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rencontrent comme, caufes efficientes. Mais n'étant mûs que par un autre, leur rencontre n'eft qu'une caufe occafionnelle, qui oblige, à caufe de leur impénétrabilité, le Moteur ou le Créateur à partager fon action. Et parce que Dieu doit lagir d'une maniere fimple & uniforme, il a dû fe faire des loix générales, & les plus fimples qui puiffent être, afin que dans la néceffité de changement il changeât le moins qu'il étoit poffible, & que par une même conduite il produisît une infinité d'effets differens. Voilà, Theotime, comme je comprens les choses.

.THEO TIM E. Vous les comprenez fort bien.

XIII. THEODORE. Parfaitement bien. Nous voilà tous d'accord fur les principe. Suivons - le un peu. Donc, Arifte, vous ne pouvez de vous-même remuer le bras, changer de place, de fituation, de posture, faire aux autres hommes ni bien ni mal, mettre dans l'Univers le moindre changement. Vous voilà dans le monde fans aucune puif. fance, immobile comme un roc, ftupide, pour ainsi dire, comme une fouche. Que vôtre ame foit unie à vôtre corps

fi étroitement qu'il vous plaira, que par lui elle tienne à tous ceux qui vous environnent, quel avantage tirerez-vous de cette union imaginaire? Comment ferez-vous pour remuer feulement le bout du doigt, pour prononcer feule ment un monofyllabe? Helas! fi Dieu ne vient au secours, vous ne ferez que de vains efforts, vous ne formerez que des defirs impuiffans. Car, un peu de réfléxion, fçavez-vous bien feulement ce qu'il faut faire pour prononcer le nom de vôtre meilleur ami, pour courber ou redreffer celui de vos doigts dont vous faites le plus d'ufage? Mais fuppofons que vous fçachiez ce que tout le monde ne fçait pas, ce dont quelques Sçavans mêmes ne conviennent pas, fçavoir, qu'on ne peut remuer le bras que par le moïen des efprits animaux, qui coulant par les nerfs dans les muf cles, les racourciffent, & tirent à eux les os aufquels ils font attachez. Suppofons que vous fçachiez l'anatomie & le jeu de vôtre machine, auffi éxacte, ment qu'un horlogeur fon propte ouvrage. Mais du moins fouvenez-vous du principe, qu'il n'y a que de Créa↓ teur des corps qui puiffe en être le mo

teur. Ce principe fuffit pour lier, que dis-je, , pour lier ! pour anéantir toutes vos facultez pretenduës. Car enfin les efprits animaux font des corps, quelque petits qu'ils puiffent être : ce n'eft que le plus fubtil du fang & des humeurs. Dieu feul peut donc les remuer ces pe tits corps. Lui feul peut & fçait les faire couler du cerveau dans les nerfs, des nerfs dans les muscles,d'un muscle dans fon antagoniste : toutes chofes néceffaires au mouvement de nos membres. Donc nonobftant l'union de l'ame & du corps, telle qu'il vous plaira de l'imaginer, vous voilà mort & fans mouvement; fi ce n'eft que Dieu veüille bien accorder fes volontez avec les vô tres; fesa volontez toujours efficaces, avec vos defirs toûjours impuiffans. Voilà, mon cher Arifte, le dénouement du myftere. C'eft que toutes les créatures ne font unies qu'à Dieu d'une union immediate. Elles ne dépendent effentiellement & directement que de lui. Comme elles font toutes également impuiffantes, elles ne dépendent point mutuellement les unes des autres. On peut dire qu'elles font unies entr'elles,& qu'elles dépendent mêmes les

unes des autres. Je l'avoue, pourvû qu'on ne l'entende pas felon les idées vulgaires; pourvû qu'on demeure d'ac cord que ce n'eft qu'en consequence des volontéz immuables & toûjours effica ces du Créateur, qu'en confequence des loix générales que Dieu a établies, & par lesquelles il regle le cours ordinaire de fa Providence, Dieu a voulu que mon bras fût remué dans l'inftant que je le voudrois moi-même. (Je fuppofe les conditions néceffaires.) Sa volonté eft efficace, elle eft immuable, Voilà d'où je tire ma puiffance & mes facultez. Il a voulu que j'euffe certains fentimens, certaines émotions, quand il y auroit dans mon cerveau certaines traces, certains ébranlemens d'efprits, Il a voulu en un mot, & il veut fans ceffe que les modalitez de l'efprit & du corps fuffent reciproques. Voilà l'union & la dépendance naturelle des deux parties, dont nous fommes compofez, Ce n'eft que la réciprocation mutuelle de nos modalitez appuïée fur le fondement inébranlable des decrets divins: decrets qui par leur efficace me communiquent la puiffance que j'ai fur mon corps, & par lui fur quelques aut

tres: decrets qui par leur immutabilité m'uniffent à mon corps ; & par lui à mes amis, à mes biens, à tout ce qui m'environne. Je ne tiens rien de ma nature, rien de la nature imaginaire des Philofophes; tout de Dieu & de fes decrets. Dieu a lié ensemble tous les ouvrages, non qu'il ait produit en eux des entitez liantes. Il les a fubordonnez les uns aux autres, fans les revêtir de qualitez efficaces. Vaines pretentions de l'orgueil humain, productions chimeri ques de l'ignorance des Philofophes! C'eft que frappez fenfiblement à la prefence des corps, touchez intérieurement par le fentiment de leurs propres efforts, ils n'ont point reconnu l'ope ration invifible du Créateur, l'unifor mité de fa conduite, la fécondité de fes loix, l'efficace toûjours actuelle de fes volontez, la fageffe infinie de fa Providence ordinaire. Ne dites donc plus,je vous prie, mon cher Arifte, que vôtre ame eft unie à vôtre corps plus étroit tement qu'à toute autre chofe; puif qu'elle n'eft unie immediatement qu'à Dieu feul, puifque les decrets divins font les liens indiffolubles de toutes les parties de l'Univers, & l'enchaînement

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