ÆäÀÌÁö À̹ÌÁö
PDF
ePub

Pag. 321.

lieu que les Romains n'en portoient pas, il étoit défendu aux Eccléfiaftiques d'en porter. Cette prohibition a même continué long-tems dans quelques Eglifes Cathédrales, qui font celles de toutes les Compagnies où les anciens ufages fe changent le plus difficilement. Il étoit encore défendu durant le feiziéme fiécle (4) aux Chanoines de l'Eglife de Paris, de porter une longue barbe. Les Eccléfiaftiques, de quelque Nation qu'ils fuffent fortis, dûrent auffi conferver toujours l'habit long, ou la Toga, parce qu'il étoit l'habillement d'un Citoyen Romain. Leur habillement aura même été emprunté ou imité par les principaux d'entre les Barbares, ou du moins par nos Rois qu'on trouve vêtus de long dans les monumens antiques du tems de la premiere ou de la fe'conde Race.

Je crois même auffi que les Eccléfiaftiques des Gaules ont confervé jufques fous les Rois de la troifiéme Race, la couleur de la Toga, qui étoit le blanc. Mon opinion eft appuyée, fur ce que le blanc a été long-tems la couleur uniforme dans toutes les Communautés Religieufes fondées avant le douzième siècle, & même de quelques Ordres fondés dans les fiécles fuivans. Lorfque les Théatins furent inftitués vers le milieu du feizième fiécle, il fut dit dans les premiers Statuts de leur Ordre: Que la couleur uniforme des habits des Religieux, feroit le blanc.

Quant aux Eccléfiaftiques Séculiers, ils ont long tems confervé l'habit blanc. Monfieur Gervaife dit dans fa vie de l'Apô tre des Gaules Que jufqu'au tems où le Pape Alexandre III. vint à Tours, & qu'il y prit poffeffion de l'Eglife de S. Martin, ce qui arriva vers le milieu du douzième fiècle, les Chanoines de cette Eglife avoient porté l'habit blanc. Ce fut alors qu'ils quitterent le blanc pour prendre le rouge & le violet, qu'ils ont confervés pendant plufieurs fiécles. Ce n'eft que depuis le milieu du feiziéme fiécle, que le noir eft devenu, généralement parlant, la couleur uniforme des Eccléfiaftiques Séculiers du fecond Ordre, & celui de plufieurs Societés Religieufes. On a eu fans doute de bonnes raisons pour établir cet ufage, mais je me figure que Sidonius Apollinaris & les autres Evêques des Gaules qui ont vêcu dans le cinquiéme fiécle, feroient bien furpris, fi, qu'il me foit permis d'ufer ici de l'expreffion vulgaire, ils revenoient

(4) Permiffion faite par le Chapitre à Maître Pierre Lefcot Chanoine de NotreDame, d'être reçû Chanoine de ladite Eglife avec la barbe, par proteftation que ladite

permiffion foit fans innover ni préjudicier aux Statuts. Donné le 10. Août 1556.

Sauval, Ant. de Paris, tom. 3. pag. 80.

au monde, de trouver leur Clergé vêtu de noir un jour de Pâques.

Après cette digreffion qui peut-être eft plus longue qu'inutile, je reviens à la liberté de changer de Nation que les Sujets avoient fous nos Rois de la premiere & de la feconde Race.

L'Empereur Lothaire, petit-fils de Charlemagne, dit dans une Loi faite véritablement pour l'Italie, mais dans laquelle ce Prince avoit fuivi felon l'apparence, les ufages de fes autres Etats": (a) » On demandera à chaque particulier du Peuple Romain, quelle » eft la Loi fuivant laquelle il veut vivre, afin que chacun puiffe à » l'avenir vivre fuivant la Loi qu'il aura optée; & il eft déclaré, » afin que la chofe foit notoire aux Ducs, aux Comtes, & à » tous ceux aufquels il appartiendra, que le Particulier qui au» ra forfait contre fa Loi, fera fujet aux peines portées dans cet» te Loi, contre le délit qu'il aura commis.

Comment eft-il donc arrivé que toutes les Nations qui compofoient le Peuple de la Monarchie Françoife, ayent été confondues en une feule & même Nation? Voici mon opinion. Ces Nations qui au bout de quelques genérations, parloient communément la même langue dans la même contrée, auront commencé, en s'habillant l'une comme l'autre, à faire difparoître les marques extérieures qui les diftinguoient fenfiblement. Il n'y au ra plus eu que les Eccléfiaftiques affujettis à porter l'habit Romain, qu'on aura reconnus à leur maniere de fe vêtir, pour être de la Nation Romaine. Ainfi tous les Citoyens Laïcs de nos Nations fe feront trouvés être déja semblables, quant à l'extérieur, dans le tems des derniers Rois de la feconde Race, & quand les Provinces du Royaume devinrent la proye des ufurpateurs. Ces tyrans qui gouvernoient arbitrairement, n'auront pas voulu entendre parler d'autre Loi que de leur volonté. Dans tous les lieux où ils s'étoient rendus les plus forts, ils auront fait taire devant leur bon plaifir, tous les Codes Nationaux. Ainfi nos Nations n'ayant plus de marques extérieures qui les diftine guaffent, ni une Loi particuliere fuivant laquelle elles vécuffent, elles auront été confondues enfin, & n'auront plus fait qu'une feule & même Nation, la Nation Françoife. Apportons quel ques preuves de ce qui vient d'être avancé.

(a) Imperator Clotarius. Volumus ut cunaus Populus Romanus interrogetur quali Lege vult vivere ut tali Lege quali vivere profeffi funt, vivant, illifque denuntietur ut unufquifque tam Judices quam Duces vel

reliquus Populus fciant, quod fi offenfionem contra eandem Legem fecerint, eidem Legi qua profitentur vivere, fubjaceant, Lex Longob. lib. 2. Titul. 57

La plus grande difference qui fut dans le cinquième fiécle entre l'habillement des Romains & celui des Barbares, confiftoit, nous l'avons déja dit plufieurs fois en ce que les Romains avoient le menton rafé, & portoient les cheveux extrêmement courts, au lieu que les autres laiffoient croître leur barbe & portoient de longs cheveux. Or, dès le tems des Rois de la premiere Race, les Citoyens Romains commençoient à porter une longue barbe & de longs cheveux. Je dis les Citoyens, car il paroît par ce qui eft arrivé poftérieurement, que dans le douzième fiécle, il étoit encore défendu aux Serfs de tout genre & de toute efpece, de porter de longs cheveux, & que ce fut feulement Bodin, Rep. alors, que Pierre Lombard, Evêque de Paris, & les autres Prélats ch. 6. qui avoient beaucoup de gens de Main-morte dans leurs Fiefs, obtinrent de nos Rois l'abrogation de cette Loi prohibitive.

Liv. 4.

Comme les Eccléfiaftiques envoyoient leurs Serfs à la guerre, & qu'ils les donnoient pour Champions, ainfi qu'on l'a pû voir, Pierre Lombard & les Prélats fes contemporains avoient raifon de fouhaiter que ces Serfs fuffent femblables à l'extérieur aux perfonnes de condition libre.

Gregoire de Tours nous aprend donc que de fon tems, c'est-àdire, dès la fin du fixiéme fiécle, il y avoit déja des Romains qui fans renoncer à leur état de Romain, portoient cependant une grande barbe & de longs cheveux, pour faire par-là leur cour aux Barbares, c'est-à-dire ici, aux Francs. Cet Hiftorien, parlant d'un Saint reclus, Romain de Nation comme lui, & fon contemporain dit: » (4) Le bienheureux Leobardus étoit de la Cité d'Au» vergne, & né dans une famille qui véritablement n'étoit pas » Sénatoriale, mais qui étoit libre depuis long-tems. Il fut » toujours très - attaché au service des Rois Francs, quoiqu'il » ne fût pas de ces Romains, qui pour faire leur cour aux » Barbares, fe laiffent croître la barbe, & laiffent venir leurs » cheveux fi longs, qu'ils leur flotent fur les épaules. Leobardus fe fit toujours rafer la barbe & faire les cheveux à certains jours.

Dans le fiécle fuivant, les Romains, & principalement ceux qui fréquentoient la Cour, continuerent à fe traveftir en Francs. Sandregefilus qui exerça l'emploi de Duc d'Aquitaine fous Clo

(a) Beatiffimus Leobardus Arvernici territorii indigena fuit, genere quidem non Senatorio, Ingenuo tamen. Eratque follicitudo pro populis, inquifitio pro Regibus.

Verumtamen non ille ut quidam dimiffis capillorum flagellis Barbarum plaudebat, fed certo tempore capillum tondebat & barbam, Greg. Tur. De vitis Patrum, cap. 20.

taire II. & dont nous avons rapporté la catastrophe, étoit de la Nation Romaine, & il mourut Romain, puifque fes enfans furent déclarés, conformément aux Loix Romaines, déchus de fa fucceffion pour n'avoir pas vengé fa mort. Il portoit neanmoins une longue barbe. (4) La vie de Dagobert nous apprend que ce Prince fit couper la barbe à Sandregefilus pour lui faire un affront. La raifon qui a engagé les Tartares qui conquirent la Chine dans le dernier fiécle, à obliger les Chinois de fe faire couper les cheveux pour s'habiller à la Tartare, & celle qui engage les Nobles Venitiens à fouffrir que plufieurs de leurs compatriotes qui ne font pas de leur Ordre, aillent cependant vêtus comme eux, je veux dire le motif de cacher leur petit nombre, devoit faire trouver bon aux Francs que le Romain portât leur habillement.

D'un autre côté, les Francs prenoient auffi quelques pieces de l'habillement ordinaire des Romains des Gaules. On fçait que les anciens Gaulois portoient une efpece de grands haut - dechauffes qui s'appelloient Bracca, & qu'avant la conquête de Jules Céfar, les Romains avoient même donné le nom de Gallia Braccata aux véritables Gaules, aux Gaules qui font au-delà des Alpes par raport à Rome, & cela par oppofition à la Gaule à Robe longue, ou Gallia Togata, qui étoit en deçà des Alpes par rapport à Rome, & faifoit une portion de l'Italie. Un climat autant fujet au froid & à l'humidité que l'étoit le climat des Gaules, mettoit dans la néceffité de s'y vêtir plus chaudement qu'on n'avoit de coutume de fe vêtir en Italie. Les Romains qui habitoient les Gaules, y prenoient donc l'ufage de porter de ces Bracce. Tacite remarque, qu'Alienus Cæcinna (b), qui commandoit une des armées que Vitellius envoya des Gaules en Italie contre Othon, paroiffoit en Italie habillé avec un de ces haut-de-chauffes à la Gauloife. Il eft donc aifé de croire, que lorfque les Gaulois prirent la Toga, ou la Robe à la Romaine, ils ne quitterent point pour cela l'ufage des Bracce ou de haut-de-chauffes qu'ils auront portés fous leurs robes, comme un habillement plus propre à les garantir du froid, que les bandes d'étoffes dont les Romains s'enveloppoient les cuiffes & les jambes. Cet ufage continua fous nos Rois.

On fçait que Charlemagne tenoit à grand honneur d'être

(a) Poft vero barba rafione, ea enim præcipua tunc erat injuria, deturpat. De Gefts Dagob. cap. 6.

(b) Cæcinna.....Quod verficolore fagulo, Braccas tegmen Barbarum indutus. Taciti Hift. Lib. 2. cap. 20.

Franc d'origine, (4) & qu'il affectoit de porter toujours l'habillement particulier à cette Nation. Un jour qu'il trouva une troupe de Francs vêtus avec ces Bracca, il ne pût s'empêcher de dire: Voilà nos hommes libres, voilà nos Francs, qui prennent les habits du Peuple qu'ils ont vaincu. Quel augure? Non contens de cette reprimande, il défendit expreffément aux Francs cette forte de vêtement. En effet, ce n'avoit été qu'après des guerres longues & fanglantes, que Pépin & que Charlemagne étoient venus à bout de forcer les Romains de l'Aquitaine, & ceux de quelques Provinces voifines à fe foumettre à leur domination. Dans le tems des guerres des Aquitains contre les Princes de la feconde Race, le parti des Aquitains s'appelloit le parti des Romains, Nous en avons dit les raifons dans le Chapitre douzième du quatriéme Livre de cet Ouvrage.

Ainfi, lorfque la plupart des Ducs, des Comtes, & des autres Officiers du Prince fe cantonnerent fous les derniers Rois de la feconde Race, les diverfes Nations qui compofoient le Peuple de la Monarchie Françoife, ne differoient plus par la langue & par les vêtemens. Elles ne differoient l'une de l'autre que parce qu'elles vivoient, quoique mêlées enfemble, fuivant des Loix ou des Codes differens, & la tyrannie des Ufurpateurs, qui ne vouloient pas qu'il y eût dans le pays qu'ils s'étoient affervi, d'autre regle que leur volonté, aura fait évanouir cette diftinction plus réelle véritablement que la premiere, mais beaucoup moins fenfible, & par conféquent plus prompte à difparoître. Que prefque tous les Ufurpateurs dont il eft ici question, ayent gouverné defpotiquement & tyranniquement les lieux dont ils s'étoient rendus les Maîtres, on n'en fçauroit douter. L'Histoire le dit, & quand elle ne le diroit pas, la commiffion de rendre la Justice au nom du Prince à fes Sujets, changée en un droit héréditaire, & l'introduction de tant de droits Seigneuriaux tellement odieux, qu'ils ne fçauroient avoir été ni accordés par le Peuple, ni impofés par l'autorité Royale, en feroient foi fuffifamment. C'est une matiere qui demande d'être traitée plus au long qu'il ne convient de la traiter ici.

Ç'aura donc été en un certain lieu fous les derniers Rois de. la feconde Race, & dans un autre lieu fous les premiers Rois de

[merged small][ocr errors][merged small]
« ÀÌÀü°è¼Ó »