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Il soutient votre gloire, et vous donne un époux.

CHIMENE.

Quoi! l'objet de ma haine, ou bien de ma colere!
L'assassin de Rodrigue, ou celui de mon pere!
De tous les deux côtés on me donne un mari
Encor tout teint du sang que j'ai le plus chéri,
De tous les deux côtés mon ame se rebelle;
Je crains plus que la mort la fin de ma querelle:
Allez, vengeance, amour, qui troublez mes esprits,
Vous n'avez point pour moi de douceurs à ce prix.,
Et toi, puissant moteur du destin qui m'outrage,
Termine ce combat sans aucun avantage,

Sans faire aucun des deux ni vaincu, ni vainqueur.

ELVIRE.

Ce seroit vous traiter avec trop de rigueur.

Ce combat pour votre ame est un nouveau supplice,
S'il vous laisse obligée à demander justice,
À témoigner toujours ce haut ressentiment,

Et poursuivre toujours la mort de votre amant.
Madame, il vaut bien mieux que sa rare vaillance,
Lui couronnant le front, vous impose silence,
Que la loi du combat étouffe vos soupirs,

Et

que le roi vous force à suivre vos desirs.

CHIMENE.

Quand il sera vainqueur, crois-tu que je me rende? Mon devoir est trop fort, et ma perte trop grande; n'est pas assez, pour leur faire la loi,

Et ce
Que celle du combat, et le vouloir du roi.

Il peut vaincre don Sanche avec fort peu de peine,
Mais non pas avec lui la gloire de Chimene;
Et, quoi qu'à sa victoire un monarque ait promis,
Mon honneur lui fera mille autres ennemis.

ELVIRE.

Gardez, pour vous punir de cet orgueil étrange,
Que le ciel à la fin ne souffre qu'on vous venge.
Quoi! vous voulez encor refuser le bonheur
De pouvoir maintenant vous taire avec honneur!
Que prétend ce devoir? et qu'est-ce qu'il espere?
La mort de votre amant vous rendra-t-elle un pere?
Est-ce trop peu pour vous que d'un coup de malheur?
Faut-il perte sur perte, et douleur sur douleur?
Allez, dans le caprice où votre humeur s'obstine,
Vous ne méritez pas l'amant qu'on vous destine;
Et nous verrons du ciel l'équitable courroux
Vous laisser par sa mort don Sanche pour époux.

CHIMENE.

Elvire, c'est assez des peines que j'endure;
Ne les redouble point par ce funeste augure.
Je veux, si je le puis, les éviter tous deux,
Sinon en ce combat Rodrigue a tous mes vœux.
Non qu'une folle ardeur de son côté me penche;
Mais, s'il étoit vaincu, je serois à don Sanche;
Cette appréhension fait naître mon souhait.
Que vois-je? malheureuse! Elvire, c'en est fait.

SCENE VI.

D. SANCHE, CHIMENE, ELVIRE.

D. SANCHE.

Madame, à vos genoux j'apporte cette épée...

Quoi! du

CHIMENE.

sang de Rodrigue encor toute trempée! Perfide, oses-tu bien te montrer à mes yeux, Après m'avoir ôté ce que j'aimois le mieux? Éclate, mon amour, tu n'as plus rien à craindre; Mon pere est satisfait, cesse de te contraindre. Un même coup a mis ma gloire en sûreté, Mon ame au désespoir, ma flamme en liberté.

D. SANCHE.

D'un esprit plus rassis...

CHIMENE.

Tu me parles encore,

Exécrable assassin d'un héros que j'adore!
Va, tu l'as pris en traître; un guerrier si vaillant
N'eût jamais succombé sous un tel assaillant.
N'espere rien de moi, tu ne m'as point servie;
En croyant me venger, tu m'as ôté la vie.

D. SANCHE.

Étrange impression, qui, loin de m'écouter...

CHIMENE.

Veux-tu que de sa mort je t'écoute vanter,

Que j'entende à loisir avec quelle insolence

Tu peindras son malheur, mon crime, et ta vaillance?

SCENE VII.

D. FERNAND, D. DIEGUE, D. ARIAS, D. SANCHE, D. ALONSE, CHIMENE, ELVIRE.

CHIMENE.

Sire, il n'est plus besoin de vous dissimuler

Ce que tous mes efforts ne vous ont pu celer.
J'aimois, vous l'avez su; mais, pour venger mon pere,
J'ai bien voulu proscrire une tête si chere.
Votre majesté, Sire, elle-même a pu voir
Comme j'ai fait céder mon amour au devoir.
Enfin Rodrigue est mort, et sa mort m'a changée,
D'implacable ennemie, en amante affligée:
J'ai dû cette vengeance à qui m'a mise au jour,
Et je dois maintenant ces pleurs à mon amour.
Don Sanche m'a perdue en prenant ma défense,
Et du bras qui me perd je suis la récompense!
Sire, si la pitié peut émouvoir un roi,

De grace, révoquez une si dure loi.

Pour prix d'une victoire où je perds ce que j'aime, Je lui laisse mon bien; qu'il me laisse à moi-même; Qu'en un cloître sacré je pleure incessamment Jusqu'au dernier soupir mon pere et mon amant.

D. DIEGUE.

Enfin elle aime, Sire, et ne croit plus un crime
D'avouer par sa bouche un amour légitime.

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Chimene, sors d'erreur, ton amant n'est pas mort, Et don Sanche vaincu t'a fait un faux rapport.

D. SANCHE.

Sire, un peu trop d'ardeur, malgré moi, l'a déçue;
Je venois du combat lui raconter l'issue.

Ce généreux guerrier dont son cœur est charmé,
« Ne crains rien, m'a-t-il dit quand il m'a désarmé;
Je laisserois plutôt la victoire incertaine
Que de répandre un sang hasardé pour Chimene:
Mais, puisque mon devoir m'appelle auprès du roi,
Va de notre combat l'entretenir pour moi,
De la part du vainqueur lui porter ton épée. »
Sire, j'y suis venu: cet objet l'a trompée;
Elle m'a cru vainqueur me voyant de retour,
Et soudain sa colere a trahi son amour
Avec tant de transport et tant d'impatience,
Que je n'ai pu gagner un moment d'audience.
Pour moi, bien que vaincu, je me répute heureux;
Et, malgré l'intérêt de mon cœur amoureux,
Perdant infiniment, j'aime encor ma défaite,
Qui fait le beau succès d'une amour si parfaite.

D. FERNAND.

Ma fille, il ne faut point rougir d'un si beau feu,
Ni chercher les moyens d'en faire un désaveu;

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