페이지 이미지
PDF
ePub

une

bizarreries de grands, de médiocres et de petits vers qui, mélangés avec un soin minutieux, ressemblaient, étant tracés sur le papier, à un autel, à un œuf, à une coupe, à hache d'armes, aux ailes d'un oiseau, etc. L'oisiveté monachale imagina la plupart de ces niaiseries, dont le succès faisait croire à leurs auteurs qu'ils avaient du génie, parce que, avec du tems et des mots, ils étaient parvenus à étonner des ignorans.

On les charmait encore plus avec ces représentations si connues sous les noms de farces, de moralités, de soties, de mystères. Elles ornèrent en 1313 une fête célèbre que donna, pendant quatre jours, Philippe-le-Bel, à l'occasion de la chevalerie conférée à ses enfans.

Les vers de huit syllabes étaient généralement préférés pour ces sortes de compositions, qui, mêlées de leur nature au culte, aux cérémonies, aux costumes ecclésiastiques, échappèrent long-tems aux próscriptions que le théâtre éprouva.

Telle était l'ignorance ou la simplicité de ces siècles, que le nom de Dieu, placé par

tout, faisait passer des descriptions et des détails que notre siècle, bien moins religieux peut-être, ne pardonnerait pas. Les œuvres que Jean Froissard, prêtre et chanoine, com‐ mença de faire sur l'an de gráce 1362, et était en l'an de gráce 1394, sont annoncées avoir été dictées et ordonnées à l'aide de Dieu et d'Amour; et, certes, tout n'y sent pas l'inspiration divine; telles que le Paradis d'Amour, la Prison amoureuse, l'Epinette amoureuse, etc. Froissard excellait dans la pastourelle; rien de plus frais que sa villanelle qui a pour refrain:

Si tu peux avoir ta bergère
Oserois-tu demander miex?

S'elle veut être t'amiette
Oserois-tu demander miex?

Et puis prirent à caroler, (danser)
Et la bergerette à chanter
Une chançon moult nouvellette,
Et disoit en chançonnette:
Dis-moi, Ansel, si t'oyt diex,

(Comme si Dieu t'oyait.)

Si je veuil être t'amiette,

Oserois-tu demander miex?

que

La langue et la versification continuèrent de s'épurer sous Charles VI et sous Charles VII, mais faiblement. La maladie du premier, ainsi les querelles domestiques dont sa cour fut sans cesse agitée, et les guerres que le second eut à soutenir contre les Anglais, ne permettaient pas aux Muses de faire entendre leur voix il leur faut du calme et des encoura

:

gemens.

Alain Chartier cependant les introduisit à la cour de Charles VI et de Charles VII, dont il fut successivement le secrétaire. Né en 1386, il mourut en 1458. On le traitait de

[ocr errors]

poète haut et scientifique,

Clerc excellent, orateur magnifique.

C'est lui qui, s'étant endormi dans une galerie du Palais, y reçut un baiser de Marguerite d'Ecosse, femme du Dauphin qui fut depuis Louis XI; et comme on s'étonnait de lui voir accorder cette faveur à l'homme le plus laid du royaume, elle répondit : «Je n'ai « pas baisé l'homme, mais la précieuse bouche « de laquelle sont issus et sortis tant de bons « mots et vertueuses paroles.

[ocr errors]

Les deux frères Greban vécurent dans le

même tems, et firent voir que notre versification était susceptible de nombre et d'harmonie.

Martin Franc montra dans son Champion des Dames que la force et l'énergie n'étaient point étrangères à la poésie française.

Elle dut languir sous le règne de l'avare, hypocrite et cruel Louis XI; les mauvais princes n'aiment pas les dispensateurs de la renommée.

Ce fut néanmoins alors que parut avec avantage celui que l'on regarde comme le héros de notre vieille poésie, et de qui Boileau a dit:

Villon sut le premier, dans ces siècles grossiers,
Débrouiller l'art confus de nos vieux romanciers.

François Villon, né aux environs de Pontoise sous Charles VIII, mérita par sa mauvaise conduite d'être condamné à la potence: Louis XI lui fit grâce.

Il est le premier, dit M. l'abbé Massieu, qui soit bien entré dans le génie de notre langue; ses écrits sont pleins d'expression et de tours qui sont encore de mise aujourd'hui. Il donna de nouvelles graces à la ballade et au

rondeau. Il fut aussi l'inventeur de ce badinage délicat qui tient comme le milieu entre l'agréable et le bouffon.

C'est dommage que la paresse, les mauvaises mœurs et les liaisons peu délicates de ce poète aimable l'aient fait souvent tomber dans le trivial, dans le bas, et qu'il ait réuni si souvent le meilleur esprit au plus mauvais goût.

Ses principaux ouvrages sont ses deux Testamens et ses Répues franches, ou Instructions pour corriger la fortune par l'industrie, dont il dit:

C'était la mère nourricière

De ceux qui n'avaient point d'argent;
A tromper devant et derrière

C'était un homme diligent.

Le père Ducerceau, qui a fait une espèce de préface au recueil des œuvres de Villon, dit que ce poète fut le maître de Clément Marot. Le disciple en ce cas vaut beaucoup mieux que le maître.

Dans l'intervalle qui les sépare on distingua quelques poètes; les moins inconnus sont Georges Chatelain et Guillaume Coquillard.

« 이전계속 »