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JULIETTE,

LA MARQUISE.

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ULIETTE, préparez ma robe verte brodée, je m'habillerai bientôt.

JULIETTE.

Quoi, Madame, pour fouper ici tête-à-tête avec Madame votre tante !

LA MARQUIS E.

Eh! mon Dieu, j'étois engagée depuis huit jours à un fouper d'Ambassadeur, la Vicomteffe me l'a rappellé.

JULIETT E.

Mais, Madame, vous avez donné votre parole à Madame Dorizée de l'attendre ce feir, & en vérité vous pouvez bien lui facrifier un fouper de cent perfonnes, dont la plus légère excufe vous dégagera facilement.

LA MARQUIS E.

Oui, mais la Vicomteffe ne me le pardonne

roit jamais.

JULIET T E.

Madame votre tante fera fort en droit de vous pardonner encore moins.

LA MARQUIS E.

Je le crains, car je fuis perfuadée qu'elle trouvera ma raifon très-mauvaise.

JULIETTE.

Oh, déteable, foyez-en fùre.

LA MARQUIS E.

Cela eft fort embarraffant.... affurément je ferois au défefpoir de déplaire à ma tante, & aucune crainte pour moi ne peut être comparée à celle-là. Mais, Juliette, vous l'avouerai-je l'idée de ce tête-à-tête avec elle, que je defirois fi vivement ce matin, maintenant me trouble & m'inquiète....

JULIET TE.

Quoi, fe peut-il ?....

LA MARQUIS E.

Ah! ce changement ne vient point de mon cœur.... dans tout autre temps je facrifierois tous les plaifirs du monde au bonheur fi doux de paffer une foirée feule avec ma tante. Oui, Juliette, il eft bien vrai que la fageffe & la raifon s'expriment par fa bouche. Quel plaifir je goûtois à l'écouter, quand je fuivois fes confeils.

A préfent elle me perfuade toujours, mais en mème-temps fes difcours me font éprouver une confufion fecrette & des regrets dont je ne puis vous dépeindre l'amertume. Hélas! il faut fans doute ne s'être jamais égarée pour jouir de tout le charme des leçons de la vertu.

JULIET TE.

Il eft vrai qu'autrefois en vous détaillant tous les devoirs d'une femme, on vous offroit l'image fidelle de votre vie.

LA MARQUIS E.

Ah! Juliette, & j'ai pu négliger & perdre un femblable bonheur !...

JULIETTE.

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Vous le retrouverez & l'expérience y joindra une vertu de plus, la méfiance de vous-même. (Un Valet-de-Chambre paroit. )

LA MARQUIS E.

Que voulez-vous?

LE VALE T-DE-CHAMBRE. C'est un Peintre qui apporte à Madame trois portraits.

LA MARQUIS E.

Ah! je fais ce que c'eft. Allez les placer dans mon cabinet à la fuite des autres. (Le Valet-deChambre fort.)

JULIETT E.

Neuf & trois font douze ... l'on n'a communément que les portraits de fes amies intimes; ainfi, Madame, vous avez douze amies intimes; je vous en fais mon compliment.

LA MARQUIS E.

Non, je n'ai d'amie intime que la Vicomteffe, les autres ne font que des liaisons.

JULIET T E.

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Cependant je vous vois pour toutes ces Dames les mêmes attentions; vous leur rendez les mêmes foins, à peu de chose près: elles font fur la petite lifte; vous les accablez de careffes; dans la moindre abfence vous leur écrivez ; quand vous les rencontrez vous avez toujours quelques Secrets à leur dire à l'oreille; fi l'une d'elles eft malade, vous paroiffez éprouver les plus vives. inquiétudes, & vous courez vous enfermer avec elle. Si ce n'eft pas là de l'amitié, quel nom, Madame, doit-on donner à de telles démonftrations? Ah! ma chère maîtreffe, permettez-moi de vous le dire, votre ame & votre efprit devroient vous préserver du travers de fuivre cette mode ridicule, & vous faire méprifer ces vaines & puériles affectations. Pardonnez à mon zèle, il m'emporte ;

mais mon devoir eft de vous offrir la vérité, je vous crois digne de l'entendre.

LA MARQUIS E.

Vous ne vous trompez pas, Juliette; je fais du moins connoître le prix de vos confeils & de votre amitié; croyez même qu'il y a des momens où je fuis tout auffi choquée que vous l'êtes des ridicules que vous me dépeignez ; la vie que je mène me déplaît; mais elle m'a fait malheureusement contracter l'habitude de l'indolence & de la pareffe ; j'ai perdu le goût de l'occupation; j'ai négligé de cultiver ces talens qui m'attiroient autrefois tant de louanges, & je fuis effrayée du travail & du temps qu'il me faudroit pour me remettre au point où j'étois. Voilà ce qui m'arrête, je vous l'avoue.

JULIETTE.

Il est vrai, Madame, que fi vous balancez encore long-temps, vous pourriez bien à la fin vous avifer trop tard de vous remettre à l'étude. Mais, de bonne-foi, penfez-vous que dix-huit mois de défœuvrement ayent pu vous faire perdre le fruit de quinze ans de travail & d'application? Enfin, Madame, fi la tête vous tournoit de cette diffipation dans laquelle vous vivez, fi vous ne trouviez rien de comparable au bonheur

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