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Puiffances de ce pays avoient affez de force pour fe défendre, & pour faire perdre au Roi des Vifigots l'efperance de les fubjuguer; d'un autre côté, elles n'étoient point en affez bonne intelligence pour faire une ligue offenfive contre lui. La crainte d'Euric étoit même peut-être, la feule chofe, qui empêchoit ces Puiffances de faire la guerre l'une contre l'autre. Il ne refte du moins dans les monumens de l'antiquité aucun indice qu'il fe foit donné des batailles, ni fait des fieges dans les Gaules depuis la pacification de quatre cens foixante & dix-sept, jufqu'à la mort d'Euric arrivée vers quatre cens quatre-vingt-quatre. La mort de ce Prince délivra tous ces Potentats de la crainte des Vifigots, parce que fon fils Alaric II. qu'il laiffoit pour fucceffeur, étoit encore enfant, & hors d'état d'agir par lui-même. Ils furent donc en liberté après cette mort d'exécuter les projets de vengeance ou d'agrandiffement qu'ils avoient formés, & dont une crainte commune leur avoit fait remettre l'exécution à d'autres tems.

Je crois pouvoir placer dans l'année de la mort d'Euric, ou dans l'année fuivante, celle des guerres des Bourguignons contre les Vifigots, durant laquelle les premiers conquirent fur les autres la Province Mar feilloife. Cette Province n'eft pas une des dix - fept qui fe trouvent dans la Notice des Gaules; au contraire Marfeille, loin d'avoir une Province à qui elle donnât fon nom dans le tems que cette Notice fut rédigée, étoit ellemême une des Cités de la Viennoife. Je crois donc que Gregoire de Tours, lorfqu'il dit que cette Province Marfeilloife appartenoit aux Bourguignons en l'année cinq cens, parle le langage de fon tems, & qu'en s'exprimant ainfi, il s'eft conforme à la divifion de la Viennoife qui s'étoit faite fous les fucceffeurs de Clovis.

Cette (4) Province fe trouva partagée fous le regne de ces Rois en plufieurs autres petites Provinces, dont une portoit le nom de Province Marseilloife. Elle comprenoit outre là Cité de Marseille, Aix, & Avignon.

Il eft certain, pour reprendre le fil de l'Hiftoire, qu'Euric Roi des Vifigots s'étoit emparé en l'année quatre cens foixante & dix d'Arles & de Marseille qu'il avoit unies à fon Royaume, & qu'il mourut dans Arles. Les Auteurs (b) qui nous l'ap

(a) A Malilia & nomen accepit Provincia Maffilienfis, vel Provincia Maffilix, quæ præ cæteris continebat Maffiliam, Avenionem, Aquas Sextias, & Auftrafiorum Regibus parebat, &c.

Valef. Notitia Gall. pag. 321.

(b) Jordanes & Severus. His Confulibus, Arelatum & Maffilia à Gothis occupatæ funt. App. ad Chr. Vid. Tun. ad ann. 470, Euricus Rex Vefegothorum Romani re

prennent, & qui ont écrit environ un fiecle après fa mort, ou n'auroient point parlé de l'acquifition de Marfeille, ou bien ils auroient fait mention de la prife de Marseille par une autre Puiffance, fi ce Prince eût perdu Marseille avant que de mourir. Il eft donc apparent qu'il avoit confervé Marseille jusqu'à fa mort, ainsi qu'il avoit certainement confervé Arles.

Nous trouvons cependant dans Gregoire de Tours, que lorfque Clovis fit la guerre aux Bourguignons, ce qui arriva en l'année cinq cens, comme nous le dirons dans la fuite, les Bourguignons étoient actuellement en poffeffion de la Province Marfeilloife. Notre Hiftorien commence la relation qu'il nous donne de cette guerre par dire. (a) » Dans ce tems-là le Royaume de Gondebaud & de Godégifile fon frere s'éten» doit le long de la Saone & du Rhône, & il comprenoit » encore la Province Marseilloife. Comme Gregoire de Tours ne fait ici aucune mention particuliere d'Arles, rien n'empêche de croire que les Bourguignons ne tenoient pas cette place en l'année cinq cens; mais que les Vifigots après avoir perdu la Province Marseilloife, n'avoient point laiffé de conferver Arles, fuivant l'apparence, à la faveur du Pont que cette Ville avoit fur le Rhône, & par lequel elle communiquoit librement avec la premiere Narbonnoife, & les autres contrées, où ils avoient leurs établissemens les plus folides. En effet Arles étoit encore foumife à leur Roi Alaric II. quand Céfaire fut fait Evêque d'Arles, ce qui arriva vers l'année cinq cens trois. Il eft dit dans la Vie de ce Prélat (b) qu'il fut accufé par un de fes Secretaires devant le Roi Alaric, d'avoir voulu livrer Arles aux Bourguignons, & que ce Roi fe prévint tellement contre lui, qu'il fut tiré de fon Diocèse, & relegué à Bordeaux. Mais l'innocence de Céfaire ayant été reconnue à quelque tems de-là, il fut rappellé, & fon calomniateur fut puni de mort

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Gr. Tur. Hift. lib. 2. cap. 32.

(b) Lucumanus beati viri Notarius... Suggerit Alarico Regi per quos qui erant ei à fecreris, Cæfarium è Galliis genus ducentem, totis in id viribus incumbere ut ditionem & urbem Arelatenfem Burgundionibus prodat... ab Arelate extractus cogitur apud Burdegalenfes exulare....... Poftea vero quam beati viri innocentiam comperiit nefarius Princeps, oravit ut ad fuam reverteretur fedem.

Vita Cafari lib. pr. apud Surium in die 27. Aug. pag. 286.

par l'ordre du même Prince, qui avoit exilé notre Evêque. Or je ne crois pas pouvoir placer mieux la conquête de la Province Marfeilloife faite certainement par les Bourguignons fur les Visigots entre l'année quatre cens quatre-vingt-quatre & l'année cinq cens, qu'en la plaçant durant la minorité d'Alaric II.

Je fuis même perfuadé que ce fut durant la guerre qui fe fit alors entre les deux Nations, qu'arriva un évenement dont il eft parlé dans les Opufcules de Gregoire de Tours. On y lit (4) qu'un corps de Bourguignons s'étant avancé jufques dans l'Auvergne, qui pour lors étoit fous la domination des Vifigots, il y pilla l'Eglife de Saint Julien Martyr, bâtie à Brioude. Hellidius qui commandoit pour les Vifigots dans le Velay, arriva comme par miracle à Brioude dans le tems que les ennemis y étoient encore, & il les défit. Ceux des Bourguignons qui purent fe fauver, regagnerent leurs quartiers, emportant avec eux une partie du pillage qu'ils avoient fait dans l'Eglife de Saint Julien. Quand ils y furent arrivés, ils firent prefent d'une paténe & de quelques autres pieces de leur butin au Roi Gondebaud, mais la Reine fa femme fe les fit donner, & elle les renvoya auffi-bien que tous les autres vafes pris dans cette Eglife, & qu'il lui fut poffible de recouvrer, au lieu d'où ils avoient été enlevés. Elle joignit même des presens à cette restitution, difant au Roi fon mari, qu'il ne falloit point s'attirer l'indignation du Ciel, à l'appetit de quelqu'argenterie.

Cet évenement doit être arrivé ou avant la paix faite entre Euric & les Puiffances des Gaules, ou bien dans la guerre durant laquelle les Bourguignons prirent fur les Vifigots la Province Marseilloife. En effet on ne fçauroit, fuivant la vraifemblance, reculer l'évenement dont il s'agit jufqu'en cinq cens fept que les Burguignons firent conjointement avec les Francs la guerre aux Vifigots; parce que les Francs conquirent l'Auvergne (b) dès le commencement de cette guerre. S'il étoit bien prouvé que la Reine dont il eft parlé dans Gregoire de

(a) Poft hæc venientes quidam de Burgundionibus ad Brivatenfem vicum cum cum armorum multitudine copiofa circumdant, captoque populo, direpto minifterio Sacrofancto....Tunc Hillidius quidam à Vellavo veniens..... Proftratis ergo ab Hillidio hoftibus, quatuor ex his per fugam lapfi, patenam & urceum, qui anax dicitur, Regi Gondebado ob gratiam exhibent conquirendam. Reliquum vero argentum Reginæ faga

citas reperit, cui additis multis muneribus, loco ifto fancto reftituit fideliter infinuans Regi, non oportere eum ut gratiam Martyris fancti propter argenti parvitatem amit

terct.

Gr. Tur. de Glor. Mart. lib. 2. cap. 7. & 8.
(b) Chlodovechus vero filium fuum
Theodoricum per Albigenfem ac Rutenam
Civitatem, ad Arvernos dirigit.
Gr. Tur. hift. lib. 2. cap. 37.

Tours, fût la Reine Caretenès, il feroit hors de doute que l'exploit d'Hellidius auroit été fait avant cinq cens fept, puifque l'Epitaphe de cette Reine enterrée dans une Eglife de Saint Michel, qu'elle avoit bâtie à Lyon, nous apprend qu'elle mourut (a) fous le Confulat de Meffala, c'est-à-dire, en cinq

cens fix.

Nous pouvons parler bien plus affirmativement fur la guerre de Clovis contre Syagrius, puifque les monumens de nos antiquités, nous en apprennent clairement la date, les principaux évenemens, & même les motifs. On a déja vû que la Famille Afrania, dans laquelle il y avoit eu un Conful, étoit (b) l'une En 382. des plus confidérables des Gaules, qu'Afranius Syagrius étoit fils d'Egidius, Maître de la Milice dans le département des Gaules, & mort en quatre cens foixante & quatre. En parlant de cette mort, nous avons dit encore que Syagrius n'avoit point fuccedé à fon pere dans l'emploi de Maître de la Milice, & qu'apparemment Chilpéric un des Rois des Bourguignons avoit été revêtu de cette dignité à la mort d'Egidius. En effet aucun Auteur ancien n'en donne le titre à Syagrius. Mais Egidius outre la dignité de Maître de la Milice, avoit encore lorfqu'il mourut l'emploi de Comte, ou le Gouvernement particulier de la Cité de Soiffons, & fon fils lui avoit fuccedé dans ce dernier emploi. On peut croire que Syagrius s'étoit rendu le maître abfolu de cette Cité durant l'Anarchie qui eut lieu dans les Gaules après le renversement du Thrône de l'Empire d'Occident. Clovis, dit Gregoire de Tours, marcha la cinquième année » de fon regne contre Syagrius Roi des Romains & fils d'Egidius. Syagrius fe tenoit à Soiffons (c) qui avoit été au pouvoir de fon pere Egidius dont je viens de parler. Suivant toutes les apparences, Gregoire de Tours donne lé le titre de Roi à Syagrius, faute de trouver un titre dans la Nos tice des dignités de l'Empire, lequel pût convenir à cet Officier,

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En 486.

qui dans fon district exerçoit l'un & l'autre pouvoir, fans être fubordonné à aucun Supérieur qui fût dans le pays. Il n'y avoit point alors ni de Duc ni de Proconful dans la feconde Belgique, ou s'il y en avoit, Syagrius ne reconnoiffoit point leur autorité. Il n'y avoit pas non plus alors de Préfet du Prétoire des Gaules; & fuppofé qu'il y eut un Maître de la Milice dans ce département, cet Officier étoit Clovis à qui nous allons voir que Syagrius n'obéïffoit pas. Autant qu'on peut conjecturer, Syagrius regnoit fur les Romains de fon reffort, en la même maniere que les Rois Francs établis fur le territoire de l'Empire, regnoient fur les Francs leurs Sujets. D'ailleurs on fera réfle xion que le titre de Roi autrefois fi odieux aux Romains, étoit devenu parmi eux depuis le fecond fiecle de l'Ere Chrétienne, un titre dont ils fe fervoient quelquefois pour défigner les perfonnes qui tenoient un rang fupérieur dans l'Etat. La qualité de Roi n'étoit plus, pour s'exprimer ainfi, incompatible avec celle de Romain. (a) Monfieur de Valois rapporte un grand nombre d'exemples qui font voir que les Auteurs Latins du fecond fiecle & ceux du fiecle fuivant, ont donné le titre de Roi ou de Reine à des Impératrices, à des Empereurs, & à des perfonnes forties de leur fang. Nous obferverons encore que le titre de Roi des Romains que donne notre Hiftoire à Syagrius, ne fignifie pas plus que Syagrius fût Roi de tous les Romains, ni même de tous les Romains des Gaules, que le titre de Roi des Bourguignons qu'elle donne à Gondebaud, & celui de Roi des Francs qu'elle donne à Clovis, fignifient que Gondebaud fut Roi de tous les Bourguignons, & Clovis Roi de tous les Francs établis dans les Gaules. Ainfi le titre de Roi que Gregoire de Tours donne à Syagrius, veut dire feulement que Syagrius regnoit fur une partie des Romains des Gaules, comme celui de Roi des Bourguignons qu'il donne à Gondebaud, & celui de Roi des Francs qu'il donne à Clovis, veulent dire uni quement que le premier regnoit fur une partie des Bourguignons, & le fecond fur une partie des Francs. La fuite de l'Hif toire confirmera encore ce que nous difons ici concernant les bornes de la domination de Syagrius.

(a) Aut quafi non Imperatores ipfi & Augufta Reges ac Reginæ ab Autoribus fæpé vocentur. Plinius fecundus, &c. ..... Severus Sulpitius in vita beati Martini, Conftantium Principem, Conftantini Maximi filium Regem, Valentinianum majo

rem, & Clementem Maximum fæpius Reges quam Imperatores, Maximi autem conjugem Reginam femper nuncupat. Similiter Idatius Pulcheriam pro Augufta Reginam vocat & Marcellinus, &c.

Valef. de rebus Eranc. lib. quint. pag. 230.

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