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celui qui me les avoit fait rendre? mais comme mon reffentiment n'étoit pas encore appaifé, j'étois inconfolable de devoir mes armes à un homme que je haïffois tant. Cependant Neoptoleme me di foit: Sachez que le divin Helenus fils de Priam étant forti de la ville de Troye par l'ordre & par l'infpiration des Dieux, nous a dévoilé l'avenir. La malheureufe Troye tombera, a-t-il dit; mais elle ne peut tomber qu'après qu'elle aura été attaquée par celui qui tient les flêches d'Hercule. Cet homme ne peut guérir que quand il fera devant les murailles de Troye, les enfans d'Efculape le guériront.

En ce moment je fentis mon cœur partagé, j'étois touché de la naïveté de Neoptoleme, & de la bonne foi avec laquelle il m'avoit rendu mon arc: mais je ne pouvois, me réfoudre à voir encore le jour s'il faloit ceder à Ulysse, & une

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mauvaise honte me tenoit en fufpens. Me verra-t-on, difois-je en moi-même,avec Ulyffe & avec les Atrides? Que croira-t-on de moi ? Pendant que j'étois dans cette incertitude, tout-à-coup j'entens une voix plus qu'humaine, je vois Hercule dans un nuage éclatant, il étoit environné de rayons de gloire. Je reconnus facilement fes traits un peu rudes, fon corps ro bufte,& fes manieres fimples, mais il avoit une hauteur & une majefté qui n'avoient jamais paru fi grandes en lui quand il domptoit les monftres. Il me dit:

Tu entens, tu vois Hercule. J'ai quitté le haut Olympe pour t'annoncer les ordres de Jupiter. Tu fçais par quels travaux j'ai acquis l'immortalité. Il faut que tu ailles avec le fils d'Achille, pour marcher fur més traces dans le chemin de la gloire. Tu guériras,tu perceras de mes flêches Pâris auteur de

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tant de maux. Après la prife de Troye,tu envoyeras de riches dé pouilles à Pocan ton pere fur le Mont Oeta; ces dépouilles feront mifes fur mon tombeau comme un monument de la victoire dûe à mes flêches. Et toi, ô fils d'Achil le je te déclare que tu ne peux vaincre fans Philoctete, ni Philoc tete fans toi. Allez donc comme deux lions qui cherchent enfem ble leur proye. J'envoyerai Efcula. pe à Troye pour guérir Philoctete. Sur tout, ô Grecs: aimez & obfer. vez la Religion; le reste meurt, elle ne meurt jamais.

Après avoir entendu ces paroles, je m'écriai: O heureux jour douce lumiere,tu te montres enfin après tant d'années. Je t'obéïs,je parts après avoir falué ces lieux! Adieu,cher antre.Adieu,Nymphe de ces prez humides ; je n'entendrai plus le bruit fourd des vagues de cette mer. Adieu, rivage, où

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tant de fois j'ai fouffert les injures de l'air. Adieu, promontoires, où Echo répéta tant de fois mes gémiffemens. Adieu, douces fontaines,qui me fûtes fi ameres. Adieu, ô terre de Lemnos laiffe-moi partir heureusement, puifque je vais où m'appelle la volonté des Dieux & de mes amis.

Ainfi nous partîmes, nous arrivâmes au fiege de Troye. Machaon & Podalyre par la divine science de leur pere Efculape me guérirent, ou du moins me mirent dans l'état où vous me voyez. Je ne fouffre plus ; j'ai retrouvé toute ma vigueur: mais je fuis un peu boiteux. Je fis tomber Pâris comme un timide faon de biche,qu'un chaffeur perce de fes traits. Bientôt Ilion fut réduit en cendre, vous favez le refte. J'avois neanmoins encore je ne fai quelle averfion pour le fage Ulyffe, par le fouvenir de mes maux; & fa vertu ne pouvoit ap

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paifer ce reffentiment: mais la vue d'un fils qui lui reffemble, & que je ne puis m'empêcher d'aimer m'attendrit le coeur pour le pere même.

Fin du quinziéme Livre.

LES

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