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» avoir été fi long-tems fans faire parler d'eux. Nous rapporte, rons cette Lettre dans le Chapitre fuivant. Quelle apparence que Theodoric eût écrit au Roi des Francs en quatre cens quatrevingt-feize ce qu'on vient de lire, fi ces Francs euffent conquis à force d'armes en quatre cens quatre-vingt-douze, ou l'année précedente, la plus grande partie de la feconde Belgique? Ainsi l'on peut croire que Saint Remi, dont le Diocèfe fut un de ceux qui fe foumirent alors à Clovis, aura fi bien fait valoir les efperances fondées qu'on avoit de la converfion de Clovis,& la raifon, que du moins fes enfans feroient élevés dans la Religion Chrétienne, qu'enfin il n'y avoit qu'un feul moyen humain de faire ceffer les maux d'une anarchie funefte, qui étoit celui de reconnoître Clovis pour chef du Gouvernement civil, que l'Evêque de Reims aura perfuadé aux Cités des Provinces Obéïffantes, dont il étoit le Métropolitain, de fe foumettre au jeune Héros qui regnoit fur les Saliens. Ce fut ainfi que la parole que Henri IV. donna en 1589. de fe faire inftruire dans la véritable Religion, engagea plufieurs Catholiques à le reconnoître long-tems avant la converfion.

pour Roi, Mais comme il y eut plufieurs Seigneurs & plufieurs Villes Ca tholiques qui differerent à reconnoître Henri IV. jufqu'à ce qu'il eût fait publiquement profeffion de leur Religion en 1593. il y eut auffi dans le cinquiéme fiécle plufieurs Romains des Gaules du nombre de ceux qui étoient demeurés libres, qui refuferent de Le foumettre au gouvernement de Clovis, jufqu'à ce qu'il eût abjuré publiquement l'idolatrie. Telle aura été la réfolution des Provinces Confederées ou des Armoriques qui auront mis dans leur parti ce qui reftoit à l'Empire de Troupes de campagne dans les Gaules. Nous avons vû qu'elles étoient raffemblées entre le Loir & la Loire, qu'elles gardoient contre les Vifigots, & que peutêtre elles tenoient encore le Berri. Quant aux Armoriques le Lecteur le fouviendra bien qu'ils étoient alors réduits aux pays qui font entre la Seine, l'Océan, la Baffe-Loire, le Loir, & une ligne tirée des environs de Paris jusqu'au Loir.

Je crois donc que ce fut immédiatement après la réduction des Provinces. Obéiffantes que Clovis fit aux Armoriques la guerre, qui les punit de n'avoir pas eu affez de déference pour la médiation de faint Germain Evêque d'Auxerre, la guerre que fuivant Procope, les Francs leur firent pour les obliger à fe joindre à eux. Cet Historien après avoir dit que les Armoriques dont, comme nous le montrerons ci-deffous, un Copiste mal-habile a

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changé le nom en celui d'Arboriques, confinoient vers l'année quatre cens foixante & dix, avec les Francs, & que ces Armoriques (4) avoient été dans les tems precedens foumis à l'Empire Romain, ainfi que les autres Peuples de la Gaule & de l'Elpagne, ajoute à quelques lignes de là. " Dans la fuite les Vifigots » envahirent le territoire de l'Empire, & fous Euric ils fe rendi>> rent Souverains de ce qui appartenoit encore aux Romains en Efpagne, & de celles des Provinces des Gaules qui font en» tre le Rhône & l'Océan. Les Armoriques fournissoient alors » des Troupes aux Romains, dont ils avoient été autrefois Sujets. Les Francs qui confinoient avec les Armoriques, vou» lurent fe prévaloir pour les foumettre, des troubles ordi»naires dans un Etat où l'on a introduit une nouvelle forme de gouvernement. D'abord le Franc fe contenta de vexer » les Armoriques par des courfes pour les amener à son but; » mais voyant bien que toutes fes incurfions ne fuffiroient point » pour cela, il leur fit la guerre dans toutes les formes. Tant » qu'elle dura les Armoriques montrérent beaucoup de coura»ge, & ils firent voir un grand attachement aux interêts de » l'Empire. Enfin les Francs bien convaincus qu'ils ne pouvoient " pas en venir à leur but par la voye des armes, eurent recours » à celle de la négociation, & ils propoferent aux Armoriques » d'unir les deux Nations par une alliance qui n'en fît qu'un » feul Peuple. Procope raconte que dans la fuite & lorfque les Francs furent Chrétiens, les Armoriques donnerent leur confentement à l'alliance propofée & que cette union fut fuivie d'un Traité, par lequel ce qui reftoit de Troupes reglées aux Romains dans les Gaules paffa au fervice de Clovis. C'eft ce que nous rapporterons plus au long dans la fuite de cette Hiftoire.

Après tout ce que nous avons écrit concernant les conquêtes d'Euric & le tems où il les fit, le fens du paffage de Procope qu'on vient de lire, eft très-clair, & tout ce qu'il contient paroît très - vraisemblable, foit par la nature même des faits, foit parce que fon récit s'accorde avec toutes les lumieres que les au

(a) Horum fedes contingebant Arborichi cum reliqua omni Gallia atque Hifpania Romanis olim fubditi........ Procedente vero tempore Visigothi facta in Imperium Romanum impreffione Hifpaniam univerfam ac Provincias Gallia trans Rhodanum pofitas fubegerunt habueruntque vectigales. Militarem operam Romanis tunc navabant Arborichi quibus Germani utpote finitimis

| & à veteri politeia digreffis cum legem ac jugum vellent imponete, primum prædati, deinde recto Marte eos aggreffi funt agente omnes belli prurigine. Generofitatem & in Romanos benevolentiam teftati Arborichi, rem in co bello geffere fortiter. Nihil vi proficientes Germani, illos ad focietatem & affinitatem jungendas invitarunt.

Proc. de Bell. Goth. lib. pr. cap. 12.

tres monumens du cinquième & du fixiéme fiécle peuvent nous prêter pour débrouiller les événemens dont il s'agit.

En premier lieu, rien n'eft plus vraisemblable dès qu'on a quelque idée du caractere de Clovis, que de lui voir entreprendre la guerre contre les Armoriques en quatre cens quatre-vingt-treize, quoique jufques-là les Francs euffent vêcu en bons Alliés avec ces Peuples. Les interêts prefens de Clovis vouloient cette annéelà qu'il obligeât les Armoriques à fe foumettre à lui; il falloit qu'il les affujettît, s'il vouloit continuer à étendre fa domination, & celle des Dignités de l'Empire de laquelle il fe trouvoit revêtu, lui donnoit un droit apparent d'exiger d'eux qu'ils fe foumiffent à fon obéiffance, comme les Cités qui font entre la Somme & la Loire s'y étoient foumises.

En fecond lieu, on trouve dans les monumens litteraires de nos antiquités, deux évenemens arrivés fous le Regne de Clovis, qui ne peuvent être arrivés que dans un tems où ce Prince aura été en guerre contre les Armoriques, & qui probablement appartiennent à l'année quatre cens quatre-vingt-treize.

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Nous avons vû dans le vingt-cinquième Chapitre de la vie de Sainte Geneviève, que le Roi Childéric avoit une extrême confideration pour cette vertueufe Fille. Voici ce qui fe trouve dans le trente-quatrième Chapitre de cet Ouvrage. (a) » Dans le tems que les Francs tinrent Paris bloqué, & qui dura cinq » ans, la Ville & fes environs furent réduits à une fi grande fa» mine que plufieurs perfonnes y mouroient journellement de faim. La Sainte en fortit pour aller chercher des vivres, & puis elle y rentra amenant avec elle un grand convoi. Or une des principales circonftances de ce blocus, porte à croire qu'il a été l'un des évenemens de la guerre commencée par Clovis contre les Armoriques à la fin de l'année quatre cens quatre-vingt-douze, ou au commencement de l'année fuivante, & finie, ainfi que nous le dirons en fon lieu, l'année quatre cens quatre-vingtdix-fept, quelques mois après la converfion de Clovis, qui fut baptifé aux Fêtes de Noël de l'année quatre cens quatre-vingtfeize. Le blocus dont il s'agit, & la guerre dont il eft question, ont duré également quatre ou cinq ans. Clovis dont la domination s'étendoit prefque jufques aux portes de Paris, depuis qu'il étoit maître des Provinces Obéïffantes, aura donc commencé

(4) Tempore igitur quo obfidionem Pari- | fius qui nos per annos, ut aiunt, perpeffa eft à Francis, pagus ejufdem urbis ita inc.

dia affectus eft ut nonnulli fame periiffe dicantur.

Vita Genov. cap. trigefimo quarto,

à lui couper les vivres dès l'année quatre cens quatre - vingttreize, & il n'aura r'ouvert les paffages qu'après le Traité par lequel la République des Armoriques paffà fous fa domination dans le cours de l'année quatre cens quatre-vingt-dix-fept.

L'autre évenement que je crois pouvoir placer dans le tems de la guerre des Francs contre les Provinces Confederées, eft le fiége mis devant Nantes par l'armée de Clovis. Voyons ce qu'on en lit dans les Opufcules de Gregoire de Tours. Cet Auteur après y avoir parlé de la grande venération des Habitans de Nantes pour trois Saints, les Protecteurs de cette Ville, & dont les Corps repofoient en deux Eglifes differentes, s'explique ainsi: (4) Au »tems du Roi Clovis, la Ville de Nantes afliegée par l'armée » des Barbares depuis deux mois, commençoit à fouffrir beaucoup, lorfque fur le milieu de la nuit, le Peuple y vit diftin»ctement des hommes vêtus de blanc & portant des cierges allumés, fortir de l'Eglife des Martyrs faint Rogatien & faint » Donatien. Bientôt ce Choeur célefte fut joint par une troupe femblable, fortie de l'Eglife de faint Sambin Evêque & Con» feffeur. Ces deux Choeurs, de Bienheureux après s'être entre» falués, firent enfemble leurs prieres, & dès qu'elles furent fi» nies, chacun rentra dans l'Eglife dont il étoit forti. Dans le »tems même que nos Saints étoient en prieres, une terreur panique faifit les affiégeans, qui fe retirerent avec tant de pré»cipitation, que les Habitans de Nantes qui fortirent de leur » Ville dès que le jour fut venu, n'en purent joindre aucun. » Chillon le Genéral de l'Armée qui faifoit le Siége de Nantes, » connut bien, tout Payen qu'il étoit encore, que cet évene» ment devoit être miraculeux; il fe convertit donc, & il fut regeneré dans les eaux du Baptême, en reconnoiffant à haute » voix Jefus-Chrift pour le Fils du Dieu vivant.

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Il eft vrai que la plupart des Auteurs modernes ne placent le Siége de Nantes par Chillon, qu'en l'année cinq cens dix. Mais,

(a) Apud urbem Nanneticam, duo funt Martyres quorum unus Rogatianus, alter Donatianus... Igitur cum fupra dicta civitas tempore Chlodovechi regis Barbarica vallaretur obfidione, & jam fexaginta dies in hac ærumna Auxiffent, media nocte apparuerunt populo viri cum albis veftibus radiantibus cereis à Bafilica beatorum Martyrum egredi, cum alius chorus huic fimilis de Bafilica dicti Antiftitis Similini procederet cumque conjungentes fe data falutatione orationi incubuiflent, receflerunt unufquifque ad lo.

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cum unde progreffus fuerat, ac protinus omnis Phalanga hoftilis immenfo pavore exterrita ita fubito impetu à loco difceffit, ut facta luce nullus ex his reperiri potuerit. Apparuit autem dicta virtus Chilloni cuidam. qui tunc huic exercitui præerat qui necdum erat ex aqua & Spiritu Sancto renatus, qui ftatim compunctus corde converfus ad- Dominum, iterata nativitate progenitus Chriftum effe filium Dei vivi, clara voce teftatus elt, Gr. Tur. de Glor. Mart. lib, 1. cap. Sexan gefime.

ils n'appuyent leur fentiment d'aucune raison, & j'en ai d'assez bonnes pour croire que c'eft avant la converfion de Clovis qu'il faut placer la guerre qu'il fit contre les Armoriques, & dont il eft très-probable que notre Siége de Nantes a été un évenement. C'est que, comme nous le verrons dans la fuite, les Armoriques dans le pays de qui étoit la Ville de Nantes, fe foumirent à Clovis dès l'année quatre cens quatre-vingt-dix-fept. C'eft qu'une des circonftances du Siége de Nantes, dont parle Gregoire de Tours, confirme encore mon opinion. Gregoire de Tours dit pofitivement que Chillon qui commandoit l'armée des Francs, les feuls Barbares qui fuffent alors à portée de tenir le Siége devant Nantes durant deux mois, étoit encore Payen. Ór nous avons déja vû en parlant du petit nombre de Sujets qu'àvoit Clovis à fon avenement à la Couronne, que ceux de fes Francs qui ne voulurent point fe faire baptifer avec lui, le quitterent & qu'ils fe donnerent à Ragnacaire. Il n'y a donc point d'apparence que Clovis fût déja Chrétien lorsqu'il envoya Chillon qui étoit encore Payen, faire le Siége de Nantes, & par confequent il paroît que ce Siége a été fait avant l'année quatre cens seize.

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Il ne me reste plus qu'à répondre à une objection qui fe prefente fi naturellement, qu'il eft impoffible qu'elle ne vienne point dans l'efprit à quelqu'un de mes Lecteurs: Comment, dira-t-on, l'armée de Clovis a-t-elle pu s'avancer jufqu'à Nantes, & faire le Siége de cette Ville dans un tems, où fuivant les apparences, ce Prince ne tenoit encore aucune Place fur la rive gauche de la Seine depuis Paris jufqu'à la mer ? Auffi crois point que l'Armée de Chillon fût venue par terre devant Nantes. Je crois qu'elle s'y étoit rendue par mer & comme les armées d'Audouagrius Roi des Saxons étoient venues plufieurs fois devant Angers. On a lû dès le commencement de cet Ouvrage, que les Francs étoient bons hommes de mèr, & on a vû dans le troifiéme Livre que fous le regne de Childéric, ils avoient pris & pillé les Ifles des Saxons fituées au Nord de l'embouchure de l'Elbe. D'ailleurs, ce que dit Gregoire de Tours fur la promptitude avec laquelle les affiegeans de Nan tes difparurent, & qui fut fi grande, qu'on ne pût prendre aucun traîneur, induit à croire que ce fut en fe rembarquant fur leurs Bâtimens pendant le reflux, qu'ils fe retirerent. On a vû encore que ces Bâtimens étoient très - legers, & qu'ils abordoient par tout. L'entreprise étoit toujours bien hardie:

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