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EXAMEN DU CID.

imagination par mon silence, aussi bien que le lieu précis de ces quatre scenes du premier acte dont je viens de parler; et je m'assure que cet artifice m'a si bien réussi, que peu de personnes ont pris garde à l'un ni à l'autre, et que la plupart des la plupart des spectateurs, laissant emporter leurs esprits à ce qu'ils ont vu et entendu de pathétique en ce poëme, ne se sont point avisés de réfléchir sur ces deux considérations. dit Horace,

J'acheve par une remarque sur ce que que ce qu'on expose à la vue touche bien plus que ce qu'on n'apprend que par un récit.

C'est sur quoi je me suis fondé pour faire voir le soufflet que reçoit don Diegue, et cacher aux yeux la mort du comte, afin d'acquérir et de conserver à mon premier acteur l'amitié des auditeurs, si nécessaire pour réussir au théâtre. L'indignité d'un affront fait à un vieillard chargé d'années et de victoires les jette aisément dans le parti de l'offensé; et cette mort qu'on vient dire au roi tout simplement, sans aucune narration touchante, n'excite point en eux la commisération qu'y eût fait naître le spectacle de son sang, et ne leur donne aucune aversion pour ce malheureux amant, qu'ils ont vu forcé, par ce qu'il devoit à son honneur, d'en venir à cette extrémité, malgré l'intérêt et la tendresse de son amour.

FIN DE L'EXAMEN DU CID.

HORACE,

TRAGÉDIE EN CINQ ACTES.

1641.

ACTEURS.

TULLE, roi de Rome.

LE VIEIL HORACE, chevalier romain.

HORACE, son fils.

CURIACE, gentilhomme d'Albe, amant de Camille.
VALERE, chevalier romain, amoureux de Camille.
SABINE, femme d'Horace, et sœur de Curiace.
CAMILLE, amante de Curiace, et sœur d'Horace.
JULIE, dame romaine, confidente de Sabine et de
Camille.

FLAVIAN, soldat de l'armée d'Albe.
PROCULE, soldat de l'armée de Rome.

La scene est à Rome, dans une salle de la
maison d'Horace.

ACTE PREMIER.

SCENE I.

SABINE, JULIE.

APPROUVEZ

SABINE.

PPROUVEZ ma foiblesse, et souffrez ma douleur;
Elle n'est que trop juste en un si grand malheur:
Si près de voir sur soi fondré de tels orages,
L'ébranlement sied bien aux plus fermes courages;
Et l'esprit le plus mâle et le moins abattu

Ne sauroit sans désordre exercer sa vertu.

Quoique le mien s'étonne à ces rudes alarmes,
Le trouble de mon cœur ne peut rien sur mes larmes;
Et, parmi les soupirs qu'il pousse vers les cieux,
Ma constance du moins regne encor sur mes yeux.
Quand on arrête là les déplaisirs d'une ame,

Si l'on fait moins qu'un homme, on fait plus qu'une femme.
Commander à ses pleurs en cette extrémité,

C'est montrer pour le sexe assez de fermeté.

JULIE.

C'en est peut-être assez pour une ame commune
Qui du moindre péril se fait une infortune;
Mais de cette foiblesse un grand cœur est honteux;
Il ose espérer tout dans un succès douteux.

Les deux camps sont rangés au pied de nos murailles;
Mais Rome ignore encor comme on perd des batailles,
Loin de trembler pour elle, il lui faut applaudir;
Puisqu'elle va combattre, elle va s'agrandir.
Bannissez, bannissez une frayeur si vaine,
Et concevez des vœux dignes d'une Romaine.

SABINE.

Je suis Romaine, hélas! puisque Horace est Romain;
J'en ai
reçu le titre en recevant sa main :

Mais ce nœud me tiendroit en esclave enchaînée,
S'il m'empêchoit de voir en quels lieux je suis née.
Albe, où j'ai commencé de respirer le jour,
Albe, mon cher pays, et mon premier amour,
Lorsque entre nous et toi je vois la guerre ouverte,
Je crains notre victoire autant que notre perte.
Rome, si tu te plains que c'est là te trahir,
Fais-toi des ennemis que je puisse haïr.

Quand je vois de tes murs leur armée et la nôtre,
Mes trois freres dans l'une, et mon mari dans l'autre,
Puis-je former des voeux, et, sans impiété,
Importuner le ciel pour ta félicité?

Je sais que ton état, encore en sa naissance,

Ne sauroit sans la guerre affermir sa puissance;

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