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contractée de manier le pinceau, & celui de l'efprit eft le génie du peintre. Il paroît dans fes inventions & dans l'air particulier qu'il donne aux figures & aux autres objets qu'il repréfente; & felon que ce génie eft bon ou mauvais dans les peintres, nous difons que leurs ouvrages font d'un bon ou d'un mauvais goût. C'est à vous préfentement à faire l'application de ces deux fortes de caracteres, & à voir si votre connoiffance répond aux deux idées que je vous en viens de faire.

Pour ce caractere d'efprit & de génie du peintre, répliqua Damon, je vous avoue que je n'y ai pas encore bien pénétré, & que toute ma connoiffance n'eft fondée que fur des marques fort fenfibles que j'ai obfervées le mieux que j'ai pu, comme font les touches du pinceau, les couleurs fortes ou foibles, certains airs de têtes que quelques peintres ont affectés, certaines répéti tions de draperies, de coëffures, d'a

justemens & de figures toutes entieres, enfin un je ne fçai quoi d'extérieur qui frappe tellement la vue, qu'il eft impoffible de ne s'en pas fouvenir; mais je fens fort bien que toutes ces marques extérieures viennent plutôt de la main du peintre que de fa tête, & qu'ainsi elles ne répondent tout au plus qu'au deffus de lettre.

C'est toujours quelque chofe, dit Pamphile; mais il faut que vous paffiez plus avant, & que vous connoiffiez auffi les manieres par le caractere de l'efprit du peintre.

Je n'en défeipere pas, reprit Damon, fi vous voulez bien que nous en parlions quelquefois; mais la chofe dont je désespere, c'est d'acquérir cette connoissance que vous appellez la véritable, & de fçavoir juger fainement d'un ouvrage de peinture.

Quoi! cette connoiffance fine, répliqua Pamphile, qui fçait trouver le bien & le mal d'un tableau, & qui rend

raifon des beautés & des défauts qu'elle

y découvre ?

Celle-là même, continua Damon; trouvez-vous que ce foit une témérité que d'y prétendre ?

Non pas

il fuffit

cela, répondit Pamphile

que vous ayez autant d'efprit, que vous en avez & que vous aimiez la peinture.

On ne peut pas l'aimer davantage, reprit Damon, & cet amour m'a fait rechercher l'amitié des plus habiles peintres, croyant par là voir de beaux tableaux avec eux, les entendre raifon ner deffus, faire fond fur leurs fentimens, & devenir un grand connoiffeur en peinture mais je vous avoue que j'ai la cervelle tellement brouillée de la diverfité de leurs fentimens, que je fuis un peu moins éclairé là deffus que je n'étois le premier jour. L'un me louoit un tableau qu'un autre ne pouvoit fouffrir; l'un aime les manieres claires, & l'autre les manieres brunes

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Tantôt c'eft Titien & tantôt c'eft Raphaël qu'il faut fuivre, & quand je les priois de vouloir me donner quelque raifon pour me faire entrer dans leurs fentimens, quelques-uns m'en don noient d'affez apparentes, & d'autres me difoient que le raifonnement de la peinture étoit au bout du pinceau, & que les peintres n'avoient pas appris à en parler; & qui en parlera donc, leur difois-je, ceux qui n'en fçavent rien du tout? Enfin tout cela me rebuta fort, & m'a fait demeurer comme vous voyez dans mon ignorance.

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C'est un malheur pour vous, dit Pamphile, que vous vous foyez mal adreffé car il y en a de fort éclairés, & qui faifant de belles chofes par principes, pourroient auffi s'en expliquer & les faire nettement connoître. Le peu d'eux & que je fçai, je ne le tiens que de quelques réflexions que j'ai faites fur les plus beaux tableaux des meilleurs maîtres.

Je veux bien que je me fois maf adreffé, répliqua Damon, & que j'aie été malheureux; mais il ne tiendra qu'à vous que je fois heureux aujourd'hui.

Vous raillez, je crois, dit Pamphile, vous voulez puiser au ruiffeau, & vousétiez à la fource il n'y a qu'un moment; les tableaux que nous venons de quitter font les véritables maîtres de la pein

ture.

Tout cela eft le plus beau du monde, reprit Damon; mais les tableaux ne parlent point, & vous m'avouerez que c'est la feule chofe qui manque dans les tableaux du Roi, tant ils font beaux.

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Pour moi, lui dis-je, je les trouve très-éloquens. Ils m'ont répeté mille hiftoires différentes, dont j'ai été plus agréablement touché que lorfque je les ai lues. C'est un difcours muet à la vérité & qui n'eft que pour le cœur ; mais tout muet qu'il est, il fe fait très-bien entendre.

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