dupliciter componatur.

Cap. Lib. 5. capit. 367.

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" pour ce fait-là, ni condamné à aucune forte d'amende, parce " que la Loi & l'ordre du Souverain feront réputés avoir fait le meurtre, d'autant plus que celui qui l'aura perpetré ne pouvoit pas fe difpenfer de leur obéir. Ainfi l'homicide & toute fa poftérité, feront fous la protection spéciale du Roi » & fous celle de fes fucceffeurs qui le garantiront envers tous » & contre tous. Que s'il arrive qu'en haine du fufdit meurtre l'homicide, ou quelqu'un des fiens, fouffre quelque mal, ou » foit tué, qu'alors le coupable foit condamné à une peine pécuniaire deux fois aufi forte que celle qu'il payeroit, s'il » avoit offenfé ou tué une autre perfonne de même condition » que le fufdit homicide. « Non-feulement ces Loix affurent l'impunité à celui qui avoit tué un autre homme, en vertu d'une commiffion expreffe du Prince ou de fon Repréfentant immédiat; mais il paroît encore que ceux à qui une parcille commiffion étoit adreffée, ne pouvoient point refuser de s'en charger fans fe rendre coupables du crime de désobéïllance. On a vû dès le premier Livre de cet Ouvrage, que les Empereurs condamnoient fouvent à mort fans prendre l'avis d'aucun Juge & qu'ils faifoient exécuter leurs Arrêts par les Prétoriens. Ainfi c'étoit des Romains mêmes que nos Rois avoient pris la Jurifprudence dont il s'agit ici.

Si nos Rois des deux premieres Races, ont traduit quelquefois des criminels devant une nombreuse affemblée, c'est qu'alors ces Princes jugeoient à propos, par des confidérations particulieres, d'en ufer ainfi, & non point parce qu'ils y fuffent obligés.. Il faudroit afin que les exemples de coupables jugés devant une af femblée, prouvaffent quelque chofe, qu'il n'y eût point d'exemple de coupable jugé par le Roi feul. Or, comme nous l'avons déja dit, il y a dans notre Hiftoire plufieurs exemples de pareils Jugemens, & les Hiftoriens qui les rapportent, les narrent fimplement & fans donner à entendre en aucune maniere que ces fortes de Jugemens fuffent contraires à aucune Loi. Aucun d'eux ne dit que l'accufé devoit être jugé par fes Pairs.

Que nos Rois Mérovingiens, jugcaffent en perfonne les procès civils, on en a vû déja tant d'exemples dans cet Ouvrage,. qu'il feroit fuperflu de raffembler ici des faits qui le prouvaffent.. Peut-être, & nous l'avons obfervé plus haut, eft-ce au pouvoir abfolu de ces Princes & à la maniere dont ils rendoient la Jufti. ee, qu'il faut attribuer la confervation d'un Royaume dont la premiere conformation étoit auffi vicieufe que l'étoit celle de la

Monarchie de Clovis. Mais le gouvernement d'un Souverain; qui rendant la Justice par lui-même, la rend très-promptement, prévient bien des maux, & rémédie à bien des défordres.

On ne voit pas non plus que nos Rois Mérovingiens fuffent obligés à demander le confentement d'aucune Affemblée politique quand ils vouloient augmenter les anciennes impofitions, ou bien en mettre de nouvelles. Il n'en eft rien dit dans aucun des monumens de nos Antiquités, quoique ceux qui les ont écrits ayent eu des occafions de le dire, telles qu'ils n'auroient pas manqué d'en parler. Il feroit dit, par exemple, quelque chofe de cette prétendue obligation dans le paffage fuivant, tiré de Grégoire de Tours.

"

(4) Le Roi Clotaire avoit enjoint par un Edit, à toutes les Eglifes de payer au Fifc le tiers de leur revenu. Déja presque » tous les Evêques avoient donné, bien que malgré eux, leur » confentement par écrit à l'exécution de cet ordre, lorsque le » Roi voulut obliger Injuriofus Evêque de Tours, à donner » auffi le fien. Ce vertueux Prélat le refufa avec courage, & il » dit en face au Roi: Si vous ofez mettre la main fur le bien de » Dieu, il fera dans peu tomber la Couronne de deffus votre » tête. Il feroit trop odieux qu'un Roi qui doit nourrir les pau»vres du bled de fes greniers, vuidât les greniers des pauvres, » pour remplir les fiens. Injuriofus fortit du Palais, dès qu'il eut » fini fon difcours & fans prendre congé du Roi, il se mit en » chemin pour retourner à Tours. Le Roi touché de ce qu'il » avoit entendu, & plein de refpect pour la mémoire de Saint » Martin, dont Injuriofus étoit un fucceffeur, envoya du mon» de pour le ramener à la Cour, & pour l'affurer qu'il fe repen» toit d'avoir fait l'Edit dont il s'agiffoit, & qu'il alloit le révo» quer. On voit par le récit de Gregoire de Tours, que Clotaire ne demanda l'acquiefcement des Evêques à la taxe exceffive qu'il mettoit fur le Clergé, qu'après avoir publié l'Edit qui impofoit cette taxe. D'ailleurs, fi conformément au Droit public en usage dans la Monarchie durant le fixiéme fiècle, le Roi n'eût

"

(a) Denique Chlotocharius Rex indixit ut omnes Ecclefiæ Regni fui tertiam partem fructuum Fifco diffolverent. Quod licet in. viti cum omnes Epifcopi confenfiflent atque fubfcripfiffent, viriliter hoc beatus Injuriofus refpiciens, fubfcribere dedignatus eft, dicens: Si volueris res Dei tollere, Dominus Regnum tuum velociter auferet, quia ini

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quum eft pauperes quos debes alere horreo, ab eorum ftipe tua horrea repleantur. Et iratus contra Regem nec vale dicens abfceffit. Tunc commotus Rex timens etiam virtutem fancti Martini, mifit poft eum cum muneribus veniam precatus & hoc quod fecerat damnans. Greg. Tur. Hift. Lib. 4. cap. 2.

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