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été très mal parler que de s'en servir sous le ministere du cardinal de Richelieu.

Ce grand homme avoit la plus vaste ambition qui ait jamais été. La gloire de gouverner la France presque absolument, d'abaisser la redoutable maison d'Autriche, de remuer toute l'Europe à son gré, ne lui suffisoit point: il y vouloit joindre encore celle de faire des comédies. Quand le Cid parut, il en fut aussi alarmé que s'il avoit vu les Espagnols devant Paris. Il souleva les auteurs contre cet ouvrage, ce qui ne dut pas être fort difficile ; et il se mit à leur tête. M. de Scudéry publia ses Observations sur le Cid, adressées à l'Académie françoise, qu'il en faisoit juge, et que le cardinal, son fondateur, sollicitoit puissamment contre la piece accusée. Mais, afin que l'Académie pût juger, ses statuts vouloient- que l'autre partie, c'est-à-dire M. Corneille, y consentît. On tira donc de lui une espece de consentement qu'il ne donna qu'à la crainte de déplaire au cardinal, et qu'il donna pourtant avec assez de fierté. Le moyen de ne pas ménager un pareil ministre, et qui étoit son bienfaiteur! car il récompensoit comme ministre ce même mérite dont il étoit jaloux comme poëte; et il semble

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que cette grande ame ne pouvoit pas avoir des foiblesses qu'elle ne réparât en même temps par quelque chose de noble.

L'Académie françoise donna ses Sentiments sur le Cid, et cet ouvrage fut digne de la grande réputation de cette compagnie naissante. Elle sut conserver tous les égards qu'elle devoit et à la passion du cardinal et à l'estime prodigieuse que le public avoit conçue du Cid: elle satisfit le cardinal en reprenant exactement tous les défauts de cette piece, et le public, en les reprenant avec modération, et même souvent avec des louanges.

Quand M. Corneille eut une fois, pour ainsi dire, atteint jusqu'au Cid, il s'éleva encore dans Horace; enfin il alla jusqu'à Cinna et à Polyeucte, au-dessus desquels il n'y a rien.

Ces pieces-là étoient d'une espece inconnue, et l'on vit un nouveau théâtre, Alors M. Corneille, par l'étude d'Aristote et d'Horace, par son expérience, par ses réflexions, et plus encore par son génie, trouva les véritables regles du poëme dramatique, et découvrit les sources du beau, qu'il a depuis ouvertes à tout le monde dans les discours qui sont à la tête de ses comédies. De là vient qu'il est regardé comme le.

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pere du théâtre françois. Il lui a donné le premier une forme raisonnable; il l'a porté à son plus haut point de perfection, et a laissé son secret à qui s'en pourra servir.

Avant que l'on jouât Polyeucte, M. Corneille le lut à l'hôtel de Rambouillet, souverain tribunal des affaires d'esprit en ce temps-là. La piece y fut applaudie autant que le demandoient la bienséance et la grande réputation que l'auteur avoit déja. Mais, quelques jours après, M. Voiture vint trouver M. Corneille, et prit des tours fort délicats pour lui dire que Polyeucte n'avoit pas réussi comme il pensoit; que sur-tout le christianisme avoit extrêmement déplu. M. Corneille alarmé voulut retirer la piece d'entre les mains des comédiens qui l'apprenoient; mais enfin il la leur laissa sur la parole d'un d'entre eux qui n'y jouoit point, parcequ'il étoit, trop mauvais acteur. Étoit-ce donc à ce comédien à juger mieux que tout l'hôtel de Rambouillet? ·

I

Pompée suivit Polyeucte. Ensuite vint le

Il s'appeloit Hauteroche. Il est auteur de quelques comédies. Th. Corneille mit sous son nom le Deuil et l'Esprit follet.

Menteur, piece comique, et presque entièrement prise de l'espagnol, selon la coutume de ce temps-là.

Quoique le Menteur soit très agréable, et qu'on l'applaudisse encore aujourd'hui sur le théâtre, j'avoue que la comédie n'étoit point encore arrivée à sa perfection. Ce qui dominoit dans les pieces, c'étoit l'intrigue et les incidents, erreurs de nom, déguisements, lettres interceptées, aventures nocturnes; et c'est pourquoi on prenoit presque tous les sujets chez les Espagnols, qui triomphent sur ces matieres. Ces pieces ne laissoient pas d'être fort plaisantes, et pleines d'esprit. Témoin le Menteur, dont nous parlons, Don Bertrand de Cigaral, le Geolier de soi-même. Mais enfin la plus grande beauté de la comédie étoit inconnue: on ne songeoit point aux mœurs et aux caracteres ; on alloit chercher bien loin le ridicule dans des événements imaginés avec beaucoup de peine, et on ne s'avisoit point de-l'aller prendre dans le cœur humain, où est sa principale habitation. Moliere est le premier qui l'ait été chercher là, et celui qui l'a le mieux mis en œuvre. Homme inimitable, et à qui la comédie doit autant que la tragédie à M. Corneille.

Comme le Menteur eut beaucoup de succès, M. Corneille lui donna une Suite, mais qui ne réussit guere. Il en découvre lui-même la raison dans les examens qu'il a faits de ses pieces. Là il s'établit juge de ses propres ouvrages, et en parle avec un noble désintéressement, dont il tire en même temps le double fruit, et de prévenir l'envie sur le mal qu'elle en pourroit dire, et de se rendre lui-même croyable sur le bien qu'il en dit.

A la Suite du Menteur succéda Rodogune. Il a écrit quelque part que, pour trouver la plus belle de ses pieces, il falloit choisir entre Rodogune et Cinna; et ceux à qui il en a parlé ont démêlé sans beaucoup de peine qu'il étoit pour Rodogune. Il ne m'appartient nullement de prononcer sur cela; mais peut-être préféroit-il Rodogune, parcequ'elle lui avoit extrêmement coûté. Il fut plus d'un an à disposer le sujet. Peut-être vouloit-il, en mettant son affection de ce côté-là, balancer celle du public, qui paroît être de l'autre. Pour moi, si j'ose le dire, je ne mettrois point le différent entre Rodogune et Cinna: il me paroît aisé de choisir entre elles; et je connois quelque

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