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j'en tombe d'accord; mais Clovis qui la tentoit n'avoit enco re que trente ans, & fi l'expedition cût réuffi, elle auroit obligé les Armoriques à capituler inceffamment avec lui.

En l'année
ASS.

CHAPITRE VI.

Guerre de Clovis contre les Allemands. Converfion & Baptême de ce Prince.

N

y

Ous fommes arrivés au plus confiderable des évenemens de la vie de Clovis, à l'évenement qui fut la caufe de la converfion de ce Prince, que les représentations, ni les prieres de fainte Clotilde n'avoient pû encore opérer. On a vû dès le premier Livre de cet Ouvrage, que les Allemands étoient une Nation des plus nombreufes de la Germanie, & que fon berceau étoit fur le Danube. On y a vû auffi que dès le commencement du cinquième siècle, quelques Effains de cette Nation s'étoient établis dans le Pays, qui eft au Nord du Lac de Genève, & qui s'étend jufqu'au Mont Jura. Cette Colonie devoit être toujours, lorfque Clovis eut la guerre contre la Nation dont elle étoit, puifque notre Peuplade fe trouvoit encore dans la contrée qui vient d'être défignée au tems que Grégoire de Tours écrivoit, c'est-à-dire, à la fin du fixiéme fiècle. Cet Historien voulant défigner les lieux où Lupicinus & Romanus deux Saints Personnages dont nous avons déja parlé, & qui vivoient vers le milieu du cinquième fiecle, s'étoient retirés & où ils avoient bâti le Monaftere connu aujourd'hui fous le nom de l'Abbaye de Saint Claude: dit, (a) Que ce lieu eft fitué affez près d'Avanches & entre le Pays habité par les Bourguignons & le Pays habipar des Allemands.

Nous avons vû auffi dans le fecond Livre de cet Ouvrage que d'autres Effains d'Allemands habitoient fur la droite du Rhin, & qu'après la mort de Valentinien troifiéme, ils avoient paffé le Rhin pour s'établir dans le Pays appellé aujourd'hui l'Alface, mais qu'ils avoient repaffé ce Fleuve, dès ce Fleuve, dès que l'Empereur Petronius Maximus eut fait Avitus Maître de la Milice dans le dé

(4) Parentibus vero relinquentibus fæculum, hi communi confenfu eremum petunt & accedentes fimul inter illa Jurenfis deferti fecreta quæ inter Burgundiam Alamanniam- |

que fita Aventicæ adjacent civitati, tabernacula figunt.

Gr. Tur. de Vitis Patrum, capite primo,

par. pr.

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partement de la Préfecture des Gaules. Il a encore été parlé des incurfions que ces Allemands faifoient fouvent en Italie. Or il eft apparent qu'avant l'année quatre cens quatre-vingt, nos Allemands avoient paffé le Rhin de nouveau & qu'ils s'étoient rétablis dans l'Alface. En effet Procope dans l'expofition de l'état où étoient les Gaules immédiatement avant le renversement de l'Empire d'Occident arrivé en quatre cens foixante & feize, & que nous avons rapportée en fon lieu (4), place les Allemands & les Suéves dans une contrée qui étoit entre le Pays habité par les Tongriens & le Pays que tenoient les Bourguignons. C'est affez la fituation de l'Alface, & l'on ne doit point être furpris qu'un Auteur Grec ne l'ait pas défignée avec plus de précifion. Procope ajoute que les Allemands & les Suéves établis dans les Gaules, & dont il parle en cet endroit de fon Histoire, étoient des Peuples libres, & qui ne reconnoiffoient en aucune manierel'autorité de l'Empire.

Nos Allemands joints avec les Suéves & fortifiés fans doute par le fecours de ceux qui étoient demeurés dans la Germanie, & par le fecours de ceux qui habitoient entre le Mont-Jura & le Lac Léman, car on verra par la fuite de l'Hiftoire, que toute la Nation des Allemands prit part à cette guerre; entrérent hoftilement en quatre cens quatre-vingt-feize, dans la feconde des Germaniques occupée alors par les Francs Ripuaires dont Sigibert étoit Roi. Ce Prince fe mit à la tête de fon armée pour les repouffer & il appella Clovis à fon fecours. Clovis le joignit & ils donnerent bataille à l'ennemi auprès de la Ville de Tolbiac, qu'on croit avec fondement être aujourd'hui Zulpick, lieu fitué en deçà du Rhin, & diftant de quatre ou cinq fieuës de Cologne. L'action fut très-vive & le combat fort opiniâtre. Sigibert lui-même y reçut à la cuiffe (b) une bleffure dont il demeura boiteux le refte de fa vie. Enfin l'armée des Francs étoit fur le point d'être battue (c) quand le fidele Aurelien qui remar

(a) Non procul ab his ad Auftrum agebant Burgundiones. Ultra Thoringos, Suevi & Alamanni validæ Nationes. Ifti omnes ab antiquo liberi oras illas tenebant.

Procop. de Bell. Goth. lib. pr. cap. 12. (b) Habebat autem in adjutorium fui contra Alaricum filium Sigiberti Claudi, nomine Chlodericum. Hic Sigibertus pugnans contra Alamannos ad Tolbiacum oppidum percuffus in geniculum claudicabat. Gr. Tur. Hift. lib. 2. cap. 27.

Tome II.

(c) Sed nullo modo animum ejus ad credendum commovere potuit, donec aliquando bellum contra Alamannos, Suevolque moveret, in quo compulfus eft credere quem antea negaverat. Factum eft autem pugnantibus inter fe Francorum & Alamannorum exercitu, ut populus Chlodovei nimis cederet. Aurelianus hæc videns, ait ad Regem: mi Rex, crede tantummodo Deum Cæli quem Regina tua prædicat. Geft. Franc. cap. 15.

I

quoit apparemment que les Romains qui fervoient dans armée de Clovis faifoient (4) mal leur devoir, parce qu'ils s'ennuyoient d'attendre la converfion de ce Prince, lui dit: » Seigneur, croyez » en ce Dieu que Clotilde vous annonce, & ce Maître du Ciel » & de la Terre vous fera remporter la victoire fur vos en» nemis. » Auffi-tôt le Roi des Saliens leva au Ciel fes yeux baignés de larmes & s'écria: » Christ, vous que Clotilde an» nonce comme le Fils du Dieu vivant, comme un Dieu qui » donne du fecours à ceux qui l'implorent dans leur affliction, » & la victoire à ceux qui mettent en lui leur confiance, j'ai re» cours avec foumiffion à votre pouvoir fuprême : Si vous me » faites gagner la bataille, fi je reffens des effets de votre pro»tection tels que ceux qui croyent en vous difent qu'ils en ref» fentent chaque jour, je vous adorerai à l'avenir, & je me fe » rai baptifer en votre faint nom. Mes dieux que j'ai invoqués » inutilement font des dieux fans pouvoir, puifqu'ils ne m'ai»dent pas. C'eft donc vous Jesus-Chrift que j'invoque à prefent. "J'ai un veritable défir de pouvoir croire en vous. Donnez» moi donc la foi en me tirant des mains de mes ennemis. (b) Dès que Clovis eut prononcé ce vou, fes Troupes battirent les Suéves & les Allemands. Avant que de parler du Baptême de Clovis, racontons les autres fuites de la bataille de Tolbiac.

Le Chef ou le Roi des Allemands ayant été tué (c) fur la place, ils demanderent à Clovis d'être reçus au nombre de fes Sujets:» Nous nous foumettons, grand Prince, lui dirent-ils, à » votre domination. Ne nous faites donc plus la guerre, puif» que nous fommes une portion de votre Peuple. »>Clovis leur accorda ce qu'ils demandoient, & après les avoir obligés à fe renfermer dans leurs anciennes limites, il revint dans les Etats

(a) Bellantibus inter fe Francorum fcilicet exercitu & Alamannis atque Suevis, ut Chlodovici exercitus nimis corrueret, Aurelianus confiliarius cjus intuens Regem dixit: Domine mi Rex, crede modò Deum Cœli quem Domina mea Regina prædicat & dabit tibi ipfe Rex Regum & Deus Cœli & terræ victoriam.

Hincm. in Vit. Remigii.

(b) Regina vero non ceffabat prædicare Regi ut Deum verum cognofceret & idola negligeret, fed nullo modo ad hæc credenda poterat commoveri, donec tandem aliquando bellum contra Alamannos 'commoveretur.... Factum eft autem ut confligen

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jouir de la paix qu'il venoit de rétablir. Voilà ce que dit Grégoire de Tours concernant le fuccès de cette guerre.

Suivant fa coutume, cet Auteur abrege fi fort le récit de ce grand évenement, qu'on peut l'accufer d'en donner une fauffe idée. En effet, il femble en le lifant que la Nation entiere des Allemands fe foit foumife dans ce tems-là au Roi des Saliens, & que ce Prince n'ait eu pour lors à faire qu'avec une feule Nation. Voilà néanmoins ce qui n'eft pas. Tous les Allemands ne fe foumirent point alors à Clovis, & dans cette guerre ils avoient les Sueves pour Alliés. Tâchons donc à trouver ailleurs de quoi éclaircir la narration tronquée de notre Historien.

Caffiodore nous apprend que tous les Allemands ne fe foumirent point à Clovis en quatre cens quatre-vingt-feize. Il n'y eut que ceux d'entr'eux qui voulurent continuer à demeurer dans les pays qu'ils avoient occupés, qui le reconnurent pour Souverain. Plufieurs autres effains de cette Nation eurent recours à la protection de Theodoric Roi d'Italie ; & quelques-uns d'entr'eux fe réfugierent dans des pays de l'obéiffance de ce Prince; c'està-dire dans la Rhètie & dans la Norique. Il les accueillit & il leur accorda fa protection. Nous avons encore la lettre (4) qu'il écrivit aux Habitans de la Province Norique fituée entre les Alpes & le Danube, pour leur enjoindre d'échanger contre des bœufs frais & en état de tirer, les boeufs harraffés des Allemands qui voudroient paffer outre. Il y a bien loin des environs de Cologne à la hauteur d'Ulm, & les boeufs qui tiroient les chariots des Allemands devoient être d'autant plus fatigués lorfqu'ils arriverent auprès du lieu où cette derniere Ville a dans la fuite été bâtie, que la crainte d'être atteints par les Francs qui fuivoient toujours ces Allemands, les avoit obligés à marcher fans difcontinuation. Theodoric écrivit même à Clovis, pour l'engaà ne pourfuivre plus ces fugitifs, une lettre que Caffiodore nous a confervée, & dont voici la teneur.

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(b) L'alliance qui eft entre nous, me fait prendre beau

(a) Provincialibus Noricis Theodoricus Rex. Decernit ut Alamannorum boves, itine ris longinquitate & labore fracti Noricorum bobus, commutentur. Grate fufcipienda cft ordinatio quæ dantem juvat.

Caff. var. lib. 3. Ep. quinquagefima.

(b) Luduin Regi Francorum Theodoricus Rex, Gloriofa quidem veftræ affinitatis glo. ria gratulamur quod gentem Francorum prifca ætate refidem, in nova prælia felici

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ter concitafti, & Alamannicos Populos cœfis fortioribus inclinatos victrici dextera subdidifti........ Motus veftros in feffas reliquias temperate quia jure gratiæ merentur evadere, quod ad parentuin veftrorum defenfionem refpicitis confugiffe. Eftore illis remiffi qui noftris finibus celantur exterriti. Memorabilis triumphus eft Alamannum acerrimum fic expaviffe, ut tibi cum cogas de vita munere fupplicare: fufficiat illum

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" coup de part à la nouvelle gloire que les Francs, qui avoient » été fi long-tems fans faire parler d'eux, viennent d'acquerir en terraffant les Allemands qu'un Pouvoir fuperieur a humiliés » devant vous.... Ne pourfuivez plus les reftes malheureux de » cette Nation, & faites graces à des infortunés qui ont pris .< leur azile dans des Pays qui font fous l'obéïffance de vos Pa»rens: N'est-ce pas une affez belle victoire que d'avoir réduit » un Peuple auffi nombreux & auffi courageux que celui-là, à >> vous demander quartier, après avoir vû fon Roi tué dans le » combat, & la plûpart de fes Citoyens morts ou devenus les Sujets d'un Prince étranger. Nous vous envoyons donc tels » &tels, qui font chargés de vous demander expreffément de » ceffer toute hoftilité contre les Allemands, & qui ont en» core commiffion de vous communiquer de bouche plufieurs » affaires importantes, comme de vous reveler des fecrets » que vous avez un grand interêt de fçavoir. Notre profpérité » eft liée avec la vôtre, & nous apprenons avec joye vos fuccès, perfuadés que nous fommes qu'ils font avantageux au Royau me d'Italie. » La Lettre de Theodoric finit par ce qu'il dit à Clovis concernant un habile Muficien qu'il lui envoyoit.

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Il me femble à propos d'interrompre l'Hiftoire des Allemands, pour faire deux Obfervations fur la Lettre de Theodoric. La premiere fera, qu'il paroît que lorfque ce Prince l'écrivit, il avoit déja époufé Audéfféde Sœur de Clovis. Quand s'étoit fait ce mariage, dont j'aurai encore occafion de parler dans la fuite Peut-être que ç'aura été avant que Theodoric vînt en Italie. Theodoric qui étoit Chrétien avoit-il époufé Audéfléde quand elle étoit encore Payenne auffi-bien que Clovis Cela s'eft pû faire. Mais les apparences font que cette Princeffe s'étoit faite Arienne avant que fon frere fe convertît à la Religion Catholi que. En effet nous verrons que Lantildis, une autre Sœur de Clovis, avoit embraffé l'Arianifme avant que fon Frere se fit Chrétien, puifqu'elle abjura cette héréfie le jour même que ce Prince fe fit baptifer. Ma feconde Observation roulera fur les

Regem cum gentis fuperbia cecidiffe. Sufficiat innumerabilem Nationem, partim ferro, partim fervitio fubjugatam...... Quo circa falutantes gratia, honore & affectione qua dignum eft N. N. Legatos noftros ad Excellentiam veftram confueta caritate di reximus per quos & hofpitatis veftræ judicium & fperate petitionis confequamur cf

fectum. Quædam vero quæ ad nos pro vef tris utilitatibus pervenerunt, per harum por titores verbo infinuanda commifimus, ut cautiores effecti, optata politis victoria conftanter expleri. Veftra fiquidem falus noftra gloria eft, & toties regnum Italiæ proficerejudicamus, quoties de vobis lata cognofci mus. Caff. var. lib. fecundo, Ep. 430

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