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pas raisonnable d'aimer Theodore, d'aimer un véritable ami : un ami qui m'a fait mille biens, & à qui je dois ce que j'ai de plus précieux; des connoiffances qui font toute ma confolation & toute ma joïe. La dure féparation !

THE OTIME. Aimez Theodore, cela vous eft permis. Aimez-le d'un amour de bienveillance; mais ne vous attachez point à lui. Tout attachement à la créature, à une nature impuiffante Jer. 17eft une folie. Mandit eft celui qui met en l'homme fa confolation & fa joie.

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THEODOR E. Vous me faites, Arifte, trop d'honneur, & je ne dois pas le fouffrir. Je ne vous fis jamais aucun bien : & je fuis incapable d'en faire à perfonne. Il n'y a que Dieu qui foir bon, ou capable de vous faire du bien: *Luc 18: Nemo bonus nifi folus Deus. Lui feul eft nôtre lumiere & nôtre Docteur : Ma

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23: 10.

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Muh. gifter vefter unus eft Chriftus. L'effica*1. Tim. ce, la puiffance ne réfide qu'en lui: ** Solus potens. Il n'y a donc que lui qui merite d'être aimé d'un amour d'union, d'un amour qui eft dû à la puiffance: il n'y a que lui dont la feparation foit dure. Pefez bien ces paroles de faint Jacques: 1:10. Nolite errare fratres mei dilectiffimi:

Omne datum optimum,& omne donum perfectum, de furfum eft, defcendens à Patre luminum. Tout le bien que paroiffent: nous faire les créatures vient de plus haut: de furfum eft. Celui qui nous parle n'eft pas celui qui nous éclaire : l'intelligence vient d'enhaut, de la clarté des idées qui ne fe trouvent que dans la fouveraine Raison : à Patre luminum apud quem non eft tranfmutatio nec viciffi tudinis obumbratio. Raifon toûjours lumineufe: car le foleil des efprits n'est pas fujet au changement, & à des ré-volutions qui l'éclipfent.

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ARISTE. Jefçai, Theodore, que ceux que nous appellons nos maîtres ne font que des moniteurs ; & que les paroles dont ils nous frappent l'oreille font bien differentes de ces réponses intérieures, que rend à notre attention, celui qui préfide à tous les efprits. Mais nous avons befoin de ces moniteurs fidé les, éxacts, éclairez; & fans vous & Theotime, affurément je ne fçaurois point ce que je vous dis maintenant, & tant d'autres véritez qui me remplif fent.

THEODORE. Hé bien! Que perdrez-vous donc à la mort? Deux mo

niteurs inutiles. Qu'ils foient fidéles, éxacts, éclairez, tant qu'il vous plaira de le fuppofer; mais alors vous n'en aurez plus befoin. Un homme qui fort d'un cachot & qui voit le foleil, regrette-t'il la lampe de fa prifon? Un aveugle regrette-t'il fon bâton ou fon guide, lorfqu'il eft parfaitement guéri ? Dure feparation! Au refte, vos amis vous rejoindront bien-tôt, s'ils font dignes de vôtre amitié: & en attendant vous trouverez pour amis tous les citoïens de la fainte Cité, qui vous recevront avec joïe, comme un des membres de ce corps divin, dont le Seigneur JESUS eft le Chef.

ARISTE. Je le croi, 'Theodore: Je l'efpere. Mais les biens qu'on ne voit point ne touchent pas comme ceux qui frappent nos fens.

THEODORE. Ils touchent bien plus vivement, quand on y penfe fouvent, quand on les médite férieufement. Des biens fenfibles s'évanoüiffent comme des phantômes à la lumiere de la Raifon, lorsqu'on fait taire fon imagination & fes fens. Mais les biens futurs paroiffent d'autant plus réels d'autant plus folides, qu'on y penfe davantage.

davantage. Penfons-y donc, je vous prie. L'homme eft fait, dites-vous, pour vivre en focieté. Oüi fans doute : mais ce n'eft pas pour celle où nous vivons maintenant. C'eft pour la focieté future que nous aurons tous * * 1. Joa. avec le Pere & le Fils dans l'unité du : 3. même efprit que nous aurons tous dans la Cité du Dieu vivant, où habirent la vérité & la juftice, & dont les fondemens font inébranlables. Voilà le deffein de Dieu, & la fin de l'homme. Il ne peut y avoir, mon cher Arifte, de parfaite focieté que dans le Roïaume, où regne abfolument la Raifon : & la Raifon elle-même a declaré que fon Roïaume n'eft point de ce monde. Les peuples feroient heureux, dit un Ancien, files Rois étoient Philofophes: Combien plus heureux le peuple qui a pour Roi, non quelque difciple de la Vérité & de la Sageffe, mais la Sagefle elle-même. Heureux les peuples du 3. Reg. Sage Salomon, toûjours en paix durant fon regne: mille fois plus heureux le peuple de Dieu fous le regne éternel du vrai Salomon la Sageffe incarnée ? Heureux les peuples cheris de leur Souverain, traitez comme fes enfans; BienTome II. Kk

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heureux donc ce peuple conquis, qui a pour Prince fon Sauveur: mais Sauveur fi plein d'amour pour fon peuple, qu'il s'eft livré volontairement à la mort pour le délivrer de la fervitude. Heureufe la focieté, dont le Roi eft le Fils unique du Tout-puiffant, & qui traite fes fujets comme fes freres : où Dieu veut que nous l'appellions fon Pere, que nous aïons focieté avec lui, part à fon heritage, à fa gloire, à fes plaifirs, comme les enfans adoptez en fon Fils. Encore un coup c'eft pour vivre dans cette focieté-là que nous fommes faits.

ARISTE. Je le croi ainfi, Theodore. Ce deffein me paroît plus digne de Dieu, plus conforme à fes attributs que toutes ces focietez particulieres, que differens peuples font entr'eux. Mais c'eft une belle chofe qu'une parfaite focieté.

THEO TIME. Oui: mais c'est ce qu'on ne trouvera jamais ici-bas. J'appelle, Arifte, fociété, l'accord des efprits & des cœurs. L'accord des efprits dépend certainement de la vûë claire de l'immuable Vérité ; & l'accord des cœurs de la joüiffance de l'inépuifable Felicité. Çar rien n'eft plus évident que

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