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pas été le maître de mettre des impofitions fans avoir obtenu le confentement du Peuple, on peut préfumer qu'Injuriofus n'auroit pas manqué d'alleguer à Clotaire que fon Edit, qui par lui-même étoit odieux, avoit encore été fait contre les regles de l'Etat. Et Gregoire de Tours auroit auffi peu manqué à l'écrire. L'un & l'autre ils ont eu un égal interêt de faire ce reproche,, s'il eût été fondé, à l'Edit de Clotaire. Nous avons déja rappor- Greg. Tur. té ce que dit notre Hiftorien concernant la confection d'un nou- Hift. Lib. s• veau Cadaftre ordonné par le Roi Chilpéric petit-fils de Clovis. cap. 29. & c. On voit par ce que dit Frédegonde, femme de ce Prince, quand elle lui propofa d'abandonner l'entreprife, que Chilpéric l'avoit faite de fa propre autorite, & qu'il en avoit pris l'évenement, fur lui. En effet, comme nous l'avons déja remarqué, il n'y avoit alors que deux fortes d'Affemblées politiques dans la Monarchie, le Champ de Mars, & les Affemblées compofées des Evêques & des Laïques revêtus des grandes Dignités de l'Etat. Le Champ de Mars étoit devenu une efpece de Confeil de guerre, deffus ch. 14. & les autres Affemblées qui ne se formoient point que les Rois ne les euffent convoquées expreffément, n'étoient confultées que fur les Ordonances & Reglemens qu'il convenoit de publier pour faire fleurir la Justice, & pour entretenir une Police convenable dans le Royaume. Si ces Affemblées étoient utiles aux Finances du Prince, c'eft parce qu'il étoit d'ufage que ceux qui s'y rendoient, fiffent chacun en fon particulier, des préfens au Souverain. On ne voit pas qu'il fe foit jamais adreffé à elles pour en obtenir la permiffion de mettre de nouveaux impôts, ou d'augmenter les anciens. Il y a dans les Capitulaires plufieurs Loix concernant la levée des impofitions en ufage. Je ne me fouviens pas d'y en avoir vû concernant l'établiffement d'une impofition nouvelle.

Au refte, il ne paroît pas que les Rois Mérovingiéns, abusaffent de leur autorité à cet égard. L'Hiftoire de Gregoire de Tours qui raconte tout ce qui s'eft paffé dans les Gaules durant le fiécle qui fuivit le Baptême de Clovis, ne fe plaint que de trois ou quatre tentatives, faites par les Rois Francs pour acroître par l'augmentation des taxes, leurs revenus. Cet Auteur ne nous entretient point des maux caufés par l'énormité des impofitions, il ne nous parle point de l'abattement & du défefpoir d'un Peuple tourmenté fans ceffe par des Exacteurs infatiables, comme nous en parlent Salvien & plufieurs autres Ecrivains qui ont vêcu fous le regne des derniers Empereurs d'Occident.

Voyez ci

Ce ne font pas les Souverains oeconomes, ou pour parler le langage du Courtisan avide & diffipateur, les Souverains ava res, qui deviennent par leurs exactions le fleau de leur Peuple. Il est bien rare du moins qu'un Prince épuife fes Sujets pour mettre dans un tréfor où il y a déja un million de pieces d'or, cinq ou fix cens mille piéces d'or de plus. Or les Rois Mérovingiens étoient fiœconomes; leur revenu étoit fi grand par raport au peu de dépense qu'ils avoient à faire dans un Etat où le Soldat même fubfiftoit communément du produit des Terres Domaniales dont la jouiffance lui tenoit lieu de paye, que ces Princes étoient toujours riches en argent comptant.

il

Quand Gregoire de Tours adreffe la parole aux petits-fils de Clovis, qui par leurs guerres civiles détruifoient la Monarchie que leur ayeul avoit fondée par fa bonne conduite, ne leur ditpas (4), que ce Prince étoit venu à bout de ce vafte deffein, fans avoir comme eux des coffres pleins d'or & d'argent. Quand Frédegonde veut perfuader à Chilpéric de jetter au feu les Cahiers de la nouvelle Description, elle lui dit : N'y a-t-il point déja notre trésor assez d'or, d'argent & de joyaux. Enfin GréHift. Lib. 3. goire de Tours raconte rarement la mort d'un des Rois dont il écrit l'hiftoire, fans faire quelque mention du tréfor que ce Prince laiffoit.

Greg. Tur.

Gap. 35.

dans

Mais, dira-t-on, les Rois Mérovingiens n'avoient-ils jamais un befoin preffant de quelque fomme de deniers? Je fuis perfuadé que fouvent il leur eft arrivé d'avoir befoin d'argent; mais alors ils en trouvoient, ou par les avances des Juifs, ou par la confifcation de quelque riche coupable qu'ils condamnoient. Il y avoit alors dans le Royaume, comme il y en aura toujours auffibien que par tout ailleurs, de ces hommes méchamment induftrieux, qui fçavent fe faire des fortunes odieufes, foit en pillant le Peuple, foit en volant le Prince. Ainfi les Rois, dont je parle, n'étoient point embaraffés à trouver une victime dont le facrifice leur devenoit doublement utile, parce qu'il confoloit les Sujets en même tems qu'il enrichiffoit le Fifc. Auffì l'Histoire des deux premiers fiécles de la Monarchie de Clovis eft-elle remplie d'exemples d'une juftice févere, exercée par le Prince même contre des perfonnes puiffantes dont les biens étoient confifqués. On en fçait affez pour comprendre qu'elles étoient criminelles; mais on entrevoit affez clairement, qu'elles n'auroient

(a) Et cum hæc faceret neque aurum, argentum ficut nunc eft in thesauris vestris habebat. Greg. Tur. Hift. in Proœmio, lib. z.

pas

pas été punies, fi leur Souverain qui étoit en même tems leur Juge, n'eût point été excité à venger les Loix par le motif de s'aproprier une riche dépouille.

Je ne crois pas qu'on m'objecte que fi les Rois Merovingiens euffent été des Souverains auffi abfolus que je le crois, ils n'auroient point effuyé tous les malheurs qui leur font arrivés. Je n'aurois pour répondre à cette objection qu'à renvoyer les perfonnes qui la feroient, à tout ce qui s'eft paffé dans l'Empire Ottoman, depuis cent cinquante années.

CHAPITRE X VI I.

Du tems où a ceffe la diftinction qui étoit entre les differentes Nations, qui compofoient le Peuple de la Monarchie.

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L

UE la diftinction qui étoit entre les differentes Nations qui compofoient le Peuple de la Monarchie, ait subsisté fous la feconde Race, il n'eft pas poffible d'en douter. On a déja lû vingt paffages qui le prouvent. Enfin la Chronique de Moiffac dit encore (4), que l'Empereur Charlemagne affembla les Ducs, les Comtes & les Principaux de celles des Nations de fon obéiffance, qui avoient embraffé la Religion Chrétienne, & qu'après avoir confulté les Jurifconfultes, il fit une nouvelle rédaction de toutes les Loix Nationales qui étoient en vigueur dans fes Etats, en changeant dans l'ancienne rédaction ce qu'il y avoit à corri ger. Enfuite, continuent ces Annales, il fit faire des copies bien conditionnées de la nouvelle, & il les remit aux Repréfentans de chaque Nation. Quand fes Succeffeurs faifoient le ferment Royal à leur avenement à la Couronne, & je l'ai déja écrit, le nouveau Roi juroit toujours qu'avec (b) l'aide du Ciel, il rendroit bonne Justice à tous fes Sujets, fuivant la Loi qui étoit propre à chacun d'eux, & felon laquelle fon Auteur avoit vêcu fous le regne des Rois precedens. On peut voir encore par diffe

(a) Imperator Carolus congregavit Duces, Comites, & reliquos Chriftianos Populos, cum Legislatoribus & fecit omnes leges in Regno fuo legi, & tradi unicuique hominum legem fuam & emendari ubicumque fuit, & emendatam fcribere.

Tome II.

Du Chefne tom. 3. pag. 144.

(b) Legem vero unicumque competentem ficut anteceffores fui tempore meorum prædecefforum habuerunt, in omni dignitate & ordine favente Deo me obfervaturum perdono. Baluz. Cap. tom. 2. pag. s.

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rens endroits des Capitulaires, rapportés dans le premier Chapi tre de ce Livre, que la diftinction entre les Nations habitantes dans les Gaules, a subsisté jusqu'au regne des derniers Rois de la feconde Race, bien qu'il fût permis dès le tems de la premiere, au Franc de fe faire Romain, & au Romain de fe faire Franc, ou de telle autre Nation qu'il lui plaifoit, & que les autres Barbares euffent la même liberté. Cette liberté de changer ainfi de Nation, paroîtra fans doute bizarre, mais les Loix & l'Hiftoire en font foi.

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Ileft dit dans le quarante-quatrième Titre des Loix Saliques de la rédaction, faite fous les Rois fils de Clovis : (a) » Le Franc » de condition libre, qui aura tué ou un Barbare ou bien un » autre homme vivant felon la Loi Salique, fera condamné à la » peine pécuniaire de deux cens fols d'or. « S'il n'y avoit eu que les Francs d'origine, qui cuffent vêcu fuivant la Loi Salique, ce Titre auroit dit fimplement ici, un Franc, fans ajouter ce qu'on lit enfuite. Ce qui prouve que les Romains mêmes avoient, ainfi que les Bourguignons & les autres Barbares, la liberté de fe métamorphofer en Francs; c'est que l'article de la Loi Salique, lequel nous expliquons, dit, ou un Barbare, ou un autre homme vivant felon la Loi Salique. Or, il n'y avoit alors dans les Gaules que deux genres d'Habitans, des Barbares & des Romains. Ainfi dès qu'il y avoit d'autres hommes que des Barbares qui vivoient fuivant la Loi Salique, il s'enfuit qu'il y avoit des Romains qui vivoient fuivant cette Loi. Il me femble que fi le paffage des Loix Saliques dont il s'agit, a befoin de cet éclairciffement, il n'a pas befoin des corrections qu'on voudroit faire à fon Texte. D'un autre côté tous les Barbares qui fe faifoient Eccléfiaftiques, étoient réputés être devenus Romains. Ils fe faifoient couper les Cheveux, ils prenoient l'habit Romain, & ils vivoient fuivant des Loix Romaines, » Que la Loi (b) Ro» maine, difent les Capitulaires, foit la Loi de tous ceux qui »font engagés dans l'Etat Eccléfiaftique, quelqu'Ordre que ce » foit qu'ils ayent reçu.

Voilà pourquoi tous les Chevelus, c'eft-à-dire, tous les Barbares qui entroient dans l'Etat Eccléfiaftique, étoient tenus de fe faire couper les cheveux à la mode des Romains, fans qu'il

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leur fût permis de les laiffer redevenir longs. Un article repété plufieurs fois dans les Capitulaires, ftatue (4) que les Cleres qui laifferont croître leurs cheveux, feront tondus, même malgré eux, par l'Archidiacre.

Je crois que cet ufage aura donné lieu à la couronne des Eccléfiaftiques. Comme les Citoyens de la Nation Romaine, foit Cleres, foit Laïcs, portoient tous les cheveux extrêmement courts, & comme les uns & les autres ils avoient les mêmes vêtemens, les premiers n'étoient point diftingués fenfiblement des Laïcs leurs Concitoyens, du moins ils n'étoient point diftingués de ceux de nos Laïcs qui gardoient l'habit national. Les Eccléfiaftiques auront donc mis en ufage une marque particulie re, laquelle les diftinguât, & qui fît connoître fenfiblement de quelle profeffion ils étoient. Pour cet effet, ils fe feront fait rafer le haut de la tête, ce qui montroit en même tems qu'ils étoient encore plus que le commun des Fideles, les Efclaves du Seigneur. On fait que les Chrétiens prenoient alors très-communément ce titre-là, tant dans l'Eglife Grecque que dans l'Eglife Latine.

Ainfi les Eccléfiaftiques fe trouverent diftingués par leur tonfure des Romains Laïcs, & diftingués par le cercle de cheveux qu'ils confervoient, d'avec les véritables Efclaves de la Nation Romaine, qui avoient la tête rafée, à moins qu'ils ne fuffent encore dans la premiere jeunesse.

Il eft certain que la couronne Eccléfiaftique a été en ufage dès le fixiéme fiécle. Gregoire de Tours écrit dans la vie du bienheureux Nicétius Evêque de Trèves, fous le regne des fils de Clovis, » Nicétius parut dès l'inftant même (b) de fa naiffance deftiné » à l'état Eccléfiaftique. Il vint au monde ayant le fommer de » la tête chauve, ainfi que les autres enfans, mais il avoit déja » au-deffus des oreilles un tour de petits cheveux, qui reffem» bloit à la couronne Cléricale.

Quant à la barbe qui étoit auffi l'une des marques aufquelles on reconnoiffoit fi un homme étoit de la Nation Romaine, ou d'une Nation Barbare, parce que les Barbarcs en portoient, au

(a) Sancitum eft ut Clerici qui comam nutriunt, ab Archidiacono, & fi noluerint, inviti detondeantur.

Baluz. Cap. tom. pr. pag. 153.

(b) Igitur fanctus Nicetius Epifcopus ab ipfo ortus fui tempore, Clericus defignatus eft: Nam cum' partu fuiffet effufus, om

ne caput ejus ut eft confuetudo nafcentium
infantium, à capillis nudum cernebatur. In
circuitu vero modicorum capillorum ordo
apparuit, ut crederes ab jifdem coronam Cle-
rici fuiffe fignatam.

Greg. Tur. In vitis Pat. cap. 17.

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